Même si le
nombre de tables Pakistanaises ou Indiennes est plutôt nombreux dans le
quartier du Raval, je ne me suis jamais décidé à en visiter une. A vrais dire, je
n’ai jamais entendu rien de positif ou même de négatif mais peut-être ai
quelques aprioris sur la cuisine, les produits et peut-être même l’hygiène,
mais je resterai à l’écoute de toute recommendation. Connaissant bien l’Inde,
sa cuisine ou des capitales telles que Londres où certaines tables sont de très
haut niveau, je n’avais pas franchement beaucoup de motivation à aller
découvrir l’une de ces tables locales. Ayant entendu parler de « Masala 73 »,
me voici donc finalement décidé a goûter la cuisine Indienne de Barcelone. Une adresse
non pas dans le quartier coloré du Raval mais dans celui de l’Eixample où se
trouvent un certain nombre de tables réputées, locales mais aussi
internationales. A première vue, ce restaurant veut place la barre un peu plus
haut que ses confrères.
Mais ne
vous trompez-pas, il ne s’agit pas d’un restaurant guindé et luxueux, mais
comme l’indique l’enseigne sur la porte, d’un bar à curry. A l’origine du « food
truck » qui a eu un tel succès que l’équipe derrière les fourneaux a
décidé d’ouvrir un lieu permanent.
D’entrée, j’adore
le style de décoration qui pourrait me rappeler les « Dishoom » de
Londres avec ce côté « un peu rue », cette décoration faussement négligée
car si l’on observe bien, tout est très bien pensé, donnant un air de faux
entrepôt. Caisse de bières empilées adossées au comptoir et d’ailleurs bières
indiennes ou du moins d’origine indienne mais britanniques comme la Cobra. Des
inscriptions murales en sanskrit sur les murs un peu comme des publicités sur
des immeubles de villes indiennes et des étagères remplies d’ingrédients comme
dans une échoppe ou même chez des particuliers. C’est intelligent, c’est
authentique et c’est conçu avec une touche esthétique.
Sur le comptoir,
de très belles assiettes sont en ce moment dressées, les chefs disposent d’un
emplacement assez réduit pur cuisiner et ont même dans l’agencement un four
tandoori ! Première observation, la vaisselle est esthétique, très
contemporaine, les assiettes sont élégamment construites.
Le nom de
cet établissement signifie tout d’abord « épices » et le chiffre 73
correspondrait d’après ce que j’ai compris à la date de leur camion qui sert de
« food truck ». Un premier endroit pour manger face à la cuisine, quelques
tabourets le long du mur. Ou alors la
salle du fond plus confortable et adaptée aux dîners. Comme précédemment
mentionné, de la jolie vaisselle et de la coutellerie choisie type étain.
Trois chefs
en cuisine, les brochettes et pains sortent de ce fameux four de terre cuite,
la cuisine est irréprochable dans sa tenue.
Dans le
fond de l’établissement, une autre salle avec une série de tables adjacentes
avec toujours ces graffitis faussement abimés par les probables intempéries,
des lumières un peu aléatoirement suspendues au plafond qui donnent l’impression
de n’être que des ampoules mais en réalité sont des lampes très modernes.
Banquettes murales, pas de chaises mais des tabourets, on a voulu préserver un
côté convivial, simple et chaleureux. Assez surprenante que cette fausse baie
vitrée qui donne l’impression d’avoir une vue sur une cour d’immeuble
illuminée.
Sur des
étagères, toujours comme dans une épicerie, des bouteilles de vin et des
bières. A noter que si l’on trouve des bières indiennes, on trouvera également
des bières artisanales locales comme celle de la brasserie Edge de Poblenou.
Le
personnel est agréable et souriant, prêt à vous expliquer les plats de la carte
si vous n’êtes pas un spécialiste de la cuisine indienne, sachant que la carte
change à chaque saison.
Ce qui saute
aux yeux immédiatement c’est que ce n’est pas une cuisine indienne
traditionnelle comme l’on trouverait dans la majorité des établissements mais
on observe quelques aménagements ou plutôt influences locales rien qu’au nom de
certains plats ou encore l’utilisation de certains ingrédients. Rien de fusion
mais plutôt quelques amusantes idées bien inspirées comme ces Bomba de Mumbai,
version Indienne de ce plat emblématique de Barceloneta, des tacos à l’indienne
ou l’utilisation de calçots. Aussi, les produits semblent être soigneusement
sélectionnés. Un choix limité à chaque fois à quatre cinq mets pour les entrées,
plats principaux et accompagnements divers.
Des tacos
Vindaloo réalisé avec du porc ibérique bellota D.O Guijuelo, la partie appelée « secreto ».
Du curry vindaloo propre donc à la région de Goa avec ce côté vinaigré,
accompagné d’oignons en lamelles et de coriandre fraiche. Le plat s’appelle
tacos car c’est un peu la mode à Barcelone mais ce ne sont pas de réels tacos
mais des chapatis réalisés sur place. Pain quotidien sans levain que l’on appelle aussi
roti. Très bien pensé, le porc étant aussi fréquent à Goa en relation avec l’occupation
portugaise de l’époque, la cuisson est idéale, les saveurs sont gouteuses, le
tout se mange avec gourmandise.
Très belle
autre entrée que ces pakoras de calçots avec du garam masala, frits avec de la
farine de pois chiches, servis avec des sauces au tamarin et aux graines de fenouil.
Ce sont donc des beignets indiens que l'on fait avec de la farine de pois
chiches et des légumes... Une jolie friture autour des ces légumes de
Catalogne, c’est croustillant et s’harmonise évidemment avec les sauces, la
première un peu acidulée et l’autre plus douce, parfumée.
Deux currys
avec tout d’abord du poulet mariné et cuit dans le four tandoor, recouvert d’une
sauce tikka masala, sauce onctueuse à base de tomate et lait de coco. Cette
recette de poulet massala est un classique de la cuisine britannique inspiré
des délicieux currys indiens. Le poulet est d'abord mariné dans un mélange
d'épices avant d'être mijoté dans une sauce tomate au yaourt. La
volaille est particulièrement de bonne qualité et la sauce un vrai régal
surtout lorsque l’on trempe son naan dedans ou l’on y ajoute du riz basmati. Le
poulet est en cubes, présenté en arc de cercle avec un peu de sésame sur le
dessus et une touche de crème ou peut-être yoghourt.
Second
curry, avec de l’agneau bio de la D.O. Xisqueta de Cal Tomas. On remaquera
comme au préalable que les viandes sont soigneusement choisies. La sauce ici est
plus pimentée et tout aussi onctueuse et gourmande. Il s’agit d’une préparation
« Gosht Madras » cuite spécialement dans les sucs de l’agneau, le
curry de Madras, du yoghourt, de la menthe et du fenouil. Quelques fines
lamelles de piment, un peu de yoghourt et de la coriandre fraiche.
Si l’on
doit faire un reproche, c’est pour le riz. Pas qu’il ne soit pas bon, mais la
quantité reste dérisoire pour 3.50 euros même si .50 sont donnés à une
fondation. Le riz reste une partie importante d’un repas indien, ne coute pas grand-chose
et semble être ici soit superflu, soit peu mangé, soit être un produit luxueux…
Un simple bol ne suffit simplement pas pour quelqu’un habitué à la cuisine
indienne et en prendre plusieurs à ce prix n’a aucun sens.
Je dirais
que les « naan » à l’ail sont corrects mais ne sont pas non plus le
point fort. Même si cuits au four tandoor, ils manquent un peu de légèreté, ne
sont pas assez gonflés.
Des desserts plutôt inespérés avec des rasmalai et du kulfi. La glace peut évidemment avoir plusieurs
saveurs, n’est pas faite sur place mais par l'un des meilleurs glaciers de la
ville : « Delacrem ». Le rasmalai souvent difficile à trouver
car demande beaucoup de travail, réalisé avec la peau du lait parfaitement
fidèle à ce qu’il doit être est ici aux amandes, eau de rose et safran. Deux
très bons desserts indiens.
Très bel
effort que celui de « Masala 73 » de vouloir non seulement proposer
une cuisine Indienne particulièrement fine dans les sauces avec des produits de
qualité, ce qui n’est pas toujours évident, mais aussi de créer un endroit aussi
convivial. Le lieu a plein de charme, une belle évolution de « food trucks »
encore que ce que l’on sert soit d’un niveau bien plus sophistiqué que ce que l’on
mange en plein air face à une cuisine de fortune. Le décor est bien sympathique,
l’ambiance idéale pour une soirée entre amis, les prix sont très raisonnables.
Il ne me reste qu’à découvrir le reste de la carte et de me réjouir de la
prochaine saison.
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