Concept
plutôt innovant et vraiment inattendu que celui de « Hawker 45 » situé
dans le quartier de l’Eixample. Une table que l’on peut qualifier de simplement
« asia-latine » et « street food » sans de prédominance
particulière d’un pays ou l’autre. Probablement que ce concept a dû germer un
certain temps dans les têtes de Laila Bazham, d’origine philippine et brésilienne
ainsi que Laura Freedman, elle, nord -américaine. On ne peut pas espérer mieux
pour mélanger diverses cultures et sortir de très beaux plats parfois créatifs
comme ici.
Pas une
grande carte mais une belle série de plats inspirés par tous ces pays, une liste
plutôt cohérente, avec de l’inspiration mais tout de même un certain réalisme. Pas
de mets « fusion » sans aucun sens mais des associations qui
fonctionnent et qui ont été étudiées. Japon, Malaisie, Inde, Laos, Philippines,
Thaïlande, Vietnam, voila ce qui inspire ces deux femmes qui se sont inspiré de
concepts dédiés à la « street food » à Singapour. Les « hawker centres » et les « food
courts » (terme plus connu) sont des aires de restauration où des dizaines
de stands de nourritures chinoise, malaise, indonésienne, indienne, japonaise,
etc. bon marché sont rassemblés. Il s'agit des étals des marchands qui
vendaient autrefois de la nourriture dans la rue et qui ont été sédentarisés.
Les « food courts » sont des « hawker centres » améliorés. Vous
êtes donc au numéro 45 de l’un de ces stands…en image.
Ce qui me
plait d’entrée, c’est cette enseigne si typique des villes d'Asie du sud-est avec
ces néons de couleurs vives, ici rouge. Quelques tables extérieures pour les
fumeurs ou éventuellement prendre un verre, un sol sur le modèle de 1916 de
Escofet Tejera & Co choisi par la ville de Barcelone pour paver les
trottoirs de la ville, sigle reconnaissable immédiatement et typique dans
beaucoup d’endroits. Les passionnés de cinéma pourraient quelques instants s’imaginer
dans « Bladerunner ».
Autre
particularité de l’endroit qui tout de suite vous plonge dans une autre
ambiance, ces magnifiques fresques murales représentant des personnes de la vie
de tous les jours, des marchands ambulants, certains asiatiques comme cette
femme à droite de l’entrée.
L’intérieur
lui aussi a beaucoup de cachet. Un endroit a prime abord assez minimaliste mais
en regardant bien, cela a vraiment été très bien pensé. Tout d’abord la cuisine
en longueur prolongée par un bar où l’on peut manger sur des tabourets. En même
temps un côté un peu « shabby chic » et moderne, avec ces structures
épurées noires du comptoir et ces murs d’une autre époque et pas toujours repeints.
Une
prédominance des couleurs rouge et noir avec même des serveurs portant des
tabliers de ces couleurs, comme d’ailleurs la table au comptoir.
Dans la pièce
principale, la possibilité de soit manger toujours sur des comptoirs mais ceux-ci
avec une forme triangulaire ou alors plus classiquement autour de tables alignées
le long des murs eux aussi avec des fresques. On hésite entre le côté presque
cafétéria, mais finalement après quelques instants, tout prend du sens dans cet
espace très original.
Ici, des
fresques plutôt latino-américaines qui donnent beaucoup d’allure à la pièce.
Une carte
donc très variée, un menu de dégustation en six plats à 35 euros, mais c’est
plutôt la carte qui nous séduit. Pour commencer un « Kinilaw » de
thon, pulpe de coco, citron vert et crème d’avocat. Le « Kinilaw » d’origine
Philippine est assez proche du « ceviche ». Le mot signifie « manger cru », se
trouve être en fait plus un mode de cuisson par le vinaigre qu’un plat en lui même. Apprécié en début de repas, il est associé souvent a des poissons frais
comme ici le thon, du vinaigre de noix de coco, légumes, fruits et épices.
Joliment dressé, assaisonnement de dernière minute pour éviter la cuisson du
poisson, une touche un peu locale avec l’ajout d’une petite salade et de
tomates cerises. C’est bon et frais, une belle entrée en matière.
Autre clin
d’œil au patrimoine culinaire Catalan, une « Bomba » de Pho, réalisée
avec de la croquette de pomme de terre, des joues de bœuf, une réduction de
Pho, de l’aïoli et une émulsion de Sriracha. L’adaptation de ce plat emblématique
de Barceloneta mais avec une touche vietnamienne. Je ne pourrais vous dire si c’était
bon ou non…car en fait il s’agissait d’une commande d’une autre table qui par erreur
est restée sur notre table quelques secondes. Dans tous les cas, visuellement
plutôt tentant.
Assiette vietnamienne
avec une salade de pomelo, du maquereau, des herbes, des cacahouètes, du nuoc cham,
effiloché de crevettes. Le fruit est
bien sucré, le poisson semble avoir été cuit à la torche, un peu de salade et
étonnement des choux de Bruxelles braisés qui ne s’harmonisaient pas vraiment
avec le reste. Pas non plus très sur que les saveurs soient vraiment vietnamiennes
non plus.
Plus
emballé par ce met d’inspiration indienne avec de tandoori de carottes,
concombre, yoghourt et coriandre. De jeunes carottes poêlées dans les épices,
déposées sur un pain de type « roti », la raita, association concombre
et yoghourt avec une feuille de menthe sur le dessus.
Un plat parfois
de Singapour, dans un bouillon Laksa, un riz avec crevette, calamar, lait de
coco, palourdes et feuilles de Laksa. Le Laksa est normalement une soupe de
nouilles épicée populaire dans la cuisine de Peranakan qui se compose de
nouilles de riz ou de vermicelles de riz avec poulet, crevettes ou poisson,
servies dans une soupe épicée à base de lait de coco au curry et épicée ou avec
du tamarin. A nouveau une transformation finalement assez catalane sous forme
de riz qui aura cuit dans ce bouillon et avec sur le dessus les crustacés. C’est
assez ingénieux et gouteux.
En
volaille, du poulet inasal, des légumes au vinaigre, des oignons de printemps,
et un riz aromatisé, sur une feuille de bananier. Plat philippin se trouvant
être du poulet rôti, mariné dans un mélange de citron vert, poivre, vinaigre et graines
annato, puis grillé sur des charbons chauds tout en étant arrosé avec la
marinade. Il est servi comme ici avec du riz, de la sauce soja et du vinaigre. Un
joli plat bien parfumé avec également des pousses de soja et du concombre.
On trouvera
également des desserts, comme par exemple ce gateau Nyonya à la banane, avec de
la cannelle et une crème au fruit de la passion. Un gateau des chinois de
Malaisie et qui en bouche pourrait étonnement rappeler une pâtisserie bien
française.
Dans son ensemble,
une belle prestation, un lieu et concept assez innovant, un exemple poussé à l’extrême
de la cuisine fusion. Celles et ceux qui ne connaissent pas particulièrement
les plats et saveurs de ces différents pays, seront probablement comblés. Les autres
pourraient être un peu frustrés de ne pas complètement retrouver les saveurs de
bases et peut-être de trouver un peu trop de produits locaux et non vraiment ceux de
ces pays lointains. Par exemple salade frisée, choux de Bruxelles et tomates
cerises, je ne suis pas trop convaincu. Donc plus une cuisine influencée par d’autres
pays et fusion, que vraiment Asiatique ou Latino-Américaine. Probablement que cela
correspond aux goûts locaux, mais il y a aussi de fortes chances que certaines
herbes comme l’on trouve en Asie du Sud-Est ne soient pas disponibles. Du
moment qu’on le sait, le cadre est très agréable, l’ambiance décontractée, les
prix modérés et de plus c’est bien cuisiné !
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