Très belle
découverte que « Topik » dans le quartier de l’Eixample, une table à
priori qui par sa description sommaire ne m’aurait pas attiré en temps normaux
mais la surprise de découvrir quelque chose de très accompli dans la
réalisation. Aux manettes, le chef Adelf Morales qui propose une cuisine
inventive influencée par la Catalogne, le Pays-Basque, la Méditerranée et le
Japon. Un concept qui semble être « fusion » mais finalement pas tant
que cela. Pas une ouverture récente puisque cet établissement existe depuis un
certain nombre d’années (2009) et qui est très souvent plébiscité en ville.
Un chef qui
travailla tout d’abord à Valence, puis à San Sebastian, au « Lasarte » de Martin Berasategui, en Italie, avant de
poursuivre son parcours au Japon, puis ensuite revint en Catalogne pour ouvrir
son restaurant. Clairement le Japon est à la mode et surtout en Espagne au
niveau des assiettes. C’est souvent très mal assimilé et rend les assiettes
médiocres, mais vous découvrirez ici une maitrise comme dans peu d’endroits à
Barcelone. En réalité, peu de ces autres établissements sont allés au Japon, ce
qui n’est pas le cas de Adelf Morales.
L’entrée se
fait face au bar et surtout à côté de produits de la mer exposés sur de la
glace pilée. Huitres de diverses origines dont « heureusement »
celles du delta de l’Ebre, finalement plutôt rares chez les restaurateurs. Les
fameuses Gouthier de Normandie ou celles d’Oléron. On perçoit tout de suite que
le produit est au centre de l’assiette et rares sont les chefs qui choisissent
avec autant de passion une telle sélection de crustacés.
Un endroit
lumineux, bien structuré avec une première salle le long de grandes fenêtres,
une seconde partie avec un côté plus intime lorsque l’on descend les quelques
marches, un comptoir sur la longueur prolongé par la cuisine. Une décoration
avec comme thème la mer puisque l’on voit des dessins de poissons sur certains
murs, une partie des murs en briques ont été conservés. L’endroit est convivial
et très agréable, avec un bouteiller le long de la salle.
Un très impressionnant
« menu dégustation » au prix imbattable de 35 euros, a peine pensable
pour une telle prestation et qui en fait définitivement l’une des adresses les
plus intéressantes de la ville. Mais les suggestions du jour sont tellement
intéressantes, qu’en plus du menu…nous choisirons deux petites « bouchées »
supplémentaires… Comme j’adore l’oursin, nous choisirons un oursin avec un
bouillon de gingembre et un oursin avec du ventre de thon. Oursins présentés d’ailleurs
sur le comptoir.
Arrivent
ces deux oursins sur un lit de glace, le premier a même des œufs de poisson, le
second du thon bien gras et plutôt exceptionnel, jamais vu ailleurs d’ailleurs
à Barcelone et pourtant de Méditerranée. Le premier est fortement iodé avec une
fine saveur asiatique, le second jour plus sur la texture car le thon est gras,
moelleux et se marrie très bien avec le côté plus pâteux de l’oursin. C’est
original et très équilibré.
Première
réelle entrée au menu, un biscuit de canard confit au kimchi, citron en saumure.
Un peu dans l’esprit d’un tacos mais sans le côté mexicain, le canard est
effiloché, la petite crème mousseuse à la saveur de ce chou fermenté est fine, une
lamelle de citron confit pour une touche de peps en bouche. J’aime beaucoup
cette association qui éveille bien le palais.
Je suis
très impressionné par le dim sum d’anguille à la braise et shiitake. Même si
cela a un côté clairement asiatique, c’est plutôt très bien pensé car l’anguille
fumée nous ramène plus vers des saveurs européennes et le fond de sauce qui lui
aussi est à première vue aux saveurs orientales rappelle un fond de sauce de
viande. C’est brillamment équilibré en bouche !
Nous
continuons avec de fantastiques petits pois accompagnés d’un morceau de
poisson dont j’ai oublié le nom et qui fût particulièrement bien cuit avec
encore du moelleux en son centre. Les petits pois régionaux sont excellent, le
tout avec un fond de sauce très juste en saveur.
Nous poursuivons avec l’huitre et soubressade « els casals ». J’imagine que
la recette provient de ce très réputé établissement que je dois encore visiter à
une heure au nord de Barcelone ou plutôt que c’est cette saucisse qui vient de là-bas.
Cette maison a aussi un élevage de porc et produits d’extraordinaires produits.
On rappellera que l’origine de la soubressade, c’est les iles Baléares. Saucisse
à tartiner plus ou moins pimentée qui ici est déposée en une dine touche sur le
crustacé avec un peu de ciboulette ciselée, Association assez particulière et
plaisante entre le côté marin, le côté épicé et fumé.
Pour suivre
un très bon riz crémeux aux anémones de mer et oursins. Pas forcément traité je
dirais à l’Espagnole mais plutôt comme un risotto à l’Italienne. J’adore l’anémone
généralement frite, ici découpée en morceaux dans la sauce du riz qui vient de
Pals et les morceaux d’oursins. Le tout est extrêmement parfumé et très gourmand.
Encore très
impressionné par le thon cru avec une sauce marmitako. En basque, « marmitako »
signifie » ce qu'il y a dans le pot ». Alors, quand les pêcheurs basques
cuisinaient à bord de leurs bateaux ... Qu'avaient-ils dans leurs marmites ? Ils avaient des
pommes de terre et du thon. Ils avaient marmitako ! On trouvera le même thon bien gras
qui nous fût servi avec l’oursin en entrée, celui-ci découpé en fines lamelles
et entouré de cette sauce qui à l’origine est préparée généralement avec du vin
blanc, poireau, carotte, poivrons rouges et verts, probablement d’autres ingrédients.
Une approche innovante, inattendue de ce plat, réalisé avec fraicheur et
gourmandise.
Et un autre
délice avec ce ris de veau aux pétoncles, fond de viande et beurre « café
de Tokyo ». Juste poêlé et vraiment moelleux, le crustacé lui aussi snacké
et encore translucide au milieu, sur le dessus une adaptation du beurre du
café de Paris mais assurément avec quelques ingrédients japonais tels que le
miso. Vraiment une très belle assiette.
Un premier
dessert très léger et fin avec un riz au lait de coco et curry. Crémeux,
onctueux, une touche de fraicheur avec du pomelo, des zestes d’agrumes et un peu
de menthe.
Autre dessert
avec la gourmande crème de speculoos, glace au yoghourt et tamarin. Plus riche
mais aussi bien équilibré en sucre. On appréciera la touche un peu acide du
tamarin.
La carte
des vins est plutôt riche mais en discutant avec lui, d’entrée il me propose un
vin blanc Catalan appelé Blanc del Terrer 2014 Vila Seca. Vin de la région de
Tarragone réalisé à partir de Macabeu et qui a une grande intensité florale et
des saveurs de fruits blancs. Un blanc avec une structure onctueuse qui se boit très
facilement.
En voila
une belle expérience avec un incroyable repas. Un peu en dehors des tables trop
médiatisées, ce qui n’est pas plus mal, un chef qui sait ce que cuisiner signifie
et qui va a l’essentiel ; le goût, les saveurs, la qualité du produit. Des
ingrédients espagnols de premier choix tels que la soubressade, le thon, des
huitres, des ris de veau et des oursins. Chaque plat a bien des saveurs
différentes, souvent cuisiné avec l’utilisation subtile d’éléments asiatiques
tels que sauce soja, miso, sake, cependant a aucun moment on ne pense au mot « fusion ».
Chaque assiette fût vraiment délicate, parfaitement pensée, sans jamais que l’un
de ces ingrédients ne prenne le dessus. Définitivement l’une des plus belles
offres de menu de dégustation à Barcelone avec un prix imbattable, et tout ceci
dans une cadre très agréable avec un service de qualité. Epatant !
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