Voila une
expérience plutôt très inédite pour moi que cette table dans le quartier du
Raval. Je vais être très clair, je ne suis ni végétarien et encore moins végétalien.
Tout ce tapage actuel autour de ces concepts vegan ne me concerne pas.
Cependant je suis un grand amateur de légumes et souvent ce qui m’a ému le plus
dans de grandes tables, ce sont les assiettes autour de ceux-ci. Alain Passard
en est un bon exemple, le gargouillou de Michel Bras restera un très grand
classique et plus récemment le « Satio Tempestas » de Frantzen à Stockholm. C’était donc avec beaucoup d’espoir que je
souhaitais découvrir cette nouvelle table de Barcelone appelée
« 4amb5 ». Un nom catalan qui simplement signifie « 4 et
5 », qui est simplement le numéro de l’adresse sur la rambla del Raval. Soyons clair, même si la table semble faire
partie de l’établissement voisin de « Suculent », ce n’est absolument
pas le cas. Ils sont simplement côte à côte et en très bon termes ; aucune
relation culinaire donc avec Carles Abellan.
Ce qui fait
donc la particularité de cette table, c’est de ne proposer que des plats autour
des légumes. Pas un restaurant végétarien mais « les légumes » sous
toutes ses formes, préparés parfois avec des protéines animales protéines
issues de la viande et des produits carnés, du poisson et des fruits de mer, du
lait et des produits laitiers ou encore des œufs. Concrètement certaines assiettes
ne sont que des légumes mais avec un fond de sauce de viandes pour illustrer
l’idée. Donc tout pour me séduire à priori.
Deux chefs,
Toni Romero et Quim Coll. Quim fit des
études dans la célèbre école Hofman, des passages dans les réputées tables
comme Gaig et Petit Comité, second de cuisine dans l’ancien Comerç24 de Carles
Abellan. Toni aussi chef de cuisine du voisin Suculent.
C’est donc
sur la rambla que vous trouverez cet établissement. On appuie sur une sonnerie
sur le côté droit du mur et une porte coulissante s’ouvre.
Une salle
en longueur, un plafond plutôt assez bas, un comptoir ; le tout boisé dans
un style pas si éloigné de l’établissement voisin. Ce qui est un peu étrange,
c’est le fait de se trouver seul et de ne voire personne ! On se demanderait
presque si l’établissement est ouvert !
Je traverse
une seconde salle, elle aussi vide avec des tables dressées, une décoration
murale composée de bocaux de conserves et me demande où est donc bien passé le
personnel ? Puis quelques instants plus tard je vois au loin quelqu’un
sortir de je ne sais où…En fait les cuisines se trouvent en fond de salle et
cela sera ensuite une incroyable surprise.
Une jeune
femme m’accueille, me fait passer à travers la cuisine, ouvre une porte
coulissante et vous voilà dans une autre salle à manger complètement cachée et
qui elle est peuplée. Salle au très haut plafond, parois murales en bois avec
des jardinières dans lesquelles poussent des herbes. Surprise totale donc après
quelques inquiétudes. Etant en période de vacances de Pâques, la clientèle a
donc été concentrée dans cette partie du restaurant.
Tout est
ici en bois, un dressage de table épuré, c’est plutôt très réussi.
La carte
est ici comme je l’ait dit exclusivement composées de plats autour du légume et
en guise d’amuse-bouche, nous voici amenés des radis assaisonnés d’un peu
d’huile et vinaigre.
Les menus
se déclinent en trois versions de 5, 9 et 11 plats et desserts de 35 à 65
euros. Pour avoir un aperçu le plus large de cette cuisine nous avons choisis
la version 11 plats mais je recommanderai la version en 9 car vous verrez plus
tard que certains plats centraux sont « un peu dans le même esprit »
et malgré tout cela aura été assez copieux. Les plats de ces menus sont aussi à
la carte mais il vaut mieux se laisser guider. Des intitulés vraiment très
alléchants et parfois mystérieux comme par exemple ces croquettes d’algues. La
croquette est un classique mais comme on le comprend la farce a été réalisée
avec de l’algue nori. C’est ingénieux mais surtout vraiment délicieux.
Une
magnifique assiette avec un dressage particulièrement soigné pour ce tartare de
betteraves entouré de jaune, des œufs de saumon, des oignons verts, du sésame et de la ciboulette.
Association de saveurs parfaite et une belle finesse de la réalisation.
Le pain maison
est aussi excellent.
Très bons
artichauts aux pistaches et au curcuma. A nouveau très joliment présenté avec
des fleurs de capucines sur le dessus, l’artichaut est confit et rempli d’une
crème de pistache, l’épice amène une légère saveur orientale au tout. C’est
vraiment une très belle recette.
Ensuite des
asperges blanches et vertes dans une sauce aux palourdes. Cuisson parfaite pour
le légume, une sauce marine qui s’harmonise parfaitement avec. Une association
de fruits de mer avec les asperges est à nouveau une belle idée. J’ai bien aimé
la découpe du légume en tronçon et aussi sous forme presque de pâtes.
Surprenant
prochain plat avec le cabillaud pil-pil et topinambours. Un visuel avec tout d’abord
la peau du poisson, sur le dessus les petits morceaux de topinambours, la
traditionnelle sauce du pays basque à base d’ail et également quelques petites
touches d’une sauce plus acidulée pour donner un coup de fouet à l’assiette.
Bouillon de rascasse
en « pain perdu ». Il s’agit de pain poêlé entouré d’une
impressionnant fond de sauce, réalisé avec de la rascasse. Une très grande
puissance en bouche qui s’harmonise magnifiquement avec le pain. La référence
au « suquet catalan » est évidente et repensée de manière très
convaincante.
Un peu dans le
même esprit, le chou-fleur rôti au poulet à l’ail. En fait c’est un fond de
sauce réalisé avec la volaille qui recouvre les pousses du légume. On trouvera aussi
des fines lamelles d’ail frits.
Un plat avec un
autre fond de sauce tout aussi intense que les précédents. Un ragout de navets
au lapin avec son foie-gras préparé en crème.
Ensuite de l’ail
rôti avec un fond d’agneau. Toujours aussi impressionnant la manière dont les
fonds de sauce sont préparés mais quatre plats cela fait un peu beaucoup. Il n’y
a pas à remettre en question la qualité de toutes ces sauces, elles sont
parfaites mais forcément un peu écœurantes à la longue. On accompagne donc la
purée de l’ail sur des petites tranches de pain grillé avec des radis et quelques
jeunes pousses et pignons.
Et pour suivre
une « entrecôte » de chou braisé qui présente le chou recouvert d’un
jus de bœuf très dense. Et à nouveau ce fond est une perfection mais quand je
disais que 9 plats suffiraient c’est parce que là on aligne les plats avec des
saveurs très intenses.
Pour terminer, le
« sans tripe », en réalité une préparation qui souvent est une
association de tripes et pois chiches comme un « cocido » mais comme
le nom l’indique qu’avec la légumineuse.
En premier
dessert, quelques fraises que l’on trempera dans une huile d’olive et balsamique.
Puis une fine glace
aux pommes Granny Smith.
Une excellente
crème au maïs qui ressemble à la base de crème catalane mais sans le caramel
croustillant, mais du zeste de citron vert et des grains de maïs croquants.
Et finalement des
petits beignets à la crème au yuzu.
Un très agréable
vin, le Priorat blanc Bellmunt du Mas d’en Gil. Grenache et Viognier, des
arômes d’écorces d’oranges, floral, avec un final minéral.
Un concept
de restauration vraiment nouveau ou alors très dans la tendance actuelle mais
qui n’est pas comme je l’ai dit un restaurant végétarien mais une ode aux
légumes avec d’impressionnantes associations, des sauces qui mettent
parfaitement en valeur chaque assiette. Chaque assiette avec des textures et
saveurs différentes, des dressages raffinés ; une adresse à absolument
découvrir et qui séduira également les non végétariens.
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