Je dois
admettre que c’était avec beaucoup d’appréhension que j’allais chez « Hoja
Santa ». La première étant qu’étant allé un grand nombre de fois au Mexique
et connaissant relativement bien la cuisine ainsi que certaines tables
mondialement réputées, je me demandais dans quel mesure cette table pourrait ou
non rivaliser avec celles du pays. Ensuite, certains sont de grands admirateurs
de tout ce que font les Adria probablement un peu aveuglément et d’autres les
qualifient de chimistes opportunistes. Il devait bien y avoir un juste milieu
dans tout cela et c’est avec enthousiasme que je fis ma réservation sans me
soucier des commentaires négatifs de certaines personnes qui sillonnent le
monde pour manger. Une approche selon moi neutre, basée sur certaine expérience
dans le pays et aussi le fait que j’avais beaucoup apprécié un des autres
établissements de Albert Adria, « Pakta ».
Alors d’entrée
si vous me demandez d’entrée… « est-ce du mexicain moléculaire » ?
Eh bien non. Ou « est-ce que cela ressemble à du Quintonil ou Pujol » ?
Encore moins. J’y ai découvert une cuisine innovante, avec son identité, basée
sur des ingrédients mexicains, mais avec une touche un peu folle comme l’on
trouve souvent en Catalogne mais sans jamais tomber dans le ridicule du passé
moléculaire.
La table en
question se trouve dans le quartier de Sant Antoni, non loin du Poble. Secteur
d’ailleurs où se trouvent toutes les autres tables telles que Pakta, Enigma,
Tickets et Bodega 1900. D’ailleurs il faut constater que ceci a drainé un
certain nombre d’intéressantes autres tables dans le coin qui rend ces deux quartiers
très attirants. C’est donc dans l’avenue de Mistral, sorte de petit Rambla que
se trouve « Hoja Santa ». Une entrée pas forcément des plus visibles
si l’on ne connait pas le numéro, mais reconnaissable au logo justement de Hoja
Santa qui est une herbe aromatique, une sorte de poivrier au splendide
feuillage.
Une fois
passé le pas de porte vous serez accueilli et peut-être devrez patienter
quelques instants comme ce fût le cas pour nous. Vous constaterez que le second
établissement plus simple appelé « Nino Viejo » et qui sert une
cuisine plus genre taqueria est juste la porte à côté et peut également être
accédé par cette porte. Sur la gauche le bar, quelques tables revêtues de
nappes colorées typiques et au fond une seconde entrée pour le restaurant
étoilé.
Vous
pourrez si vous le souhaitez déjà prendre une boisson si vous deviez patienter ;
évidemment un cocktail comme une margarita mais aussi d’autres boissons et
alcools. Justement, en ce qui concerne les alcools, vous trouverez les
meilleures tequila et mezcal qu’ils soient. La sélection est assez riche et les
provenances de diverses régions du pays.
Je ne suis
pas entré chez « Nino Viejo » mais le lieu a l’ait tout à fait
charmant, on pourra même observer le dressage dans la cuisine de quelques
assiettes, mais comme je l’ai dit précédemment, ce n’est pas du tout le même genre
de cuisine.
La
décoration des deux adresses est complètement mexicaine mais pas dans un style
touristes avec sombreros et tissus colorés sur les murs mais plutôt soignée en
tout cas dans l’entrée, avec quelques masques sur les murs, des jeux de
couleurs chatoyantes et des affiches de cinéma assez pittoresques.
Quelques
instants plus tard, seconde réception à côté de notre « Hoja Santa »
et nous voici accompagnés à table.
Je dois reconnaitre
que la décoration est vraiment très réussie car ce n’est ni trop, ni pas assez
mexicain…Un juste équilibre avec un côté chic mais tout de même pas trop formel.
Marbre blanc, lumière contemporaine, plafond poutré avec quelques nattes
suspendues, lampes en osier, armoires frigoriques avec vitres et revêtue de
bois blanc, tables avec de la mosaïque de couleur ou d’autres simplement noires,
quelques bougies, rien de trop criard et c’est bien comme cela.
Ce qui
aussi fort agréable c’est d’avoir une vue directe sur la cuisine ou presque
plutôt un atelier avec divers points de sortie sur la salle. Dressage d’assiettes,
coin cuissons, un ensemble de pianos culinaires, tout ceci élégamment aménagé
entre divers meubles de bois.
Deux menus
de dégustation de l’été qui ne diffèrent que par un seul plat additionnel. Le
premier à 120 euros et le second à 140 euros. Une série plutôt de bouchées un
peu sur le mode des autres établissement d’Adria que de vrais plats, donc pas
de problème a priori pour terminer ce repas même si la liste est longue. A noter que chaque met est suivi de la région
de laquelle le plat est originaire même si souvent complètement repensé. Avec
pour commencer un beignet de maïs (Nuevo Leon). Normalement on a plus l’habitude
de se voir servi une boule de maïs frite mais ici c’est une délicate rosace
frite sur laquelle se trouve quelques fines lamelles de radis.
Nous
continuerons avec des légumes au vinaigre (Mexico). Petites carottes, des piments,
et des échalottes. Le tout n’agresse pas du tout le palais car la macération n’est
point trop vinaigrée.
Une gorgée
rafraichissante à base de mezcal.
Comme tout
repas mexicain qui se respecte, on vo apportera une très fine « salsa
verde ».
Un des
plats qui suivra sera à base de cochon de lait. Celui-ci sera présenté à la
salle sur un chariot avant d’être découpé et ensuite servi à chaque table.
Comme nous
aurons une salade à base de nopal qui sont les tiges épaisses et piquantes de
cactus, celles-ci nous seront présentées dans un panier. A noter que celles-ci
sont de petites tailles et assez différentes de celle que l’on trouve au Mexique.
Pour suivre
une superbe et étonnante bouchée qui illustre parfaitement le côté créatif de
cette cuisine inspirée par le Mexique. Amandes moelleuses avec un sorbet à l’avocat
(Etat de Mexico). On retrouve l’idée un
peu de guacamole mais ici glacé, mais associé à ces amandes fraiches.
Une autre
fantastique idée avec cette Sangrita à l’orange (Jalisco), une reconstitution d’un
quartier d’orange. La Sangrita (petit sang) est une préparation non alcoolisée
originellement à base d’orange, de citron vert et de piment. De nos jours, on
inclut au mélange une grande quantité de jus de tomate et/ou de grenade et parfois
même de l’oignon. Ici il s’agit d’un sorbet à base de tomate et de l’orange.
Changement
de texture avec le nuage de tequila (Jalisco). On pourrait comparer ceci a
quelque chose entre de l’ile flottante et de la meringue et subtilement parfumé
à l’alcool de cette région.
Une
délicieuse tostada de maïs avec le poisson du jour (Ensenada). Tortilla donc
frite sur laquelle nous trouverons de l’avocat et des crevettes.
Ensuite une
empanada de bananes plantain aux haricots noirs et feuille de hoja santa
(Veracruz). Pâte très fine, farce légèrement douce et parfaitement équilibrée
en saveur.
Je ne sais
pas si le plat suivant est censé être sur le menu ou être une plaisanterie mais
cela s’appelle « Taco Trump » à base de porc. Le cochon présenté auparavant
est amené à table effiloché dans une bol. Quelques morceaux de peau
croustillante, du ciron vert, du chou rouge vinaigré et une sauce verte. On confectionne
son tacos avec les ingrédients ci-dessus. Bon mais rien d’exceptionnel non
plus.
Vraiment
bluffé par la tomate vilaine de Tudela et « pico de gallo » (Mexico).
Une émulsion au siphon qui a donc les saveurs de cette traditionnelle sauce à
base de tomate, concombre, oignons, piments verts et citron. Un quartier de
tomate sur laquelle on trouvera quelques billes glacées sucrées de fruits des
bois et de la feuille de hoja santa.
Feuilles qui
nous seront présentées à table.
Un magnifique
ceviche de Xochimilco (Mexico City) avec une sauce absolument parfaite.
Suivi d’un
plat à base d'œufs (Mexico).
Quelques
peaux de poisson frites.
Et un très
intéressant plat, le concombre de mer avec une sauce aux piments ancho (Pacifique).
Très esthétique, la sauce est fine et s’harmonise très bien avec cet étrange
animal a la texture un peu caoutchouteuse.
Très belle
assiette avec un pepitoria de crevette (Veracruz). Une sorte de ravioli farci
au crustacé sur laquelle on versera un fond réalisé avec les déchets des
crevettes. Une sauce également à base
de graines de diverses courges pulvérisées (pepitoria), poivron et épices.
A nouveau
un remarquable cochon de lait noir soufflé (Yucatan) présenté sur une feuille
de bananier comme une petit pain.
Une intéressante
association de saveurs entre Asie et Mexique avec le mole à l’ail noir avec des
avocats (Oaxaca). Cette sauce à base de piment, cacao ou chocolat a ici un parfum de fruits
confits ou secs, de la réglisse, du caramel ou du vinaigre balsamique, une
légère saveur fumée ou un goût café-chocolat.
Pour
suivre, du pigeon maturé avec un mole encacahuatado (Chiapas). Sauce à base de
cacahouètes, ail, cannelle, poivrons et piments anchos qui est la version du poblanos
en séché et assez doux. Le pigeon lui est découpé à table et servi rosé.
Autre plat
de pigeon présenté en deux parties, les cuisses servies avec un fond réalisé
avec les ailes, et le moronga qui est une sorte de boudin (Centre du Mexique).
Deux assiettes parfaitement complémentaires et qui amènent une saveur plus
puissante et bienvenue.
Nous
passerons au côté doux de ce menu avec les sucettes de mangue Petacon aux
herbes de saison (Mexico). Rafraichissantes et gouteuses.
Pour suivre
la palanqueta de graines de courge (Hidalgo). Douceur traditionnelle du Mexique
souvent réalisée de fruits secs toastés et recouverts de miel, se fait souvent
avec des cacahouètes, des noix ou comme ici avec des graines de courge.
Ensuite un
dessert à base de noix de coco avec un tepache d’ananas (Yucatan). Le tepache est
une boisson traditionnelle réalisée à partir de la pelure d’ananas, de sucre et
cannelle qui ont fermentés.
Et pour
terminer, un ecosystème de chocolat (Est et ouest du Mexique). Une association
de diverses textures chocolatées, comme mousseuse, croustillantes et moelleuse.
Quelques
diverses mignardises pour compléter ce repas.
Au vu de la
chaleur et une envie plutôt de bulles que de vin classique, je choisirai un
Cava qui s’harmonisera parfaitement avec ce repas. Celui en 2011 de la maison Castellroig.
Le Sabaté i Coca, Grande Réserve Brut Nature.
Un repas
certes étonnant, très riches en saveurs et avec de très beaux visuels. Il y a beaucoup
de recherche et d’idées car ce n’est aucunement comparable à aucun des autres
établissements gastronomiques mexicain réputés. Une très belle expérience, un
très agréable endroit avec une ambiance tout à fait décontractée. Le chef Paco
Mendez vous fera traverser les saveurs du Mexique en quelques heures de manière
formidable.
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