Voilà un cas
assez particulier que celui de « Uma », pour un certain nombre de
raisons qui méritent d’être expliquées. Tout d’abord je ne sais pourquoi mais
lorsque j’ai dit que je me rendais dans cet établissement, quelqu’un me dit qu’il
ne connaissait absolument personne dans son entourage de passionnés de
gastronomie qui y était allé, en suite que le lieu n’était qu’exclusivement focalisé
sur les touristes et seulement plébiscité par Tripadvisor, chose que j’ignorais.
Il est vrai que dans cette « faune » de passionnés de cuisine,
lorsque l’on parle de Barcelone, ce ne sont que toujours les mêmes noms qui
reviennent. Les étoilés Michelin, les tables à la mode de Adria et celles
souvent inlassablement nommées dans les sites web et guides. Je n’ai aucune
explication sur le pourquoi que « Uma » n’est que très rarement
mentionné, mais je peux déjà vous dire que j’y ai admirablement mangé. Certes
un style moderne, des techniques contemporaines, beaucoup de créativité, du
savoir-faire et de l’esthétisme. Donc lisez ce qui suit sans aucun parti-pris.
Tout d’abord,
le chef s’appelle Iker Erauzkin et qui aurait eu à une époque le surnom du « Chef
des fleurs », comme quoi aujourd’hui on peut se poser des questions sur
qui a lancé cette mode sur ces assiettes florales ou utilisant comme
ingrédients des fleurs. Quelqu’un qui a une grande expérience dans la haute-cuisine
et qui même fût à Paris pour une certaine période, ce qui explique son très bon
français. Un passage donc en France, puis ensuite dans le Pays Basque pour
terminer ici en Catalogne. Auteur également d’ouvrages de cuisine tels que « Sabores
de ayer, cocina de hoy » et plein d’autres que vous pourrez trouver en
librairie. Mais aussi conseiller pour par exemple des marques de produits et intervenant
dans des événements gastronomiques.
Aujourd’hui
c’est « Uma » qui signifie fourchette en Swahili, pas le traditionnel
restaurant auquel l’on peut s’attendre mais plutôt un espace multidisciplinaire
et atelier de cuisine, où l’on peut aussi organiser des soirées privées, des
réunions et évidemment des dîners. Ne pensez-pas que cela soit un espace
privatif, pas du tout, cela fonctionne comme un restaurant traditionnel mais
selon un certain concept que je vais expliquer. Il faut aussi savoir que l’établissement
à côté appelé « Nobook » est aussi de sa responsabilité mais la
cuisine y est complètement différente, plus « street food » comme il
est bon de le dire en ce moment.
Donc le
concept est le suivant ; une réservation à l’avance évidemment car on ne
vient pas à l’improviste, un menu imposé avec un prix fixe, carte de crédit ;
vos allergies sont demandées à l’avance, téléphone pour que vous reconfirmiez
et vous vous rendez à 21 :00 à l’adresse. Cela semble complexe mais vous
devez comprendre qu’il n’a probablement plus d’une douzaine de couverts et tout
est vraiment facile avec la réservation.
Donc
quelques minutes avant 21 :00, vous voilà à l’adresse, devant une porte
sans aucune fenêtre, à se demander s’il s’agit vraiment d’un restaurant et non
pas d’une entrée chez des privés.
Une fois
après avoir sonné, vous vous verrez accueilli par une hôtesse qui sera
également le temps de cette soirée, le maitre d’hôtel, la sommelière et assurera
de bout en bout le service sans aucune faille. Et c’est un peu la surprise que
de se retrouver dans une salle plutôt originale avec des murs de pierres, un
haut plafond, un éclairage assez discret et intime, des objets hétéroclites sur
les murs comme une tête de rhinocéros et au fond la cuisine qui ressemble plus à
un laboratoire. Les tables sont très bien espacées, la clientèle en partie
étrangère mais aussi locale. L’endroit est vraiment très bien conçu, étonnant
et assez proche d’un concept de dîner privé même si cela n’en est pas un.
Des objets
assez particuliers comme des têtes de morts mexicaines, des bols, une pierre
montée sur un billot de bois et cette fausse tête animale sur une étrange porte
dans le mur. Un mélange de genres plutôt assez réussis.
Donc au
fond, Iker Erauzkin un peu comme un maitre de cérémonie qui lui aussi assurera
le repas complètement seul sans aucune aide. Un moment vraiment particulier et presque
unique.
Les tables
sont élégamment recouvertes de nappes blanches, de belles vaisselles et
quelques décorations toujours aussi surprenantes.
Pendant
tous le repas, vous aurez la possibilité de rapidement jeter un œil dans ce laboratoire
ou le chef prépare l’ensemble des assiettes au même moment, ce qui explique
donc l’heure précise et le menu unique. Cuisine qui pourrait être celle d’un appartement
privé.
Un seul
menu donc avec une série de petits plats ou bouchées. Une cuisine moderne,
inspirée par la Catalogne mais aussi d’autres contrées comme l’Asie. Tout est
très bien pensé car rien ne laisse supposer que cela sera une cuisine de type
fusion. Au contraire, une manière de revaloriser certains ingrédients, de les
transformer et parfois y amener un côté un peu ludique et esthétique. Chaque
met à un thème, suivi des composantes de la recette. J’ai trouvé ces références
à certains plats catalans vraiment uniques.
Par exemple,
ce thème du sud qui est une galette aux crevettes, du yuzu, une mayonnaise au
plancton, des graines de coriandre et du paprika. C’est tout de suite le genre
de met qui m’enchante car en réalité c’est une sorte de tuile presque
caramélisée sur laquelle les ingrédients susmentionnés sont travaillés sous
forme de billes et de pointes de sauce. Des explosions de saveurs en bouche très
convaincantes, entre sucré et salé.
Malheureusement
je n’ai pas noté ce qu’était ce « shot » ou cette verrine à la
couleur rouge et verte mais j’ai le souvenir de quelque chose de très frais et
vivifiant.
On enchaine
avec le thème du Vermut, apéritif le plus célèbre en Catalogne, à base d’une
sauce gélifiée à base de Espinaler ; sauce apéritive est faite à base de
vinaigre, paprika et d’épices, une olive sphérique selon la probable méthode de
Ferran Adria, des coques et une chips de pomme de terre violette. Le tout se
marie à nouveau parfaitement au niveau des saveurs et jeux de textures.
Très intéressant
plat que cette sardine fumée avec une sauce à l’ail noir et pousses de roquette.
On trouvera également sur le dessus du poisson de fines feuilles transparentes
japonaise qui ressemblent un peu à du verre. Un mariage entre un produit
espagnols et quelques références japonaises.
Fabuleuse
assiette appelée « fumé », avec ce tronçon d’anguille fumée, de
petites sphères de ce fromage d’Idiazabal et le tout avec une soupe aux pommes
vertes. Certes l’association pomme-anguille est une des signatures de Martin
Berasategui mais c’est ici traité différemment et magnifiquement assaisonné.
Une sacrée
surprise certes un peu ludique mais tout de même très gourmande que ce nuage de
coton sucré avec du foie-gras mi-cuit. Notre hôtesse arrive avec une branche
sur laquelle se trouvent des barbes à papa blanche sur lesquelles ont été râpé
le foie gras. Une impression de très grande légèreté en associant sucre et foie
mais ici de manière très originale.
Nous passons
à un registre plus classique mais délicieux et gourmand avec un œuf cuit à
basse température, une sauce à base de champignons et de la truffe de Teruel
sur le dessus. Un coin d’Espagne devenu le centre mondial de la trufficulture. Cela
n’empêche pas ce plat d’être vraiment gourmand et parfumé.
Peut-être
légèrement moins emballé par ce plat intitulé « soupe d’amour » qui
correspond a une période de la vie du chef. En fait une soupe de crevettes, du
lait de coco, du citron vert, de la coriandre et du gingembre. Le plat en
lui-même est parfaitement réalisé mais me rappelle trop un plat thaïlandais, et
dénote avec ce qui précédait.
Fabuleuses
Saint Jacques sur un riz à l’anguille et feuille d’huitre. Voilà un rappel très
intelligent à la catalogne pour ses riz, ici cuisiné avec des produits d’exception
comme le crustacés et l’anguille fumée dans le riz. La feuille amène une touche
marine supplémentaire.
A nouveau
des références locales avec le fondant cochon de lait confit, cuit à basse
température dans son jus. Servi avec quelques pois mangetout, des feuilles de
capucine et des chanterelles. C’est simple mais délicieux.
Premier
dessert très esthétique et ludique intitulé Azahar, l’œuf à la fleur d’oranger.
Le terme Azahar provient de l’arabe andalou azzahár, lui-même
issu de l'arabe zahr. Dressés sur de faux coussins de porcelaine. En les
brisant, on découvrira cette crème parfumée que l’on mangera avec les petites
graines à l’orange glacées. L’œuf est réalisé à base de chocolat blanc à
base de coco mais sans sucre, à l’intérieur une crème anglaise à la fleur d’oranger,
crème d’orange et mangue.
Pour
terminer, une douceur avec la gelée au Jack Daniels, mousse au chocolat et
piment chipotle, cake, crumble.
Avec ce
repas une bouteille de Cargol Treu Vi, vin du Penédes, dans le massif du
Garraf, les cépages ayant plus de 70 ans plantés sur des sols calcaires, qui
apportent de la minéralité et de la salinité au vin.
Voici un
moment unique de Barcelone où je découvre une cuisine absolument maitrisée,
pleine d’idées, gourmande, avec des références parfois modernes, parfois classiques
et parfois ludiques. Cet établissement est une vraie découverte et ce n’est
surement pas Tripadvisor qui m’aura influencé par son numéro 1... Une table que
tout amateur d’étoiles de tout genre devrait grandement apprécier dans un cadre
vraiment très agréable.
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