Étonnement les femmes cheffes étoilées ne sont pas légion en France et selon Anne Majourel
il n’y en aurait que 16 en tout et pour tout ! Sur les 609 du guide Michelin, cela ne fait pas beaucoup. J’ai toujours pensé qu’une cuisine de femme avait
un petit côté souvent plus poétique, peut-être aussi un peu plus de légèreté et
des touches de sensualité dans leurs assiettes.
Venir à « La
Coquerie » chez Anne Majourel avait quelque chose d’assez excitant et
presqu’un peu magique sur le papier car l’établissement ne compte que cinq
tables et semblait être exactement ce que j’apprécie, une cuisine locale de
saison avec les produits de la mer. Une cheffe qui par le passé se trouvait dans
un autre établissement des Cévennes, à Tornac et qui se trouve aujourd’hui dans
un coin de Sète avec une magnifique vue sur le port.
Une maison
très particulière au coin d’une rue, celle qui amène au cimetière marin et qui
pourrait ressembler à un hangar remis au goût du jour avec des encadrements de
fenêtres métalliques. Pas un établissement classique au sens du terme mais
presqu’une échoppe… Une petite terrasse sur la rue, puis vous entrerez dans un
lieu que je pourrais qualifier de « cuisine-atelier-bar-appartement »…
On y verra ce que l’on veut bien voir mais pour moi le concept est absolument
génial !
Cinq tables
avec d’un côté la vue sur la mer et de l’autre côté celle sur la cuisine.
Quatre personnes pour animer ce repas ; le chef, sa seconde, probablement
une commise et une bien sympathique serveuse. Lorsque l’on entre ici, on se
sent immédiatement chez soi… car ce n’est pas vraiment un restaurant comme on
se l’imagine mais presqu’une table d’amis. La cheffe vient vous serrer la main, se
déplace de son plan de travail vers chaque table, discute à certains moment
avec des habitués ou amis, plaisantera tout au long de la soirée et se fera
plaisir en partageant un verre de vin avec quelques convives.
Coiffée de
son chapeau de paille coloré, nous découvrirons une personne exceptionnelle qui
nous fera passer une soirée vraiment différente, un moment unique.
L’intérieur
dans les tons blancs et orange avec sa cuisine inox me ferait presque penser à un
de ces lieux art-déco de Miami Beach. Un plafond avec un jeu de lumière indirect, des
structures un peu « rétro » mais en même temps modernes ; des
tables blanches….voila… Vous serez donc au cœur de la cuisine face à la vue sur
le port…
Ici pas de
carte mais un menu unique que propose Anne tout autour des produits de la mer,
poissons et coquillages. Un menu qui assurément changera en fonction des
arrivages, des produits de saison, mais
aussi des idées du chef !
Donc nous commencerons
avec une simple et légère petite friture de jols. Les jols qui me semblent être
des éperlans sont de jolis petits poissons fins qui se dégustent en friture. Il
est inutile de les vider : on mange tout, de la tête à la queue. La chair
est fine et ils conviennent parfaitement pour accompagner un apéritif.
Première
très belle assiette compartimentée avec une déclinaison d’huitres.
Un
délicieux tartare d’huitre Tarbouriech mélangées avec quelques brisures de noisettes et une probable vinaigrette avec de
l’échalote.
Une huitre
pochée dans son eau de mer entourée de jambon cru. Mi- crue mi- cuite, la consistance
en bouche est légèrement plus ferme et les saveurs du jambon complète
parfaitement le tout.
Et une
troisième huitre de Bouzigues dans sa gelée d’eau de mer, huile de pépin de
courge, julienne de carotte. Une très belle entrée en matière qui traite le
coquillage de diverses manières avec justesse.
Pour
suivre, une assiette que nous nous rappellerons pendant longtemps…Une salade de
rougets poêlés sur feuilles de blette, anchois frit, boudin, glace à la
roquette, croutons. Je ne suis pas toujours très friand de ce poisson mais ici
il est magistralement cuisiné. De petite taille il est poêlé à la seconde et
déposé sur cette composition de feuilles vertes blanchies ou crues comme la
roquette. L’anchois frit amène une touche plus puissante en bouche, le boudin
se marie à merveille avec le poisson, et cette crème glacée est absolument
délicieuse apportant une discrète touche douce à l’assiette.
On sera
ravi de pouvoir observer Anne et son équipe cuisiner et dresser les plats.
Autre
somptueuse et délicate assiette que le merlan fumé, jus de poisson à la truffe,
ravioli au crabe et asperge, émulsion de noisette. Le poisson a dû être cuit à
basse température car il est moelleux et encore légèrement translucide. Le jus
est délicat et parfumé avec cette truffe qui donne un côté encore plus gourmand
au plat dans lequel on appréciera ces très bonnes ravioles à la pâte bien fine et
farcie avec crustacé et produit de saison. Les associations fumaison, truffe,
jus et pour finir noisette sont parfaites.
Plat
suivant avec une dorade en croute de sel, sablé au parmesan, asperge de Roques-Haute,
foie de lotte, soupe d’asperge, fond d’étrille. A nouveau le poisson est cuit à
la perfection ; on appréciera la « Rolls-Royce » des asperges,
celles de Sylvain Erhardt que l’on retrouve en deux déclinaisons ; crème
et entière. Le fond est bien concentré réalisé avec ces crabes de roches. Une
touche croustillante avec le sablé et une autre moelleuse avec ce foie qui
ressemble assez à du foie-gras.
Nous avons
démarré cette très belle soirée avec une bouteille de Domaine la Marfée
Frissons d’Ombelles 2012. Un vin avec une très belle minéralité, avec des
arômes d’agrumes type pamplemousse.
Comme nous avions
envie d’une seconde bouteille, nous optâmes selon les conseils de notre
serveuse pour un Domaine de Roquemale Roq Blanc, 2013. Un assemblage à part
égale de Grenache, Marsanne, Roussanne, Viognier et Vermentino. Un vin aux
notes d'agrumes, une attaque grasse, un bel équilibre et une finale
rafraîchissante !
Cependant Anne vient quelques instants plus tard à notre
table et suggère de substituer ce vin par une autre bouteille… Quelle lumineuse
et généreuse idée que de vouloir faire découvrir d’autres produits ! Ce
fut donc avec Les Grèzes Domaine Bordes, un vin encore plus ample et gras en
bouche. Un Saint-Chinian novateur avec des notes de poires et d’abricots.
Puis un
unique fromage de Savoie que je ne connaissais pas, le Revard. Le moelleux du Revard est un fromage au lait de
vache, à pâte molle et fondante fabriqué au pied du Revard au-dessus du lac du
Bourget.
Prédessert
avec un surprenant et délicieux gaspacho, fraise, framboise, tomate et poivron
rouge. Cela explose en bouche !
Et comme
dessert, si ma mémoire est bonne…un Blanc-manger, glace fraise, framboise et
poire, sablé, fraises marinées. Dessert un peu classique.
Cette soirée
se poursuit avec un verre offert de Muscat de Mireval, l’Hédoniste, domaine de
la Rencontre. Une grande découverte car c’est un vin plutôt atypique dans sa
catégorie. Des essences de mandarines, une réelle fraicheur en bouche sans le
côté trop sucré habituel de ce type de vin. Un muscat d’une très grande
finesse.
Et…l’invité
surprise en fin de soirée…Monsieur Guy Savoy qui d’ailleurs se trouve souvent
en ville de Sète, aussi auteur de la préface du livre « Sète/Les Halles».
Une
délicieuse soirée dans un endroit unique où l’on arrive comme des convives mais
d’où l’on repart comme des amis. Une cuisine du marché délicate avec de
magnifiques produits élégamment préparés et dressés. Une table pleine de
charme, humaine, et gourmande magnifiquement animée par la brillante cheffe qui
peut-être vous donnera l’accolade en partant.. Magnifique…
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