dimanche 3 juin 2018

Capet, Barcelone


C’est au mois de novembre dernier que nous avions découvert « Capet » dans le quartier de Gracia et que nous avions grandement apprécié pour sa cuisine très fine et créative sans jamais lorgner vers les côtés faciles et mode actuels que l’on trouve trop souvent à Barcelone, cette lassante cuisine fusion. Un chef vénézuélien particulièrement doué qui utilise de très bons produits et qui les apprête avec beaucoup de finesse. Vu son succès, Armando Alvarez et Núria Soler décidèrent non pas d’agrandir leur établissement mais de bouger dans le quartier gothique. En fait pas totalement bouger mais plutôt ouvrir leur établissement dans la rue Cometa en l’appelant du même nom et de rebaptiser celui de Gracia en « Petit Capet ».


Celles et ceux qui connaissent le quartier se rappelleront qu’à la même adresse, se trouvait précédemment un autre restaurant appelé « Cometa Pla » dans un style culinaire assez différent et qui en plus était de qualité. Allez savoir pourquoi certaines tables fonctionnent ou non… Bref « Capet » a repris ces locaux et n’a que très peu changé la structure intérieure ou la décoration.


Les seuls changements notables et encore faut-il s’en rappeler, c’est d’avoir un peu éliminé les éléments tels que bouteilles sur des étagères et quelques tableaux ci et là. Le lieu est un peu plus épuré et d’après ce que nous avons compris, séduit le chef qui se trouve dans un espace plus agréable et adapté pour cuisiner.




Même concept que dans la plupart des établissements modernes actuels, une cuisine tout autour de laquelle l’on peut dîner en observant le chef et sa brigade. Autrement toujours les tables hautes et basses ainsi qu’un premier niveau lors d’affluence.




La carte ce soir est à nouveau une merveille et je pèse mes mots car l’on y retrouve comme la première fois des ingrédients locaux ou parfois de France, des assiettes très inspirées, des associations souvent étonnantes. Par example ces asperges blanches avec une crème d’anémone ! Je me fais souvent la réflexion que les légumes ici à Barcelone, dans la plupart des marchés sont plus que quelconques et semblent tout droit sortir de cultures douteuses, hors-sol et probablement ont subit quelques traitements. C’est bien simple, malgré plusieurs visites dans les grands marchés, je n’ai jamais vu de belles asperges blanches mais souvent des vertes petites et ratatinées. Je sais que le chef s’approvisionne directement chez les cultivateurs et nous voila avec de délicieuses asperges à la cuisson précise. Mais ceci n’est que le début ! Quelle idée fantastique que d’utiliser l’anémone de mer pour en faire une sauce. Généralement frites, avec une délicate saveur marine, elles ont été retravaillées sous forme de de crème mousseuse. L’association d’asperge avec le côté finement iodé est une très belle réussite.



Le pain lui aussi est très bon, ce qui n’est pas toujours le cas dans les restaurants.


Autre plat tout aussi riche en saveur, inventif mais toujours très pertinent dans les associations car les produits utilisés restent locaux. Un tartare de tomates à l’anguille fumée. On pourrait s’imaginer de trouver de la tomate en petit morceaux mais il s’agit plutôt d’une compote bien réduite et douce, à la limite confite, sur laquelle l’on trouve de fines tranches d’anguille ainsi que du basilic. L’anguille est un poisson fabuleux, surtout lorsque fumé car légèrement gras et qui amène toujours beaucoup de finesse aux assiettes. On le trouve parfois associé avec du foie gras mais avec ces tomates, c’est vraiment très réussi, sans oublier un assaisonnement précis pour le tartare.


Nous continuons avec encore l’un des plats que seul Armando à le secret, du maquereau mariné accompagné de blettes, betteraves et raifort. Le poisson est entre cuit et cru, heureusement pas passé au chalumeau mais laissé intact pour préserver la qualité de la chaire et son goût particulier. Déposé sur une délicieuse crème à base de raifort, ce qui donne un côté un peu puissant en bouche. Je félicite le chef d’utiliser un tel ingrédient et de ne pas utiliser son cousin wasabi qui à nouveau est abusivement utilisé un peu partout. Les morceaux de betteraves marinées amènent une saveur un peu douce et de la texture, la blette apporte de la fraicheur à l’ensemble de l’assiette.


Restons avec du poisson, de la morue confite sur une crème d’haricots blancs, oignons caramélisés, piparres et huile de coriandre. Ici encore c’est vraiment très pensé car on trouve souvent comme plat la morue aux haricots mais la travailler de cette manière est assez exceptionnelle. Confite donc, en dessous cette onctueuse crème qui donne un côté réconfortant en bouche, ces piments basques de couleur verte légèrement vinaigrés pour une touche d’acidité et la compote sucrée d’oignons enrichi superbement l’assiette. Une touche finale pour contrebalancer la texture de la purée d’haricots avec une huile parfumée. On remarquera aussi l’ajout d’un peu de piment en poudre.


Dans les viandes et volailles, je me rappelais que le chef apprécie de préparer le pigeon et autres types d’oiseaux assez puissants au goût. Cela sera son pigeon cuit en deux fois avec son pâté et salsifi. Une assiette sommes toutes assez française dans son exécution et absolument parfaite. Les cuisses sont rôties, le dos est lui encore rosé et c’est ce que l’on apprécie, le fond de sauce est ce que l’on appelle un demi-glace.  Une réduction réalisée à partir d’un fon brun souvent de bœuf ou de veau, avec un côté légèrement gélatineux provenant des os et de la moelle. Il n’y a pas a douter un seul instant de la qualité de cette sauce, le chef connait parfaitement ses classiques. J’apprécie aussi l’utilisation du salsifi poêlé, légume trop rarement utilisé. Les abats ont été utilisés afin de préparer une petite crème ou pâté qui amène une touche puissante à l’ensemble de cette assiette.


S’il y a un côté à améliorer à cet établissement, c’est les desserts qui sont un ton en dessous du reste de la prestation. Quelque chose de déjà observé lors de notre première visite et qui est reconnu par le chef qui si j’ai bien compris pense prendre a bord un pâtissier. Les fraises flambées au Grand-Marnier avec de la crème fouettée restent plaisantes mais on s’attend tout de même à autre chose.


Une très belle découverte avec le Priorat RIU 2015 Combier-Fischer-Gerin. L'infernal est un projet lancé en 2002 par trois grands vignerons de la Vallée du Rhône : Laurent Combier (Crozes-Hermitage), Jean-Michel Gerin (Condrieu, Côte Rôtie) et Peter Fischer (Château Revelette, Provence). Le vignoble de 8 hectares se situe sur l'appellation Priorat en Espagne. Un vine avec une belle robe foncée présente des reflets rubis qui dévoilent des arômes fruités et épicés.


Un repas de haut-vol qui à nouveau positionne l’établissement dans le top ds nouvelles tables à découvrir ou redécouvrir. Peu nombreux sont les chefs avec autant d’idées et qui ne sombrent pas dans la facilité. Des produits locaux, des plats très étudiés au niveau des associations, une manière parfois « un peu française » d’approcher les cuissons ou les compositions des assiettes. Tout est toujours d’une très grande fraicheur, très gourmand et d’une intelligente créativité. Assurément l’une des meilleures tables de Barcelone dans son genre en ce moment.



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