Il y a une
propension à ce que les nouveaux établissements soit s’installent, soit se
déplacent dans le quartier de Poble Sec où dès à présent nous pouvons trouver
une série de tables d’un certain modernisme. Probablement que l’empire de
Albert Adria y est pour quelque chose puisque dans quelques km 2 on trouvera
Tickets, Pakta et autres Hoja Santa. C’est donc dans ces presque perpendiculaires
rues de l’avenue Parallel que l’on pourra trouver un certain nombre de très
jolies tables, souvent joliment décorées et qui proposent une cuisine nouvelle
et influencée par cette mouvance de la gastronomie espagnole. « Mano
Rota » faisant partie de ce type de restaurants.
Une table
qui se plait à se qualifier de « restaurant avec un bar », non pas un
bar comme on l’entend mais une structure très intéressante avec un comptoir où
se préparent et se dressent les assiettes et devant lequel l’on peut manger. L’on
pourrait me rétorquer que le concept n’est pas nouveau mais ce qui peut apparaitre
comme différent c’est le fait que l’on ait pas forcement l’impression de se
trouver face à une cuisine mais plutôt chez des particuliers qui serviraient
vos assiettes devant vous. Nous sommes ici chez Oswaldo Brito et Bernat
Bermudo, qui eurent par le passé, travaillés dans l’école de cuisine de
Hofmann.
La
devanture de l’établissement est assez moderne avec ses structures métalliques
noires et ses grandes baies vitrées dans un bâtiment du début du siècle. On
pourra observer à travers les fenêtres une structure architecturale intérieure
très bien pensée.
Un
intérieur dans lequel la rénovation aura conservé les murs de briques d’antan,
enrichi les pièces de conduits métalliques industriels un peu comme dans un
loft, garni le plafond de lustres d’atelier et décoré les murs dans certaines
parties avec des semblants de parois peintes blanches qui donnent au tout un air
de récupération de couvertures murales existantes. Le reste utilise du bois
clair pour tables, chaises et plateau de comptoir. Ce sont de très belles
associations qui confèrent au lieu un charme certain.
A l’entrée
un bar où l’on peut si on le souhaite démarrer sa soirée mais comme nous sommes
invités immédiatement à passer à table, nous profiterons de suite de nous
trouver à l’une de ces jolies tables de bois usé.
Au fond du
restaurant, cette cuisine-bar devant laquelle il est aussi possible de se
restaurer. Joliment structurée avec de confortables chaises jaune pâle, bien
plus agréables que les sempiternelles chaises hautes que l’on trouve dans d’autres
endroits. Derrière, une salle privative qui est aussi directement connectée à
la cuisine.
La cuisine
de « Mano Rota » intelligemment utilise des produits locaux, se
réfère à la cuisine Catalane mais en y ajoutant un certain modernisme. On y
trouvera surtout des influences fréquentes des cuisines asiatiques et
sud-américaines vraiment très en vogue en ce moment. Jamais proche de ce que l’on
appelle « fusion » mais plutôt de savantes associations d’ingrédients
qui produisent de très belles assiettes innovantes. Cela sera donc ce soir un
menu « découverte » composé de quelques snacks pour commencer suivi
de plats plus conséquents et desserts. Plats tenus secrets et annoncés l’un
après l’autre car imaginés au dernier moment par les cuisiniers en fonction des
humeurs et surtout du marché.
Cela
commencera par des tronçons de poireaux blanchis à la cendre recouverts de
houmous. Une très bonne idée que d’associer ces deux ingrédients, c’est léger,
frais et gouteux. Sans oublier l’agréable
présentation.
Excellente
surprise avec le morceau de maquereau cru mariné dans le citrus (ponzu) recouvert
de bonite séchée japonaise, le tout déposé sur un morceau de citron vert. On
consommera cette bouchée comme un shot, on ingurgitera le tout en bouche en
pressant le citron qui entourera le poisson. Un léger concept de ceviche
complètement révisé et imaginatif qui me plaira beaucoup.
Bouchée
suivante avec des beignets de maïs avec une mousse de fromage Idiaziabal du Pays
Basque à base de lait de brebis "Latxa", fumé. Le tout pourrait faire
aussi un peu penser aux classiques croquettes mais avec une référence
sud-américaine.
Le pain et
l’huile d’olive sont ici particulièrement délicieux, un pain au levain avec un
excellent goût de feu de bois.
Nous
poursuivons avec un délicieux « causa » de style péruvien. On
l’appelle généralement « causa rellena » ou « causa a la limeña » (de Lima). « Rellena » signifie « farci »
Et causa ? L’histoire nous dit que ce mets est né pendant la Guerre du
Pacifique, en 1879, où le Chili
a lutté contre le Pérou
et la Bolivie. L’armée péruvienne
avait tellement de mal à obtenir de la nourriture que les femmes collectaient
des pommes de terre et d’autres aliments dans toutes les villes. Ainsi, elles
ont créé ce repas qu’elles offraient aux soldats « pour la cause »
(de défendre leur territoire). Voilà pourquoi « causa » ! Ici avec du
poulet, de l’avocat et du piment jaune péruvien doux « amarillo. »,
très aromatique et goûteux.
De
fabuleuses « zamburinas » au pisco, piment rocoto, beurre et sauce
japonaise Yakiniku. Il s’agit de mollusque bivalve de la famille des
pectinides, très similaire à la coquille Saint Jacques, bien que de taille
inférieure. Elle vit aussi bien libre que sur la côte collée sur les rochers, à
des profondeurs allant jusqu’à 80 m. Ces « zamburinas » sont
originaires des Rías Galiciennes. La Sauce Yakiniku, est un mélange riche et
unique de sauce soja, de miso, de mirin, de sésame et d'ail. Ce plat qui rappellera
surement la cuisine nikkei est formidable.
Magnifiques
gnocchis de courge au fromage bleu du pays basque, recouverts de brisures de
noix, morceaux de courge et jaune d’œuf. Un autre très grand plat vraiment
gourmand et sans rappel asiatiques, plutôt méditerranéen.
Pour suivre
du cabillaud en tempura, aïoli et cendre de citronnelle. S’il faut vraiment
reprocher quelque chose et c’est pour comparer avec les plats précédents, on
trouvera un peu les bouchées huileuses. En fait il s’agit de joues de cabillaud
appelée au Pays-Basque, « Kokotxas ».
Autre
merveilleux plat avec le poulpe sur une sauce aux haricots blancs de Sant Pau et
fromage Manchego. Encore de très belles associations un peu inattendues et
cette fois-ci entièrement espagnoles.
En plat
principal, de la presa de porc ibérique, accompagnée d’ananas grillé et avec
une délicieuse réduction. Une viande fondante joliment accompagnée de cette
touche sucrée mais aussi sentant le feu de bois.
Pour les
desserts, tout d’abord un citron givré avec du gingembre, du gin qui est finalement
très apprécié localement et de la menthe. C’est frais, pas trop sucré, parfait
pour un premier dessert.
Puis un
dessert plus pour les gourmands à base du touron catalan aux amandes, de
toffee, de noisettes et de sel pour la touche piquante. Un dessert
magnifiquement réalisé qui n’est absolument pas écœurant.
Et quelques
mignardises pour finaliser ce splendide repas, comme des pâtes de fruits et
autres bouchées au chocolat.
La carte
des vins est très intéressante et nous commencerons par un Gran Caus 2004, Can
Rafols dels Caus. Magnifique Penedes, qui a passé 18 mois en fût avec une couleur
dorée. Une belle minéralité, des arômes de melon, de pèche et de fruits
tropicaux.
Suivi d’un
vin rouge, El Brindis 2014, un Montsant de Franck Massard. Vin surprenant non
loin de Priorat, avec une très belle concentration de fruits rouges.
« Mano
Rota » sera l’une des plus belles tables de ces derniers mois, tout fut
absolument délicieux et inspiré. Des influences certes d’autres contrées mais
toujours des références à la Catalogne et l’Espagne avec de très beaux
produits. Un endroit qui plaira sans aucun doute à celles et ceux qui
apprécient cette cuisine espagnole qui s’aventure en dehors des frontières et
toujours avec une très grande maitrise. De plus l’endroit a plein de charme et
l’ambiance y est formidable. Un magnifique repas qui me donnera définitivement
l’envie de revenir.
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