jeudi 20 juin 2019

Mala Hierba, Barcelone


Manger à Barcelone n’est malgré tout pas une chose facile lorsque l’on veut sortir des sentiers battus, de manger autre chose que les sempiternels plats locaux ou ceux qualifiés de « fusion ». Lorsque l’on recherche de l’authenticité, du produit, de la créativité, de la gourmandise et je dirais du génie dans l’assiette, les établissements ne doivent pas dépasser la dizaine ! C’est inlassablement que nous allons et retournons dans l’une des plus belles tables de la ville qui bien entendu ne se trouve pas en plein centre touristique. Tout se mérite et ce n’est pas la demi-heure de transport publiques qui doit effrayer surtout que l’endroit à tout son charme et que surtout on y est toujours admirablement accueillis par le couple de Rous et Fabio.


A chaque visite, ils ont toujours su remarquablement nous conseiller sur le choix de la cuisine du moment, sur les vins et toujours avec énormément d’émotion. Cela reste probablement la seule table de la ville où l’on découvrira toujours avec une énorme surprise la justesse d’assiette où parfois l’on retrouve les techniques ou les saveurs de l’Italie et en même temps la cuisine locale de Catalogne. Un équilibre assez unique avec beaucoup de recherche, de passion et bien entendu de savoir-faire. On ne sort pas de chez « Malahierba » en se disant que l’on a bien mangé, mais en se demandant si peut-être on n’aurait pas rêvé ! Je ne reviendra pas sur l’histoire de ce couple, de leurs expériences diverses car vous pourrez trouver cela sur d’autres billets mais plutôt me focaliserai sur les assiettes de ce soir.



Une carte qui évolue au fil du temps, des saisons, avec bien entendu leurs classiques qui se doivent d’être au moins une fois dégustés mais aussi la carte annexe du moment qui propose une demi-douzaine de plats de saison. Ici c’est bien entendu le produit qui est au centre de chaque plat ! Des produits de la région, d’Espagne, d’Italie mais en moindre mesure. Soyons bien clairs, ce n’est pas une carte avec des plats catalans et des plats italiens, mais une savante combinaison de saveurs, une cuisine bien entendu méditerranéenne réalisés avec une incroyable justesse dans les associations de goûts et de saveurs.


Par exemple pour démarrer, en guise de mise-en-bouche, des fleurs d’acacia et sureau en tempura. On appelle cet arbre un acacia mais en réalité il s'agit du Robonier ou faux Acacia (Robina pseudoacacia) qui fleurit sur une courte période au printemps en faisant des grappes de fleurs blanches pendantes et odorantes. Normalement des beignets au parfum si délicat, à dévorer et partager tout chauds. Seulement ici on a transformé la recette originale en tempura pour plus de légèreté. Mais ma préférence va à l’autre tempura, celle de sureau qui est un arbrisseau à croissance rapide à l’aspect assez banal sauf quand il est en fleurs : à ce moment-là, il prend une apparence bien différente. De belles touffes de fleurs couleur crème et délicieusement parfumées ornent alors le buisson. Après la floraison, chaque fleur se développe en une belle baie violet foncé. Tant les fleurs de sureau que ses baies peuvent être utilisées pour la préparation de plats délicieux. Le plus connu, c’est le sirop de sureau, mais on peut également servir les touffes de fleurs frites façon tempura comme ici.


Première entrée avec une panizza frite, wasabi râpé, sardines fumées et oignons aigre-doux. Ce plat d'origine arabe est aujourd'hui une préparation commune en Ligurie et en Sicile et se prête à de nombreuses interprétations culinaires. Ici une superbe présentation pour cette sorte de pâte frite réalisée avec de la farine de pois-chiche, associée a des saveurs complémentaires avec le côté fumé et poissonneux, le côté aigre-doux de la préparation d’oignons et la finesse du wasabi qui est en fait local, juste ce qu’il faut de relevé pour ne pas écraser le tout. Le wasabi frais est plus proche d’un raifort que de la pâte verte servie un peu partout et qui souvent emporte le nez.



Sachant que Fabio m’avait ébloui avec son risotto à la réglisse, je ne pouvais que reprendre le risotto à la carte de ce jour, simplement nommé, risotto à la marinera. Bien entendu l’on pourrait s’imaginer trouver un classique riz avec des crustacés ci et là, puis un fond à base de tomate, quelque chose de bien classique. Eh bien pas du tour…Probablement un des meilleurs risottos de ma vie complètement différent de ce que l’on pourrait se l’imaginer. Bien entendu un riz Carnaroli pour avoir un riz qui ne se désagrège pas pendant la cuisson, mais surtout une incroyable construction de saveurs autour des fruits de mer. En réalité il s’agit de quatre sauces différences, associées au riz et qui sont ajoutées sur le riz. Des sauces réalisées avec les jus de crustacés comme par exemple moules, coques et même un jus de persil. J’en aurai oublié certainement un autre sans oublier les poudres d’herbes sur le dessus. Totalement jubilatoire et ô combien gourmand !


Pour suivre, un filet de courbine sauvage à la plancha, cama-sec poêlés. Poisson aussi appelé maigre, sa chair blanche, fine et savoureuse est très appréciable. Il est associé avec ce champignon appelé cama-sec de taille petite dont le chapeau mince et lisse, de 2 à 6 cm est  élastique et charnu. Sa chair blanchâtre est douce et légèrement parfumée et dégage une odeur douce et agréable. Puis un beurre blanc comme sauce d’accompagnement.




Par la suite un superbe ris de veau à la plancha, sauce à l’ail noir, anguille fumée et feuille de blette. Une très belle idée que d’associer l’ail qui est d’une saveur sucrée et acidulée avec l’anguille. Cela donne un peu l’impression d’être dans les saveurs nippones de l’unagi que l’on mange grillée et couverte d’une sauce sucrée-salée. Avec ce ris croustillant et le légume vert, on atteint un parfait équilibre.



Il est rare que je sois vraiment impressionné par un dessert car la plupart du temps, soit cela reste trop conventionnel, soit trop sucré, soit trop technique dans le sens où c’est parfaitement réalisé mais ennuyeux. Voici probablement le plus beau dessert de cette année qui dépasse toutes mes attentes grâce à une combinaison étonnante de saveurs et des équilibres de textures en bouche ; la glace au wasabi, céleri confit, granité de pommes vertes. Pas le wasabi commercial en pâte mais ici frais, ce qui ne fait que de parfumer cette crème glacée ; le céleri confit avec même quelques feuilles sur le dessus et la pomme en granité qui amène encore de la fraicheur, de l’acidité et du tonus en bouche. Le dessert idéal car léger, point trop sucré et complètement inattendu.



Le choix des vins est ici toujours fait par Rous qui connait parfaitement le répertoire Catalan en vins biodynamiques et naturel, et surtout nos goûts ! Cette fois-ci il s’agira d’un Garnatxa de Cérvoles, Vynyes Altes de Les Garrigues 2017. Un vin fait à partir de Grenache, friand et frais mais aussi avec des notes de fruits rouges mûrs trempés et un côté liqueur.


A nouveau, un repas absolument parfait avec que de nouvelles assiettes ; toutes toujours aussi séduisantes, équilibrées et inventives mais avec maitrise. Les produits sont toujours exceptionnels, les cuissons précises, le plaisir absolument unique. « Mala Hierba » est vraiment au top de ce qui se fait en cuisine à Barcelone, chaque visite reste mémorable grâce à la passion et le savoir-faire de ce fabuleux couple que sont Rous et Fabio !

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