lundi 6 avril 2015

La Coquerie, Sète



Étonnement les femmes cheffes étoilées ne sont pas légion en France et selon Anne Majourel il n’y en aurait que 16 en tout et pour tout ! Sur les 609 du guide Michelin, cela ne fait pas beaucoup. J’ai toujours pensé qu’une cuisine de femme avait un petit côté souvent plus poétique, peut-être aussi un peu plus de légèreté et des touches de sensualité dans leurs assiettes.

Venir à « La Coquerie » chez Anne Majourel avait quelque chose d’assez excitant et presqu’un peu magique sur le papier car l’établissement ne compte que cinq tables et semblait être exactement ce que j’apprécie, une cuisine locale de saison avec les produits de la mer. Une cheffe qui par le passé se trouvait dans un autre établissement des Cévennes, à Tornac et qui se trouve aujourd’hui dans un coin de Sète avec une magnifique vue sur le port.

Une maison très particulière au coin d’une rue, celle qui amène au cimetière marin et qui pourrait ressembler à un hangar remis au goût du jour avec des encadrements de fenêtres métalliques. Pas un établissement classique au sens du terme mais presqu’une échoppe… Une petite terrasse sur la rue, puis vous entrerez dans un lieu que je pourrais qualifier de « cuisine-atelier-bar-appartement »… On y verra ce que l’on veut bien voir mais pour moi le concept est absolument génial !



Cinq tables avec d’un côté la vue sur la mer et de l’autre côté celle sur la cuisine. Quatre personnes pour animer ce repas ; le chef, sa seconde, probablement une commise et une bien sympathique serveuse. Lorsque l’on entre ici, on se sent immédiatement chez soi… car ce n’est pas vraiment un restaurant comme on se l’imagine mais presqu’une table d’amis. La cheffe vient vous serrer la main, se déplace de son plan de travail vers chaque table, discute à certains moment avec des habitués ou amis, plaisantera tout au long de la soirée et se fera plaisir en partageant un verre de vin avec quelques convives.




Coiffée de son chapeau de paille coloré, nous découvrirons une personne exceptionnelle qui nous fera passer une soirée vraiment différente, un moment unique.


L’intérieur dans les tons blancs et orange avec sa cuisine inox me ferait presque penser à un de ces lieux art-déco de Miami Beach. Un plafond  avec un jeu de lumière indirect, des structures un peu « rétro » mais en même temps modernes ; des tables blanches….voila… Vous serez donc au cœur de la cuisine face à la vue sur le port…



Ici pas de carte mais un menu unique que propose Anne tout autour des produits de la mer, poissons et coquillages. Un menu qui assurément changera en fonction des arrivages, des produits de saison, mais aussi des idées du chef !

Donc nous commencerons avec une simple et légère petite friture de jols. Les jols qui me semblent être des éperlans sont de jolis petits poissons fins qui se dégustent en friture. Il est inutile de les vider : on mange tout, de la tête à la queue. La chair est fine et ils conviennent parfaitement pour accompagner un apéritif. 


Première très belle assiette compartimentée avec une déclinaison d’huitres.


Un délicieux tartare d’huitre Tarbouriech mélangées avec quelques brisures de  noisettes et une probable vinaigrette avec de l’échalote.


Une huitre pochée dans son eau de mer entourée de jambon cru. Mi- crue mi- cuite, la consistance en bouche est légèrement plus ferme et les saveurs du jambon complète parfaitement le tout. 


Et une troisième huitre de Bouzigues dans sa gelée d’eau de mer, huile de pépin de courge, julienne de carotte. Une très belle entrée en matière qui traite le coquillage de diverses manières avec justesse.


Pour suivre, une assiette que nous nous rappellerons pendant longtemps…Une salade de rougets poêlés sur feuilles de blette, anchois frit, boudin, glace à la roquette, croutons. Je ne suis pas toujours très friand de ce poisson mais ici il est magistralement cuisiné. De petite taille il est poêlé à la seconde et déposé sur cette composition de feuilles vertes blanchies ou crues comme la roquette. L’anchois frit amène une touche plus puissante en bouche, le boudin se marie à merveille avec le poisson, et cette crème glacée est absolument délicieuse apportant une discrète touche douce à l’assiette. 


On sera ravi de pouvoir observer Anne et son équipe cuisiner et dresser les plats.



Autre somptueuse et délicate assiette que le merlan fumé, jus de poisson à la truffe, ravioli au crabe et asperge, émulsion de noisette. Le poisson a dû être cuit à basse température car il est moelleux et encore légèrement translucide. Le jus est délicat et parfumé avec cette truffe qui donne un côté encore plus gourmand au plat dans lequel on appréciera ces très bonnes ravioles à la pâte bien fine et farcie avec crustacé et produit de saison. Les associations fumaison, truffe, jus et pour finir noisette sont parfaites.




Plat suivant avec une dorade en croute de sel, sablé au parmesan, asperge de Roques-Haute, foie de lotte, soupe d’asperge, fond d’étrille. A nouveau le poisson est cuit à la perfection ; on appréciera la « Rolls-Royce » des asperges, celles de Sylvain Erhardt que l’on retrouve en deux déclinaisons ; crème et entière. Le fond est bien concentré réalisé avec ces crabes de roches. Une touche croustillante avec le sablé et une autre moelleuse avec ce foie qui ressemble assez à du foie-gras.





Nous avons démarré cette très belle soirée avec une bouteille de Domaine la Marfée Frissons d’Ombelles 2012. Un vin avec une très belle minéralité, avec des arômes d’agrumes type pamplemousse.


Comme nous avions envie d’une seconde bouteille, nous optâmes selon les conseils de notre serveuse pour un Domaine de Roquemale Roq Blanc, 2013. Un assemblage à part égale de Grenache, Marsanne, Roussanne, Viognier et Vermentino. Un vin aux notes d'agrumes, une attaque grasse, un bel équilibre et une finale rafraîchissante ! 


Cependant Anne vient quelques instants plus tard à notre table et suggère de substituer ce vin par une autre bouteille… Quelle lumineuse et généreuse idée que de vouloir faire découvrir d’autres produits ! Ce fut donc avec Les Grèzes Domaine Bordes, un vin encore plus ample et gras en bouche. Un Saint-Chinian novateur avec des notes de poires et d’abricots. 


Puis un unique fromage de Savoie que je ne connaissais pas, le Revard. Le moelleux du Revard est un fromage au lait de vache, à pâte molle et fondante fabriqué au pied du Revard au-dessus du lac du Bourget.


Prédessert avec un surprenant et délicieux gaspacho, fraise, framboise, tomate et poivron rouge. Cela explose en bouche !


Et comme dessert, si ma mémoire est bonne…un Blanc-manger, glace fraise, framboise et poire, sablé, fraises marinées. Dessert un peu classique.


Cette soirée se poursuit avec un verre offert de Muscat de Mireval, l’Hédoniste, domaine de la Rencontre. Une grande découverte car c’est un vin plutôt atypique dans sa catégorie. Des essences de mandarines, une réelle fraicheur en bouche sans le côté trop sucré habituel de ce type de vin. Un muscat d’une très grande finesse.



Et…l’invité surprise en fin de soirée…Monsieur Guy Savoy qui d’ailleurs se trouve souvent en ville de Sète, aussi auteur de la préface du livre « Sète/Les Halles».


Une délicieuse soirée dans un endroit unique où l’on arrive comme des convives mais d’où l’on repart comme des amis. Une cuisine du marché délicate avec de magnifiques produits élégamment préparés et dressés. Une table pleine de charme, humaine, et gourmande magnifiquement animée par la brillante cheffe qui peut-être vous donnera l’accolade en partant.. Magnifique…

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