De passage
une soirée à Mexico, le choix d’une table s’avéra plutôt très compliqué sachant
que plusieurs d’entre elles se trouvent dans le « 50Best » et ne
peuvent qu’attirer l’attention de tout épicurien. Classé cette année 12ème meilleure
table au monde, mon choix se fit pour « Quintonil » qui a priori me
sembla être le plus innovateur peut-être. C’est en 2012 que Jorge Vallejo ouvrit
son établissement dans une toute petite rue du quartier de Polanco qui se
trouve à environ 45 minutes de taxi de l’aéroport et qui depuis cette date est
considéré par d’autres chefs comme étant l’un des plus fantastiques cuisiniers
mexicains. Un chef qui évidement se focalise sur la qualité des produits qui se
doivent d’être locaux, mais aussi une cuisine mexicaine réinventée et contemporaine,
qui s’inspire de quelques recettes traditionnelles, d’ingrédients choisis, de
saveurs parfaites qui transportent à un endroit familier. Un très beau cursus
avec entre autres le Santceloni étoilé de Madrid, Pujol par la suite à son retour
au Mexique ainsi qu’un bref passage chez Noma.
Si vous ne
connaissez pas l’adresse, l y a peu de chance de passer devant et de toute
façon, on n’improvise pas une visite dans un tel établissement à la dernière
minute car vous risquerez de ne pas pouvoir une table.
Une entrée plutôt très
discrète, un accueil assez solennel dans un tout petit hall d’entrée et ensuite
vous arriverez dans une salle plutôt en longueur et partagée en trois sections.
Ce qui
surprend tout de suite et a quoi l’on ne s’attend pas, c’est ce côté assez
décontracté mais néanmoins chic. Rien avoir avec un établissement du même
niveau en Europe ou alors seulement dans la nouvelle génération des tables
avant-gardistes. Tables en bois ou il semblerait en formica mais je peux me
tromper, clientèle probablement fidèle et assez tendance, habillement qui va du
simple au plus sophistiqué mais sans jamais d’extravagance. Ce qui aussi frappe
à l’œil, c’est ce côté un peu festif qui règne en salle où visiblement on vient
ici pour une expérience qui s’avère être unique.
En fond de
salle qui sur une certaine section se trouve sous un haut plafond, une paroi
qui voudrait rappeler un certain côté végétal et sur le côté une cuisine plutôt
étroite à première vue où l’équipe de Jorge Vallego ne semble pas être au
chômage. Les plats défilent, les dressages sont réalisés méticuleusement, le
chef parfois circule pour saluer des connaissances.
Une fois
assis vous pourrez suspendre vos affaires, sac ou autres effets sur de petits porte-manteaux
à hauteur de table. Notre serveur parle un peu l’anglais, est d’une extrême
gentillesse et nous propose de démarrer avec le cocktail de la maison. Un
mélange très surprenant à base de jus d’orange, mezcal, citron vert et feuilles
fraiches d’amarante. C'est une plante
d'origine mexicaine qui appartient aux plus anciennes espèces de plantes
cultivées par l'homme. Elle était d'ailleurs vénérée comme une « graine
miraculeuse » par les Aztèques et les Incas qui lui conféraient même des
pouvoirs surnaturels. Sur le bord du verre, un sel de verre de terre fumé… Un
délicat mélange de saveurs douces et fumées, un équilibre parfaits entre sucre,
acidité et un petit côté salé.
Quelques
mises en bouches qui donnent tout de suite le ton avec un fabuleux ceviche de
granité de mangue. En fond la mangue en fins cubes mélangée avec oignons, jus
de citron et piment. Sur le dessus le granité au même fruit.
Une coupelle
de « frijoles » qui sont les traditionnels haricots noirs réduits en
purée mais ici d’une exceptionnelle finesse.
Pour compléter
la classique « salsa roja » qui accompagne un grand nombre de plats
mexicains ; ici tiède, parfaitement dosée avec ses piments séchés tels que
les guajillo, des tomates, coriandre fraiche et oignons.
Des
tortillas au maïs qui furent exceptionnelles que l’on dégustera en remplissant
celles-ci des mélanges ci-dessus.
Certes la
carte des vins est variée, plutôt internationale avec mêmes quelques crus
mexicains mais le choix de bières artisanale est plus attirant avec une
délicieuse Patrona « Sta. Hughina », une pale ale de type américaine.
Première
entrée qui tout de suite met la barre très haut avec un Ceviche de cactus aux
betteraves rouges et algues. L’assiette est visuellement somptueuse mais cela n’est
pas tout. Le cactus qui est réalité est normalement appelé « nopal »,
de forme ovale, plate, est traité comme un légume découpé en petits cubes. On
retire la peau dure et les épines pour en extraire la matière végétale à
l’intérieur. On retrouvera les ingrédients du ceviche avec le jus de citron
vert, du concombre, un peu de tomates concassés et de fins oignons hachés. La
sauce aura aussi été travaillée avec des algues qui auront infusé. C’est d’une
très grande fraicheur, agite le palais pour réveiller tous les sens.
Avec ce
ceviche on vous servira un jus d’orange et betterave rouge, qui sera légèrement
doux et qui s’harmonisera parfaitement.
Plat
suivant tout aussi remarquable avec les crevettes douces avec des légumes de
Xochimilco et « chile de agua ». Une fleur de courgette crue dans
laquelle on retrouvera un fin tartare de crevette peu relevé car chaque bouchée
pourra être accompagnée de l’une des petites sauces disposées en arc en ciel. Certaines
sentent le crustacé, d’autres sont parfumées au citron vert et une dernière
sorte au piment « chile de agua » qui provient de Oaxaca, d’une
petite vallée ou il pousse depuis trois siècles. Une production néanmoins confidentielle
qui le rend rare et cher. Un plat vraiment étonnant.
Comme entremet
nous sera servi un bouillon de crevettes basé sur une ancienne recette de Vera
Cruz. Un goût intense, délicatement pimenté, il sera une très belle transition
pour le plat suivant.
Assiette à
nouveau magnifique que le tartare d’avocat grillé aux « escamoles ».
A première vue une assiette avec une poudre d’épinards séchés et une seconde de
piments brulés. Au centre cet étonnant tartare car l’avocat a une consistance
assez particulière, entre cuit et cru sachant qu’il a été grillé au préalable. Sa
texture est remarquable. Maintenant on se demande ce que sont des petites
boules blanches appelées « escamoles ». Il s’agit de larves de
fourmis qui poussent dans les racines de l’agave qui est une plante grasse aux
longues feuilles raides et charnues. Les « escamoles » sont
considérées comme des plats raffinés, rares et sont parfois appelées
"caviar d'insecte". Mélangé à l’avocat, ce plat est l’un des
plus surprenant que j’aie pu déguster.
Je continue
avec une autre bière artisanale appelée « Tierra Ahumada ». Une
délicieuse stout au gout de cacao et de café.
Nous poursuivons
avec les morilles farcies aux chanterelles, jus d’oignon, lard et coriandre. Il
faut savoir que l’on trouve sur les terres volcaniques du Popocatépetl, une
impressionnante variété de champignons comme nous trouvons ici en Europe. La
morille est farcie avec l’autre champignon, le fond de sauce est absolument
parfait et bien corsé, quelques touches de crème de coriandre sur le côté.
Beaucoup de maitrise dans cette assiette qui pourrait être un clin d’œil à la cuisine
française.
Une
assiette pour l’un qui est une déviation de ce menu dégustation avec de l’amarante
fraiche dans une sauce à la tomate, fromage du Chiapas et quinoa. Comme précédemment
indiqué plus haut, les graines d’amarante d’origine aztèque, elle fut l’un des
principaux aliments de la culture Maya avec le maïs, le haricot et la chaya.
Utilisée comme céréale, elle est travaillée ici en beignets, entourée d’une
crémeuse sauce à la tomate et sur le dessus ce fromage râpé fabriqué de façon
artisanale provenant de la petite ville d’Ocosingo. On retrouvera également un
peu de quinoa sur le dessus. Un plat très gourmand avec une connotation
historique.
Pour moi
des sardines aux tomates rôties, pourpier et émulsion verte. Un plat presque
méditerranéen avec les sardines crues et fumées, les tomates grillées au
barbecue, le côté croquant du pourpier et cette très belle sauce à base d’herbes
mexicaines ramassées dans les campagnes.
En plat principal, un autre grand moment avec une dinde au « recado
negro », sauce parfumée à l’écorce de cacao, légumes fermentés et oignons
confits. Le « recado negro »
est une recette d’origine Maya qui consiste à mélanger de nombreux ingrédients
que l’on utilisera par exemple dans le « mole ». Plusieurs sortes de
piments, de l’ail, de l’origan, de l’achiote, et bien d’autres éléments. Ici
traité avec ce cacao qui devient une sauce fantastiquement onctueuse qui
accompagnera la classique dinde que l’on mange très souvent au Mexique. Sur le côté
les légumes encore croquant et marinés, des lamelles d’oignons caramélisés. Une
assiette absolument parfaite.
On accompagnera d’ailleurs ce plat de tortillas mais ici réalisées avec
du maïs bleu. Le maïs n'est pas forcément jaune, ou blanc ! Il peut être
également bleu, rouge, ou mauve.
Premier
époustouflant dessert avec ce sorbet au cactus. Un goût distinct mais aussi celui
du citron vert et une légère pointe de sel.
Dessert
suivant peut-être plus conventionnel avec le « Chao » de baies.
Toujours une présentation contemporaine et précise pour ce dessert où l’on
retrouvera de la fraise, des mures, des myrtilles, tout cela en diverses structures,
glacées ou croquantes.
Dernier magnifique
dessert avec la Panna cotta au mamey, crumble de maïs doux, et glace aux
graines de mamey. Le mamey est aussi appelé sapote, qui mesure 10 à 25 cm de
longueur, 8 à 12 cm de largeur et sa pulpe est de couleur rouge-orangée. Sa
chair est incroyablement douce et sucrée (imaginez un mélange d'abricot, de
potiron et de lait concentré sucré). Coupé en cube, le crumble croustillant sur
le dessus, la crème glacée avec la graine volumineuse du fruit qui aurait un
léger goût d’amande amère. Un vrai voyage gustatif.
Ce menu à 1380
pesos qui équivaut plus ou moins à 65 euros est une des expériences les plus
mémorables depuis longtemps. Préparez-vous à voyager dans les saveurs inconnues
du Mexique, des ingrédients et recettes anciennes Maya ou Aztèques mais avec un
côté innovateur sans limite. Un moment exceptionnel de quelques heures dans un
contexte inhabituel, une succession de moments impressionnants, de sensations
culinaires nouvelles.
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