vendredi 20 mai 2016

Roscioli, Rome




Choisir une table à Rome reste plus qu’un défi lorsque l’on compte le nombre de trattorias ou d’osterias. Si l’on reste dans un registre classique et non de cuisine moderne, quoique cela soit plutôt rare en Italie, il n’est pas évident de trouver l’endroit idéal car souvent tout le monde trouve « bon » le premier établissement qui sert des pâtes correctes. Je caricature un peu mais ce sont les faits. Grace à un cercle d’amis tous unanimes, me voici parti à la découverte de « Roscioli » dans le quartier de Campo de Fiori. Selon la description, plutôt une épicerie spécialisée dans les charcuteries, fromages et vins. Un peu méfiant, je m’attends à un établissement plutôt style « bar à tapas » comme en Espagne et non pas à vivre probablement l’une de mes plus belles expériences culinaires italiennes.

Tout d’abord soyez sûr d’avoir une réservation car sans celle-ci, aucune chance de trouver une table. Ce sont par dizaines que j’ai des gens être aimablement refoulés. Soit à faire par internet, par téléphone ou encore venir quelques jours à l’avance. Sachez que l’attribution des tables se fait en fonction de la séquence de ces réservations. Plus celle-ci est tardive, plus vous vous trouverez « vers l’entrée » et prêt du passage, ce qui n’est pas réellement un problème en soit.

L’entrée de « Roscioli » où se trouve un certain nombre de personnes qui attendent ressemblerait plus à un commerce qu’un restaurant et justement, à la base il s’agit d’une épicerie de produits fins.


Une fois à l’intérieur vous serez plutôt surpris de constater qu’il s’agit effectivement d’un magasin mais qui a été transformé en restaurant. A gauche les vitrines réfrigérées, à droite un mur de bouteilles à la vente et le passage au centre converti en salle à manger. En fait plutôt un passage où l’on a ajouté des tables pour la soirée.





Comme je l’expliquais, si votre réservation est tardive, il y a de fortes chances que cela soit dans ce passage que vous vous trouverez et l’accueil se trouvant dans celui-ci, vous aurez un certain va et vient de personnes sans réservations. Cela ne nous a pas réellement gêné.


Vous aurez finalement la chance de soit pouvoir avoir une vue sur la sélection de bouteilles, soit d’apprécier l’incroyable sélection de fromages, charcuteries, préparations et conserves derrière les fenêtres réfrigérées.





Ce qui est le plus surprenant également c’est de s’apercevoir que les sélections de produits ne sont pas qu’Italiens mais aussi Espagnols ! Je ne me serais jamais imaginé il y a une dizaine d’années de trouver alignés des jambons de Parme à côté de Bellota ou autres jambons crus. Idem lorsque l’on voit une série de boite d’anchois cantabrique de chez Nardin qui sont surement parmi les meilleurs au monde. Ici c’est la qualité avant tout et l’on n’est pas focalisé seulement sur les produits de la botte.


Tables le long de ces vitrines avec comme seule décoration les produits, des boites de conserves, des flacons et une collection de pâtes. Vous êtes carrément encerclé par de la nourriture !
 
Pour les réservations prises probablement très à l’avance, le fond du commerce propose soit de manger au bar soit une autre série de tables plus à l’écart du passage.




En attendant de recevoir la carte, nous avons pris le temps d’apprécier la vaste gamme de fromage italiens qui sont vendus la journée car en dehors des heures de repas, il s’agit d’un commerce et les tables du couloir d’entrée sont supprimées.

Avant même que de recevoir la carte, nous voici apportés une corbeille de pain et pas n’importe quels pains !  « Roscioli » c’est une épicerie fine mais aussi dans la rue perpendiculaire une fabuleuse boulangerie-pâtisserie et encore un peu plus loin un café pour le matin. Probablement une demi-douzaine de pain aux textures différentes telle que focaccia, pain aux figues, aux céréales, etc… Tous plus appétissants les uns que les autres.



La carte est absolument somptueuse car il ne s’agit pas seulement que des produits vendus à la découpe et servis sur assiettes, mais aussi une très belle sélection de plats cuisinés comme dans tout établissement prétendant être un restaurant. Donc des entrées, des plats principaux et des desserts. A noter que l’on trouvera également des assiettes plutôt espagnoles en ce qui concerne les charcuteries mais ce n’est pas pour cela que nous sommes venus. Une partie plutôt froide avec charcuteries et fromages, une section poissons, les pâtes, viandes et desserts. Tout peut évidemment se partager.

Première découverte avec quelque chose que je n’avais eu la chance d’apprécier auparavant et qui restera à tout jamais un souvenir dans ma mémoire, la Burrata des Pouilles avec des tomates cerise séchées, poivre noir de Malaisie. La burrata qui n’est pas vraiment une mozzarella et est un fromage incroyablement onctueux. Si traditionnellement, la burrata est une boule de fromage garnie de crème, à base de lait de bufflonne, souvent on la retrouve proposée en grande distribution, au lait de vache, parce que moins coûteux à la production. Originaire de la région des Pouilles comme ici, elle est née de la volonté d’un fromager de ne pas gaspiller une mozzarella de la veille. Il a imaginé pour cela de la farcir de crème et de restes de mozzarella effilochée avant de la fermer d’un nœud. Depuis les boules de mozzarella continuent d’être farcies manuellement au cœur, du duo crème et mozzarella effilochés, ce qui explique entre autres son prix élevé. Ici les tomates sont tout aussi exceptionnelles car sucrées, moelleuses et pas trop huileuses. L’association de ces deux produits exceptionnels en font une entrée totalement jubilatoire.



Autre entrée appelée fromage frais des Pouilles en morceaux avec des courgettes à la mode « scapece » de la poutargue de mulet et de l’huile d’olive à la menthe. Plutôt très ressemblant à la burrata mais peut-être encore plus crémeux mais ici servi avec une excellente garniture de courgettes tièdes préparées à la mode napolitaine. Sautées en rondelles dans de l’huile, de l’ail, un peu de vinaigre et de la menthe fraiche. Le fromage est recouvert de poutargue (aussi appelée boutargue et en italien « botargo ») est une spécialité des pays méditerranéens. La poche d'œuf de poisson, le plus souvent de mulet (muge) comme ici et parfois de thon, est salée et séchée pour donner une spécialité rare, luxueuse et unique au niveau gustatif. On appelle aussi ce produit le caviar de la Méditerranée. A nouveau l’association de tous ces éléments est absolument divin.




Pour un premier repas romain, comment ne pas prendre les célèbres « Cacio e pepe », pâtes fraiches avec du Pecorino romain, « cacio » de Moliterno, Pecorino de Sogliano del Rubicone et poivre de Malaisie. Ces pâtes (les tonnarelli), sont cuites de manière très précise car même si fraiches elles sont « al dente » et probablement le minutage doit être d’une incroyable rigueur. Comme le dit le nom, c’est une recette avec seulement trois ingrédients : des pâtes du pecorino romano et du poivre noir. Originaire de Rome, il s’agit d’un plat très ancien, car le fromage a été l’un de premiers condiments pour les pâtes, avant la sauce tomate. Les produits sont exceptionnels, le dosage est parfait et il faut une sacrée dextérité pour un bon mariage de tous les ingrédients. La sauce doit comme ici être réalisée à froid avec l’eau de cuisson des pâtes, une opération pas toujours évidente. Un plat magnifiquement cuisiné, un incontournable de la cuisine romaine à déguster à tout moment !


Autre grand classique avec les boulettes de viande à la romaine en sauce tomate, ricotta fumée, polenta aux châtaignes. Une viande parfumée avec un mélange très équilibré, une texture souple, le fromage sur le dessus est un ajout immanquable, la sauce est incroyablement subtile car pas trop épaisse ou sucrée et n’écrase pas en bouche l’équilibre gustatif. En accompagnement ces petits cubes de polenta juste poêlés.



Et un dessert partagé avec les petits pains traditionnels romain appelés « Maritozzo » avec de la crème et une glace au café. C’est un petit pain doux qui de nos jours est d’habitude farci à la crème fouettée. Pendant la Rome papale, le « Maritozzo » était aussi lié à une pratique, désormais oubliée, qui consistait à cacher une petite bague en or à son intérieur pour la donner à son amoureuse. Aujourd’hui le « Maritozzo » est un gâteau typique à consommer pendant la petite déjeuner, même s’il est désormais remplacé par le croissant. On appréciera également la délicieuse crème glacée pour l’accompagner.




Et finalement une tarte tatin à la papaye avec une glace à la lavande. Joliment présentée, fine et point trop sucrée ni grasse, elle sera parfaite elle aussi avec cette crème glacée subtilement parfumée.



Avec les cafés, quelques biscuits traditionnels que l’on trempera dans une sauce chocolatée.


La carte des vins étant sans limite aussi bien au niveau de la sélection que des prix, nous nous sommes fait conseiller un Mamuthone Giuseppe Sedilesu, Cannonau de Sardaigne 2012. Un très beau nez de prune, d’abricot sec, d’orange amère et d’épices. En bouche plutôt puissant et suave.


Probablement l’un des repas italiens classiques des plus remarquable qu’il m’a été donné de déguster. Un lieu où les produits sont d’une exceptionnelle perfection, la sélection de plats chauds impressionnante avec une cuisine essentielle, des cuissons d’une diabolique précision, une ambiance particulière et hautement festive. Probablement l’une des plus belles tables de Rome.

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