Il est
plutôt rare que je ressorte d’un établissement avec autant de satisfaction. Certes
il y a de très belles tables étoilées ou non qui tiennent leurs promesses mais
celles qui surprennent et étonnent ne sont tout de même pas légions.
Pour choisir
une table à Barcelone, le choix dans la catégorie étoilée est plutôt large,
voire impressionnant. Certaines sont associées
a de grands hôtels, d’autres sont en fait les secondes tables de grands chefs
comme Martin Berasatagui, les frères Roca ou Carme Ruscalleda pour ne citer que
quelques exemples. Probablement de très belles tables mais ma préférence va
vers d’autres chefs de la ville comme Jordi Cruz, Jordi Vilà, Rafa Peña et surement d’autres. Il me tardait
de découvrir ce soir la cuisine de Oriol
Ivern dont j’avais entendu le plus grand bien.
Presque une
« connaissance » puisque ce dernier travailla en Suisse au Beau
Rivage de Lausanne et d’autres tables en France et évidement en Espagne. Un
chef qui est passionné par la préparation d’ingrédients naturels ou plutôt
sauvages comme les champignons, les poissons, la chasse pour ne citer que
quelques exemples.
Un chef qui
sublime la cuisine catalane mais sans utiliser des subterfuges ou techniques
proches du moléculaire comme c’est parfois le cas « dans le coin ».
Donc tout pour me plaire car cela commence a parfois friser le ridicule… C’était
donc une cuisine catalane contemporaine
et créative que je recherchais avec des ingrédients et des inspirations régionales
mais une transformation savamment étudiée.
C’est donc
non loin de l’avenue « Diagonal » et de la station de métro du même
nom que « Hisop » se trouve. Le nom catalan correspondant à une fleur que l’on trouve dans la garrigue. Une petite rue tranquille et une devanture
plutôt discrète.
Une fois à
l’intérieur on découvre une salle en longueur avec un décor plutôt moderne très
épuré. Murs blancs ou parois et plafonds boisés comme seuls matériaux.
Dans une
section de cette salle, quelques tables dans un coin aux murs noirs mais le jeu
de lumière adoucit agréablement l’atmosphère.
Nous
choisirons le menu « Gourmand » à 61 euros. Un menu vraiment exceptionnel
ou chaque plat fut un moment souvent magique avec un crescendo.
Pour commencer
nous sont apportées deux huiles d’olives aux gouts bien distincts. La première
plus fruitée, douce et la seconde plus poivrée.
Une huile d’olives grecques Koroneiki de Tarragone avec des arômes surtout
de pomme verte, kiwi et de banane. Un peu d’amertume et de piquant avec une
astringence finale qui n’interfère pas dans son profil. L’autre huile, Pradolivo
Suprem Gourmet de la Sierra Magina avec des senteurs d’artichaut, herbes et
pomme.
Des huiles
accompagnées d’un très bon pain aux noix et raisins.
La seule
assiette qui fut peut-être à mon avis la moins convaincante mais cela fût la
seule exception de ce repas sera l’asperge brulée avec du citron vert et thé.
Une demi asperge avec une très discrète senteur de grillé mais la sauce qui l’accompagne
manque de relief et les saveurs de thé et citron vert indiscernables.
L’Omelette
d’artichauts au sherry fut une entrée vraiment étonnante car il s’agit d’un
sabayon monté au sherry qui a sa saveur si particulière oxydée qui se retrouve
finalisé à table au chalumeau afin de transformer la préparation en quelque chose
de plus solide sur le dessus. A l’intérieur un subtile mélange d’artichauts et
de tomates. Brillante idée que de recréer le concept de l’omelette espagnole
mais avec un jeu de textures et des saveurs bien particulières.
Le plat
suivant fut les Chanterelles au curry thaï et coques. J’étais plutôt assez
méfiant de ce type de plat car souvent on balance un peu trop facilement des
épices thaïs un peu partout et l’on a l’impression de manger de la cuisine
fusion. Eh bien ici ce fut absolument parfait car l’équilibre des saveurs est
judicieusement étudiée afin de ne pas sombrer dans justement du fusion. Les
associations du goût de la chanterelle, de l’espuma de lait coco avec son très
léger curry probablement vert et la touche marine avec les coques est un très
grand plat.
L’assiette
suivante restera ancrée pour un sacré moment dans nos têtes car je ne me
rappelle pas avoir mangé des crevettes aussi magnifiques que celles-ci à part
Asador Etxebarri. Un met appelé Gambas de Vilanova au chocolat. Cette grosse
crevette, devenue emblème de ce port de pêche est précieuse et goûteuse. Elle est
sublimement cuite car encore un peu crue, déposée sur une réduction du jus des
têtes de crevettes et ensuite recouverte de gruau de chocolat torréfiés.
Un
magnifique Poisson du marché grillé aux tomates et huitres, qui fût un
saint-pierre encore une fois magistralement cuit à l’arrête, déposé à côté d’un
gouteux concassé de tomates fraiche sur lequel se trouve à mon plus grand
étonnement une glace à l’huitre ! Un plat toujours aussi mémorable et
vraiment innovant avec de chaud-froid et surtout cette glace marine.
En plat
principal, une remarquable Queue de bœuf aux amandes et fenouil. La viande fond
dans la bouche, le fond de sauce est d’une grande saveur en bouche mais surtout
l’association avec cette crème d’amande est fabuleuse. On a un peu l’impression
de se retrouver avec une préparation type houmous ou tahiné mais évidemment
réalisé avec des amandes. Cette crème associée à la viande est d’un équilibre
parfait.
Comme je l’écris
souvent, je ne suis que très peu souvent en émerveillement devant les desserts,
n’étant pas un bec à miel ou alors les saveurs restent peu équilibrées. Mais
ici les desserts furent d’une très grande maitrise et d’un niveau facilement
proche d’un deux macarons.
Pour
démarrer, Litchis, agrumes et herbe. Une association de très grande fraicheur
avec deux éléments glacés ; le premier un granité de Cava et le second une
glace aux litchis avec en dessous si je me rappelle-bien des mangues bien que l’intitulé
soit des agrumes.
Comme on
nous a suggéré de remplacer les fromages par un autre dessert, nous n’avons pas
hésité à prendre un extraordinaire pistache et combava. La glace parfumée avec
cette feuille de citronnier est sublime, le petit flan aux pistache d’une très
grande gourmandise.
Autre
dessert appelé Chocolat noir et prunes à l’armagnac. Pas de lassant fondant au
chocolat écœurant mais un subtil jeu de textures fortement parfumées à la fève
de cacao sur une glace au pruneau très crémeuse.
Un dessert
absolument parfait appelé Fraises, olives et poivre. Le poivre de Sichuan a été
utilisé dans une crème glacée ; la fraise se retrouve tout d’abord sous
forme de sorbet sur un cake et sur le dessus des olives noires caramélisées. A
côte des fraises en julienne dans un sirop. Un dessert qui à priori semble être
classique mais les jeux de saveurs sont bluffantes.
Et cela ne s’arrêtera pas la car les mignardises seront-elles aussi impressionnantes. Tout
d’abord de fines lamelles de carottes roulées avec une crème de caramel et
ensuite deux autres bouchées dont j’aurai malheureusement la peine de me
rappeler leur préparation. La première
des truffes à base de chocolat et ensuite des roulades à base de pommes.
Pour
accompagner ce repas, un blanc Pano Senorans Rias Baixas 2013 plutôt minéral de
Galice avec des arômes de citron, pamplemousse, pommes et herbes.
Et ensuite
un magnifique Priorat Cruor de 2010 aux arômes d’épices douces, de chocolat, et
des tanins souples.
Le service
fût exemplaire, aimable et souriant.
Voici une
des grandes tables de Barcelone qui nous a vraiment impressionnés par autant de
justesse dans les cuissons, les associations et surtout les idées qui
consistent par exemple à ajouter une touche glacée dans un plat chaud, l’ajout
d’un élément doux dans un plat de la mer, l’utilisation d’épices ou de crustacé
pour des compositions glacées. Les desserts furent absolument magnifiques, l’endroit vraiment très agréable pour ce
fabuleux repas.
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