Toute nouvelle
table et plutôt très confidentielle que celle de « L'Home dels Nassos »
dans le quartier en ébullition de Sants. En ébullition car c’est un peu ici que
toute une génération de nouvelles adresses éclosent jour après jour, avec des
cuisines assez inventives. Confidentielle également car l’équipe en place
souhaite que tout se passe de bouche à oreille avec peu de présence sur les
réseaux sociaux, pas de réservation en-ligne, mais une astuce…utiliser
WhatsApp..ou tout simplement le téléphone.
« L'Home dels Nassos » c’est aussi le nom d’une légende
catalane d’un homme avec plusieurs nez et qui ne peut être vu que seulement le
31 décembre. Un homme avec 365 nez que les enfants sont sensés trouver le
dernier jour de l’année. Presque caché dans une ruelle, la première impression est
que nous ne somme pas dans un restaurant au sense propre mais plutôt dans un
appartement/atelier avec quelques tables. Quelque chose non loin de la dizaine
de couverts seulement.
« L'Home
dels Nassos », c’est l’aventure d’un couple, Robert et Georgina qui
arrivent avec une proposition culinaire assez peu conventionnelle. Un premier
épisode à Tarragone sous le même nom pendant sept années et maintenant c’est à
Barcelone que cela se passe ! Une cuisine qui se veut originale, assez
esthétique, parfois ludique, souvent conçue à partir de recettes
traditionnelles, mais complètement repensées. Un tour de force car à deux personnes
seulement tout est assuré, création de plats, cuisine, service et évidemment l’après
service. On sera vraiment très surpris par la montagne de travail qui est réalisée
par ce couple car cela relève presque de l’exploit. Finalisation des assiettes
par Georgina et service assuré en salle par Robert.
Tables
blanches, décor assez épuré lorgnant vers le scandinave, quatre tables en tout
face au comptoir, derrière lequel les assiettes sont dressées par Georgina et la
cuisine dans le prolongement. Pas de superflus, une impression d’être chez des
particuliers.
Plusieurs
menus au choix, avec respectivement quatre plats et dessert (35 euros), neuf (43
euros) et 12 plats. Ce dernier étant un menu de dégustation présenté en scènes
comme dans une pièce de théâtre avec à chaque fois plusieurs assiettes qui se
complètent, la plupart du temps au nombre de trois ou quatre, que l’on apprécie
souvent avec les doigts ou autres instruments que couteau et fourchette et dans
une séquence bien précise. Scènes expliquées à chaque fois par Robert qui une
personne pleine de gentillesse, à l’écoute du client et aussi avec le sens de l’humour.
Avant de
démarrer le repas, nous voici amené quelques tranches de pain au levain et de
qualité, ce qui n’est pas toujours évident à Barcelone.
Première
scène appelée, « La Brisa » qui est en fait l’apéritif. Premier acte
avec les « nénuphars marins ». Un grand bol avec de l’eau et des fleurs,
des sphères flottantes réalisés avec un « ajoblanco », du pain grillé,
du miel, du gingembre confit, de la morue croustillante et de la salicorne. Certes
on connaît les techniques de sphérification créées par Ferran Adria ou l’intérieur
est le plus souvent liquide, mais ici nous aurons quelque chose d’un peu plus
dense qui peut plutôt laisser penser que nous avons en bouche une sorte de
ravioli farci. Explosion de saveurs en bouche plutôt douce, des références
intéressantes à la fameuse soupe à l’ail et aux amandes d’Andalousie.
Second acte
avec un nom plutôt surprenant ; le « Petit déjeuner au lit ». Un
mini sandwich aux pignons, le souvenir d’enfance des biscuits de la marque « Bimbo »
avec de la noisette et chocolat, mais ici il s’agit d’un petit sandwich à base
de trompettes de la mort et de truffes, en accompagnement une bouteille de
coca-cola qui contient un concentré de champignons, un jus de cèpes. Même si l’idée
de jouer avec ces saveurs est convaincante, le côté ludique me semble un peu
superflus et le plat gagnerait a étre transformé en quelque chose d’autre car
une bouteille de Coca-Cola ne me convainc pas franchement.
Troisième acte,
« la forêt », un oeuf cuit dans de l'eau de mer, artichaut à basse
température, calçots, noix de coco et du calçots. Gustativement c’est très bon
et un joli clin d’œil aux produits de saison et locaux. J’aurais préféré un œuf
cuit comme l’on dit souvent, « parfait » pour qu’il soit un peu plus
coulant.
Seconde
scène avec l’«Air », considéré
comme entrées mais qui après reconsidération est mixée avec la scène suivante le
« Vent » correspondant aux plats principaux.
Une planche
noire à l’impeccable visuel, très zen, sur laquelle nous trouverons un bol avec
une pierre et deux cailloux. Il s’agit de la « soupe de pierres » qui
est amenée dans ce bol et qui ressemble vraiment à une pierre. A première vue on se dit que ce n’est pas
encore comestible mais en fait il s’agit d’une technique de sphérification avec
à l’intérieur une crème de popcorn crème, du foie de canard macéré dans du calvados, de la camomille
et quelques olives noires cuites au vin rouge. On y ajoutera une
décoction de champignons sur le dessus. Une fois la « pierre »
ouverte, on y découvrira le foie gras en cube. Le tout fonctionne
prodigieusement bien car les saveurs se complètent : foie, champignon,
alcool. Un plat plus aboutit selon moi que les précédents.
Second met,
le « panellets de la seconde chance ». Le « panellets » est
à l’origine un dessert catalan que l’on déguste à la toussaint. Sorte de petit
gateau rond réalisé avec du massepain et recouvert de pignons. Ici une transformation
en quelque chose de salé, avec de la sardine cuite à basse température, un
pesto de pomme cuites au four, de la pistache et du thym, un parmentier de
panais avec de la garnacha blanc. A nouveau un met très aboutit qui va à l’essentiel
dans les saveurs.
Le plat qui
suit est tout à fait ce que l’on pourrait trouver chez un des fameux étoilés de
San Sebastian avec cette « Paella de gamba rouge, rouge »… Il s’agit
d’une base crémeuse réalisée avec une réduction des têtes de crevettes et de
vin de Priorat, d’une macération de framboises. Sur le dessus de la framboise
lyophilisée qui amène une touche douce et en même temps subtilement acide. Pas
de riz dans cette paella car celui-ci arrive dans un tube ! Le riz est
soufflé, entouré d’une poudre de betterave. On ajoute donc le contenu de l’éprouvette
sur le fond de sauce, petit à petit. C’est vraiment excellent car en même temps
plein de saveurs marines, de textures diverses, de saveurs inattendues.
Un côté à
nouveau un peu ludique avec cette reconstitution du Tibidado réalisée au
dernier moment avec du papier Kraft froissé par Robert. Structure en forme donc
de montagne sur laquelle on déposera un bol avec une réduction de vin rouge
épicée, une poudre à base de « pipes » graines de tournesol et de
maïs frit. Dans un petit sac translucide, le « ticket d’entrée » avec
un raisin acide avec de la poudre de vinaigre et du sel. C’est plus amusant qu’autre
chose et retombe dans le ludique. Une sorte de bouchée qui est là pour changer
de goût en bouche.
Un plat de
viande pour accompagner, un peu lorgnant sur l’Asie servi dans un bol recouvert
d’un gros bouchon pour maintenir la température. Du canard cuit à basse
température ; vous prenez le canard avec des baguettes et entourez les
morceaux dans une dans la réduction de vin rouge puis dans le mélange de « pipes »
et maïs. Amusant mais pas mémorable, un
peu trop fantaisiste et sans trop de connection entre les éléments.
La « Tempête »,
touche finale et évidemment desserts. Le premier, un faux niguiri assez délicat
en saveur qui est une sorte de nougat, un bon goût nuancé par l'amaretto. Assez
visuel également et toujours dans lorgnant du côté Asie.,
Pour terminer,
un voyage au pays de Disney avec « La belle au bois dormant ». Sous
une cloche de verre, une pomme de sucre dans laquelle se trouve une mousse de
strataciella, une préparation liquide associée a un Mojito et selon Robert, de « l’After
Eight ». Je ne sais pas finalement si c’est ce chocolat britannique qui
aura été utilisé ou non, mais il y a un léger goût de menthe et de chocolat
qui me fait penser que c’est plutôt les ingrédients au naturel qui ont été
utilisés. Posée sur une terre de caroubier, une feuille de menthe au dessus. C’est
visuellement parfait, frais et léger.
Comme vins,
un Tanca Els Ulls 2015. Cépage Macabeu, des touches d’herbes aromatiques, un
côté un peu salin, un vin élégant.
Suivi d’un
très bon Priorat, Vi de Vila Porrera, 2013, carignan et grenache. Présence en
bouche de fruits rouges, de réglisse, de clou de girofle, de sous-bois et de
poivre noir.
Un voyage
assez particulier que ce soir, une cuisine assez excentrique, parfois
expérimentale ou ludique, beaucoup de technique et de visuel. Une proposition
dans l’esprit des chefs contemporains étoilés comme ceux de Disfrutar, Tickets
et autres Mugaritz, toute proportions gardées. On pourrait classer les
assiettes en deux catégories, celles « pour le show » et celles « pour
le jeux de saveurs ». Certes cela peut plaire ou non car on frôle parfois
un peu juste le côté théâtral sans se concentrer exclusivement sur le produit
ou l’association des saveurs et textures. Je préconiserais un peu de
simplification dans tout cela mais l’expérience est plus que concluante dans
son ensemble et permet de découvrir une cuisine moderne, dans le vent a des
prix très raisonnables. Pour l’anecdote
finale, nous ne furent que les deuxièmes « étrangers » à venir dîner
chez eux, mais il y fort à parier que ceci va rapidement changer…
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