mercredi 15 septembre 2021

Direkte Boqueria, Barcelone

 

Je n’étais encore jamais parvenu à réserver une table ici, puis la pandémie changea la donne, la terrasse s’ouvrit et j’aurai finalement trouvé de la disponibilité pour ce soir en m’y prenant bien à l’avance. Deux services dont celui à 22 :00 ce qui n’est pas plus mal, n’étant pas enclin à diner comme d’autres, trop tôt. Considéré par certains comme étant le plus petit restaurant de Catalogne car 14 m2 de superficie, mais en même temps l’un des plus grands gastronomiquement.



Peu de personnel, généralement huit convives dans un bar minuscule (mais maintenant limité à quatre), deux « menus dégustation » et une cuisine presqu’un peu difficile à catégoriser que certains appellent fusion ou encore asiatique-catalane, de qualité préparée par le chef et son équipe. Même si proche des bars culinaires du marché comme Quim ou Pinocchio, l’offre culinaire n’a absolument rien de comparable et ne s’adresse pas du tout à des personnes qui s’attendent à une cuisine locale. Pas un inconnu ce chef puisqu’il s’agit de Arnau Muñio avec une expérience à l’époque au Comerç24 et la Barra de Carlos Abellan. Une cuisine qui s’adresse probablement aux amateurs des produits de la mer, aux personnes ayant une certaine culture gastronomique et appréciant les voyages gustatifs.

Evidemment par une soirée d’été, manger à l’extérieur est agréable mais c’est aussi un peu manquer le « show » et la chorégraphie de dressage des assiettes intérieur, mais compensé partiellement par celui à l’extérieur. Quelques tables devant l’établissement sous les arcades, c’est un peu inconfortable mais nous sommes ici pour avant tout les assiettes. Deux menus, un court et un long. C’est en tout cas pour une première visite le second que l’on choisit. Une dizaine de plats et deux desserts, des petites assiettes individuelles savamment préparées et qui suivent sans aucune attente. C’est parfaitement rôdé, incroyablement précis et totalement époustouflant. Bien entendu, impossible de savoir à l’avance ce que seront les assiettes car j’imagine que cela doit fréquemment changer en fonction des produits disponibles. Une impressionnante succession de saveurs différentes, d’umamis comme l’on plait à se dire au Japon, et cela va du doux-amer aux sucrés, du salé au légèrement pimenté sans jamais trop être puissant. Tout est équilibré et magnifiquement dressé.

L’accent est rarement mis sur le produit lui-même, mais plus sur la sensation gustative du plat dans son ensemble. Parfois, on ne se souvient pas de l’idée du plat, mais on garde dans les mémoires cette impression d’avoir mangé quelque chose de délicieux. Plats qui sont expliqués assez rapidement par les aides du chef et évidemment que c’est impossible de se rappeler de toutes les composantes, de ces ingrédients qui comme je les déjà mentionné viennent d’Asie, comme du wasabi, du daikon et autres éléments. Plutôt basés sur des techniques et produits japonais mais jamais en donnant l’impression de déguster un plat japonais mais quelque chose de très créatif, de personnel et de très étudié.

Cela sera donc une succession de mets les uns plus remarquables que les autres et comme précédemment dit, impossible de se rappeler des compositions de chaque plat. Tout d’abord des berberechos ou coques de galice, algue codium, jus de melon vert, filaments de concombre, piment péruvien. Une grande bouffée de fraicheur, des effluves marins balancés par la côté un peu doux du fruit.

Des seiches dans un bouillon au topinambour mariné, gingembre, radis et zestes de citron.

Très impressionné par la panacotta de lait d’amande, maquereau fumé et wasabi local sous deux formes ; râpé et feuilles. Quelque chose de vraiment très gourmand.

Une interprétation d’une esqueixada bien que cela soit plutôt une salade de morue de qualité exceptionnelle, figues, pignons toastés et une de ces gelées au goût asiatique.

Sublime sardine légèrement marinée un peu dans le style d’un boquerones sur un morceau de pastèque bien sucrée et recouvert d’œufs tobiko.

La délicieuse coca de recapte, crevettes roses de la région, joue de porc et jus de têtes.

Les couteaux dans un autre bouillon parfumé, betteraves marinées au vinaigre.

Les fabuleuses anguilles du delta de l’Ebre, tofu mariné et aubergine.

Un terre-mer avec un ravioli d’huitre et capipota, sorte de « xiao long bao » à la saveur assez impressionnante avec un peu de sésame.

Comme plat dirons-nous central, de la caille à la coréenne accompagné de pêche en filament et menthe. Volaille caramélisée, marinée je ne sais combien de jours… sur une pâte de sésame. Vraiment exquis.


Deux superbes desserts avec tout d’abord un kakigori “かき氷” qui est une glace très populaire dans tout le Japon. Celle-ci est râpée très finement ce qui lui confère une légèreté sans pareil. Elle est ensuite aromatisée à l’aide de sirops fruités pour la plupart, un peu comme des sorbets en et de lait concentré ajouté sur le dessus. L’ensemble est très léger et rafraîchissant ! Mais ici c’est retravaillé en strates avec au fond une crème.


Puis le cheesecake fumé et thé matcha, incontournable et dessert signature. Je peux catégoriquement affirmer qu’il est parmi les trois meilleurs que l’on puisse manger à Barcelone avec celui de Fismüler et celui d’Estimar.


Pour accompagner le menu, nous avons choisi le BR 61 Garraf Wild Style de Thunder Wine Makers. Thunder est un projet très personnel de Sergi Figueres et Antonio Lopo, deux sommeliers réputés. Ils collaborent avec des caves pour travailler ces récoltes avec peu de débouchés, avec des cépages peu utilisés et avec l’intention de tirer des résultats hors de l’ordinaire. Ils obtiennent ainsi des vins à forte personnalité, souvent irréprochables et très courts tirages. Celui-ci étant réalisé pour l’établissement. Le BR 61 est une de leurs créations. C’est un vin frais, de type « orange », donc macération des peaux avec une personnalité très marquée à la suite du type de vieillissement. Un vin très intéressant qui va a merveille avec ces produits de la mer.

Une expérience culinaire de haut niveau dans un espace minuscule et peu conventionnel. Je ne sais pas si c’est le plus petit restaurant de Barcelone, mais je suis sûr que parmi les petits, c’est le meilleur. Les composantes de ce menu furent toutes exceptionnelles, conçues pour plaire à des clients exigeants, avec de bonnes et surprenantes élaborations et associations, sans jamais tomber dans de la cuisine type fusion. Brillant !

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