dimanche 18 mars 2018

Hawker 45, Barcelone


Concept plutôt innovant et vraiment inattendu que celui de « Hawker 45 » situé dans le quartier de l’Eixample. Une table que l’on peut qualifier de simplement « asia-latine » et « street food » sans de prédominance particulière d’un pays ou l’autre. Probablement que ce concept a dû germer un certain temps dans les têtes de Laila Bazham, d’origine philippine et brésilienne ainsi que Laura Freedman, elle, nord -américaine. On ne peut pas espérer mieux pour mélanger diverses cultures et sortir de très beaux plats parfois créatifs comme ici.

Pas une grande carte mais une belle série de plats inspirés par tous ces pays, une liste plutôt cohérente, avec de l’inspiration mais tout de même un certain réalisme. Pas de mets « fusion » sans aucun sens mais des associations qui fonctionnent et qui ont été étudiées. Japon, Malaisie, Inde, Laos, Philippines, Thaïlande, Vietnam, voila ce qui inspire ces deux femmes qui se sont inspiré de concepts dédiés à la « street food » à Singapour.  Les « hawker centres » et les « food courts » (terme plus connu) sont des aires de restauration où des dizaines de stands de nourritures chinoise, malaise, indonésienne, indienne, japonaise, etc. bon marché sont rassemblés. Il s'agit des étals des marchands qui vendaient autrefois de la nourriture dans la rue et qui ont été sédentarisés. Les « food courts » sont des « hawker centres » améliorés. Vous êtes donc au numéro 45 de l’un de ces stands…en image.

Ce qui me plait d’entrée, c’est cette enseigne si typique des villes d'Asie du sud-est avec ces néons de couleurs vives, ici rouge. Quelques tables extérieures pour les fumeurs ou éventuellement prendre un verre, un sol sur le modèle de 1916 de Escofet Tejera & Co choisi par la ville de Barcelone pour paver les trottoirs de la ville, sigle reconnaissable immédiatement et typique dans beaucoup d’endroits. Les passionnés de cinéma pourraient quelques instants s’imaginer dans « Bladerunner ».


Autre particularité de l’endroit qui tout de suite vous plonge dans une autre ambiance, ces magnifiques fresques murales représentant des personnes de la vie de tous les jours, des marchands ambulants, certains asiatiques comme cette femme à droite de l’entrée.


L’intérieur lui aussi a beaucoup de cachet. Un endroit a prime abord assez minimaliste mais en regardant bien, cela a vraiment été très bien pensé. Tout d’abord la cuisine en longueur prolongée par un bar où l’on peut manger sur des tabourets. En même temps un côté un peu « shabby chic » et moderne, avec ces structures épurées noires du comptoir et ces murs d’une autre époque et pas toujours repeints.


Une prédominance des couleurs rouge et noir avec même des serveurs portant des tabliers de ces couleurs, comme d’ailleurs la table au comptoir.


Dans la pièce principale, la possibilité de soit manger toujours sur des comptoirs mais ceux-ci avec une forme triangulaire ou alors plus classiquement autour de tables alignées le long des murs eux aussi avec des fresques. On hésite entre le côté presque cafétéria, mais finalement après quelques instants, tout prend du sens dans cet espace très original.




Ici, des fresques plutôt latino-américaines qui donnent beaucoup d’allure à la pièce.


Une carte donc très variée, un menu de dégustation en six plats à 35 euros, mais c’est plutôt la carte qui nous séduit. Pour commencer un « Kinilaw » de thon, pulpe de coco, citron vert et crème d’avocat. Le « Kinilaw » d’origine Philippine est assez proche du « ceviche ».  Le mot signifie « manger cru », se trouve être en fait plus un mode de cuisson par le vinaigre qu’un plat en lui même. Apprécié en début de repas, il est associé souvent a des poissons frais comme ici le thon, du vinaigre de noix de coco, légumes, fruits et épices. Joliment dressé, assaisonnement de dernière minute pour éviter la cuisson du poisson, une touche un peu locale avec l’ajout d’une petite salade et de tomates cerises. C’est bon et frais, une belle entrée en matière.


Autre clin d’œil au patrimoine culinaire Catalan, une « Bomba » de Pho, réalisée avec de la croquette de pomme de terre, des joues de bœuf, une réduction de Pho, de l’aïoli et une émulsion de Sriracha. L’adaptation de ce plat emblématique de Barceloneta mais avec une touche vietnamienne. Je ne pourrais vous dire si c’était bon ou non…car en fait il s’agissait d’une commande d’une autre table qui par erreur est restée sur notre table quelques secondes. Dans tous les cas, visuellement plutôt tentant.


Assiette vietnamienne avec une salade de pomelo, du maquereau, des herbes, des cacahouètes, du nuoc cham, effiloché de crevettes.  Le fruit est bien sucré, le poisson semble avoir été cuit à la torche, un peu de salade et étonnement des choux de Bruxelles braisés qui ne s’harmonisaient pas vraiment avec le reste. Pas non plus très sur que les saveurs soient vraiment vietnamiennes non plus.


Plus emballé par ce met d’inspiration indienne avec de tandoori de carottes, concombre, yoghourt et coriandre. De jeunes carottes poêlées dans les épices, déposées sur un pain de type « roti », la raita, association concombre et yoghourt avec une feuille de menthe sur le dessus.


Un plat parfois de Singapour, dans un bouillon Laksa, un riz avec crevette, calamar, lait de coco, palourdes et feuilles de Laksa. Le Laksa est normalement une soupe de nouilles épicée populaire dans la cuisine de Peranakan qui se compose de nouilles de riz ou de vermicelles de riz avec poulet, crevettes ou poisson, servies dans une soupe épicée à base de lait de coco au curry et épicée ou avec du tamarin. A nouveau une transformation finalement assez catalane sous forme de riz qui aura cuit dans ce bouillon et avec sur le dessus les crustacés. C’est assez ingénieux et gouteux.


En volaille, du poulet inasal, des légumes au vinaigre, des oignons de printemps, et un riz aromatisé, sur une feuille de bananier. Plat philippin se trouvant être du poulet rôti, mariné dans un mélange de citron vert, poivre, vinaigre et graines annato, puis grillé sur des charbons chauds tout en étant arrosé avec la marinade. Il est servi comme ici avec du riz, de la sauce soja et du vinaigre. Un joli plat bien parfumé avec également des pousses de soja et du concombre.



On trouvera également des desserts, comme par exemple ce gateau Nyonya à la banane, avec de la cannelle et une crème au fruit de la passion. Un gateau des chinois de Malaisie et qui en bouche pourrait étonnement rappeler une pâtisserie bien française.


Dans son ensemble, une belle prestation, un lieu et concept assez innovant, un exemple poussé à l’extrême de la cuisine fusion. Celles et ceux qui ne connaissent pas particulièrement les plats et saveurs de ces différents pays, seront probablement comblés. Les autres pourraient être un peu frustrés de ne pas complètement retrouver les saveurs de bases et peut-être de trouver un peu trop de produits locaux et non vraiment ceux de ces pays lointains. Par exemple salade frisée, choux de Bruxelles et tomates cerises, je ne suis pas trop convaincu. Donc plus une cuisine influencée par d’autres pays et fusion, que vraiment Asiatique ou Latino-Américaine. Probablement que cela correspond aux goûts locaux, mais il y a aussi de fortes chances que certaines herbes comme l’on trouve en Asie du Sud-Est ne soient pas disponibles. Du moment qu’on le sait, le cadre est très agréable, l’ambiance décontractée, les prix modérés et de plus c’est bien cuisiné !


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