Certes pas
un restaurant comme les autres mais assurément l’un des plus beaux repas depuis
longtemps à Barcelone. Je ne sais pas si « Rooftop Smokehouse » se
considère comme un restaurant, un « pop up », un lieu pour soirées
privées ou de l’événementiel ; probablement un peu tout à la fois. Je dis cela
car cet établissement n’est pas ouvert tous les jours, organise des repas de
manière un peu inattendue avec une fréquence d’une a deux fois par mois, généralement
les vendredi et samedi sir, tout s’annonce, se réserve par courrier électronique
à moins que leur site de réservation affiche non complet, ce qui est rarement
le cas. C’est bien simple j’ai dû m’y prendre quatre à cinq fois pour pouvoir
participer. Comme le nom l’indique, cette table propose des mets qui ont été
cuits à la fumée, sur de la braise. Au départ, une idée qui fût de réaliser
cela sur un toit du quartier de Sant Antoni, d’allumer un feu, de fumer dans un
tonneau à vin, puis une évolution dans l’organisation et actuellement une
cuisine-atelier-salle de restaurant. Fumer oui, mais aussi utiliser des
produits locaux de qualité et de concocter des repas absolument mémorables.
Aujourd’hui
le concept se trouve dans une ancienne usine appelée Fabrique Lehmann qui date
de 1850 et qu’il sera impossible de trouver si l’on ne connaît pas l’adresse. Un
passage un peu glauque, une minuscule ruelle de pavés, quelques lumières blafardes
avant d’arriver dans une cour intérieure. Pas d’indication quoiqu’il soit d’un
quelconque lieu de restauration.
Une fois dans
cette cour vous serez probablement surpris de découvrir une arcade illuminée
entourée de plantes et de bougies allumées. Comme une oasis au milieu de nulle-part,
plantes, murs de briques, quelques personnes qui sont censées se réunir pour 20 :00
précise.
Un lieu un
peu surnaturel, des traces du passé avec ces grand panneaux interdisant le stationnement
à époque du fonctionnement de cette usine, quelques sections du bâtiment qui
semblent avoir été reconverties en bureaux ou logement bon marché.
Mais en
regardant de plus près à travers les structures vitrées entourées de métal
noir, on sera immédiatement sous le charme de cet endroit totalement inattendu,
une grande table d’hôtes dressée et qui attends impatiemment les convives.
Mais cela
ne sera pas avant les vingt heures passées que nous pénétrerons dans ce lieu
presqu’un peu magique, car l’accueil se fait à l’extérieur avec un verre de
bienvenue, au milieu des plantes un peu exotiques et des bougies posées sur le
sol.
Oui c’est
bien ici le « Rooftop Smokehouse » et seule la bicyclette nous
indiquera que nous sommes au bon endroit.
L’intérieur
pourrait ressembler à un appartement privé avec sa grande table de bois allongée,
son dressage presqu’un peu rural, ces lumières douces, ce grand miroir, ces buches
rangées sus une étagère. Il y a quelque chose de très rassurant, de presque
poétique dans la manière dont le lieu a été aménagé. Et derrière cette salle à
manger, la cuisine ou plutôt l’atelier ou le repas sera confectionné.
Dans un
autre coin de la pièce, un petit salon dans le prolongement où nous trouverons
aussi une seconde table d’hôtes mais celle-ci plus petite et même une troisième
table pour un nombre réduit de personnes. Murs sombres, grand poêle qui en
réalité se trouve être le fumoir ou plutôt là ou le bois se consume et qui
propage la fumée dans une chambre à l’arrière, accessible par la cuisine.
En hauteur,
l’ancien tonneau qui servait au préalable à la fumaison des aliments.
Et c’est dans
la cuisine que se déroulera la suite des événements. Murs de faience blanche
comme dans le métro parisien ou en briques, lumières industrielles, le tout séparé
par une paroi boisée vitrée.
A noter que
les produits fumés sont aussi à la vente, comme le pastrami, le bacon, la
pancetta, le magret de canard sans oublier les fermentations de légumes dont je
parlerai plus tard tels que choucroute, kimchi et autres produits tels que
moutarde à la bière et beurre.
L’accueil
se fera donc avec soit une coupe de cava de la maison Bertha ou une bière
artisanale, ambiance qui commence sans aucun doute a être festive et amicale.
Avant de s’installer,
un petit tout tour en cuisine ou la brigade est déjà en train de dresser
quelques assiettes.
Certains
seront installés dans cette cuisine car une table est aussi dressée pour les convives.
Cuisine avec
des plans de dressage, des coins de cuisson avec feu de bois, des pianos pour
les cuissons plus longues.
Une fois
installés à l’une des tables, les discussions démarrent et nous aurons l’impression
d’être plus dans un repas familial que d’être à la table d’un restaurant. La cuisine
de « Rooftop Smokehouse » n’a rien d’espagnol et encore moins
américaine, ce qui pourrait venir immédiatement à l’esprit. Une cuisine plutôt
contemporaine, moderne et finalement assez proche de ce que l’on pourrait trouver
chez cette nouvelle génération de chefs britanniques qui souhaitent changer la
donne. Une table non loin des concepts d’un « St. John » et de la
proposition d’un Fergus Handerson avec son approche « nose to tail »,
ou tout se mange dans le cochon, du nez à la queue (le chef connaît d’ailleurs
Fergus étant britannique d’origine). Pas que la seule viande soit ici du porc,
mais cette manière de proposer des morceaux de viande quelques peu négligés tels
que les rognons, le foie, la langue prennent leur place sur le menu à côté des
produits dits plus nobles. Ça c’est pour décrire l’approche sans oublier
le côté conserves de légumes vinaigrées qui elles aussi sont très à la mode. Par
exemple pour démarrer ce menu unique de saison a 55 euros, un os a moelle
associé a des carottes jaunes fermentées. Et cela fonctionne plutôt très bien
ce côté qui a un goût un peu alcoolisé avec la douceur de la moelle.
Les vins
eux aussi sont ajoutés à ce repas et trois types de bouteilles vous seront
proposés, un forfait de 15 euros. Pour démarrer un Menti Roncai sui lieveti,
vin italien blanc avec un cépage garganega, vin légèrement gazeux lié à la
fermentation en bouteille, plutôt intéressant qu’agréable mais fonctionne avec
le plat.
Très joli
plat pour suivre que cette huitre à la betterave, lardons et chanterelles.
Assez surprenant comme association mais le côté fumé amène une touche agréable à
la douceur de la racine et le côté marin de l’huitre.
Un superbe
bouillon avec de l’anguille fumée. Le bouillon a dû être préparé de longues heures
avec plein de légumes et est vraiment délicieux, le poisson amène beaucoup de
délicatesse avec ce côté légèrement gras qui contraste parfaitement avec le
liquide.
Une autre
surprise avec un met que je ne me rappelle pas avoir mangé depuis très
longtemps et probablement considéré comme étrange par certains mais tout à fait
délicieux, des oreilles de cochon dans un fond de sauce très léger et agrémenté
de très bons câpres.
Le pain
qui est servi est vraiment excellent et provient d’une boulangerie locale,
dans le Poble Sec appelée « Pa Serra ».
Second vin
blanc avec un REVOLUTION WHITE Solera, vin autrichien avec les cépages
Scheurebe, Riesling et Chardonnay. Assez brioché, des saveurs d’abricots et des
notes florales.
Nous
poursuivons avec une salade de langue, haricots verts et cresson. Très frais,
léger, bien assaisonné et une continuité dans la manière de proposer des assiettes
très légères.
Troisième
vin italien cette fois avec un Monteraponi, vin rouge de la région de Chianti,
assez léger et par forcement mon genre.
Le saumon
traité comme un gravlax et légèrement fumé sera une merveille. On y ajoutera au
dernier moment du raifort râpé.
Et comme
met principal, de la porchetta, préparation culinaire à base de cochon de lait
cuit à la broche, typique de Rome. Le cochon de lait est désossé
manuellement par le ventre, farci de sa chair et d’aromates (ail, poivre,
romarin), puis cuit au four ou, comme le veut la tradition, à la broche. Il
sera accompagné de pommes de terre ayant cuit dans la graisse et d’échalotes
entières.
Les tables
seront donc conviées à venir « voir la bête » avant sa découpe et
mise sur assiette.
En dessert
un excellent riz au lait avec raisins secs et glace vanille.
Mais la
soirée ne s’arrêtera pas là, le chef et propriétaire Buster Turner nous fera
visiter sa cuisine, le fumoir et également comment ils fabriquent des conserves
de légumes et fermentent certains d’entre eux.
L’armoire
qui sert de fumoir est de grande taille et est donc connectée a la cheminée
dans la pièce adjacente. Il faut aussi savoir que « Rooftop Smokehouse »
vend ses charcuteries a l’emporter et par exemple le « Pastrami Bar »
de la rue Rera de Palau vend des sandwichs à l’emporter avec les charcuteries
fumées ici.
Dans une
grande pièce frigorifiée, les légumes en cour de fermentation avec un certain
nombre d’expérimentations. Il faut aussi savoir que sont organisés des ateliers
sur le thème de la fermentation.
Ici par
exemple du chou avec de la viande de porc.
Ou encore
un mélange de carottes et gingembre, du cèleri, du citron et de l’anis.
Une soirée
vraiment inoubliable qui vous emmène dans un voyage gustatif varié, un lieu qui
vous semblera en dehors du temps et qui peut-être vous fera oublier que vous
êtes à Barcelone. Des effluves permanentes boisées et fumées, un décor
inhabituel dans une ancienne usine, une table d’hôtes, une clientèle qui
devient après quelques instants vos nouveaux amis et une équipe en cuisine
dévouée, enthousiaste et motivée. Ici
tout est fumé, cuit au bois, tous les légumes bio sont fermentés sur place,
avec un résultat sur assiette des plus concluant. Pas le genre de cuisine à laquelle
l’on pourrait s’attendre dans cette ville mais qui est absolument convaincante.
Pas une pâle copie de ce qui se fait aux Etats-Unis mais une identité à eux, un
chef qui sait comment sublimer les produits en utilisant le feu et la fumée.
Une adresse vraiment magique dans la ville.
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