Il y a
comme cela des moments inespérés où l’on se rend dans un établissement réputé
pour sa cuisine mais sans une énorme conviction et d’où l’on ressort
complètement émerveillé tellement l’expérience fut unique et mémorable. Voici
probablement l’une des meilleures tables indiennes du sud qu’il m’est été de
visiter, si pas simplement l’une des cinq meilleures tables indiennes en
quelques décennies, mais commençons par le début. Pune se trouvant dans le
Maharashtra, on pourra facilement choisir entre une cuisine plus connue telle
que celle du nord et ne cuisine moins fréquente qu’est celle du sud du pays. Dans
l’Inde du Sud, la cuisine est essentiellement végétarienne composée de légumes
secs, comme les lentilles, pois chiches, et autres féculents. C’est une région qui
a su conserver une culture culinaire typique avec des plats considérés comme
étant très épicés, et seul le riz cuisiné à la vapeur ou le yaourt, le lait et
la noix de coco dans leurs différentes préparations permettent d’en tempérer le
feu. Ça c’est que l’on peut s’imaginer lorsque l’on schématise une cuisine
d’une partie du continent mais en réalité, chaque état a ses spécialités et
c’est la première fois que j’ai trouvé une table qui propose une incroyable
sélection de mets de chacun de ces régions avec autant de différences.
« Savya
Rasa » n’est pas une table que l’on découvre par hasard car il faut
s’engager dans l’une de ces ruelles de Koregaon Park et trouver l’enseigne qui
vous emmènera dans un passage et qui vous conduira à la porte de cet établissement.
Quelques marches et une impression de se trouver devant une maison
particulière.
A l’entrée
un accueil plutôt habituel et une impression de se trouver dans un lieu hors du
commun avec des objets d’art et des antiquités. Fresques murales, tissus
exposés, meubles anciens et lumières choisies.
Tout est
structuré et arrangé avec beaucoup de goût, dans l’air un parfum délicat, des
essences naturelles embaument l’atmosphère.
Quelques
marches plus haut, une série de petites salles à manger dont certaines
privatisées comme celle dans laquelle nous irons.
Une pièce
plutôt assez épurée mais qui est embellie avec une paroi illuminés contenant
une série d’objets de cuivre ou autre métaux utilisés en cuisine, pour se restaurer
ou ustensiles de conservation d’ingrédients.
D’autres
pièces sont décorées toujours avec cet esprit épuré avec soit des gravures
indiennes soit des tissus exposés comme des œuvres.
La carte du
« Savya Rasa » est probablement l’une des plus belles qu’il m’a été
donner de voir. L’équipe en cuisine a longtemps voyagé en Inde du sud dans le
but de rechercher des mets peu fréquents, d’apprendre les techniques de cuisson
des cuisines locales, des familles des diverses régions ou de simples ménagères.
Il a fallu trois années de recherche pour construire une carte comme celle-ci
dont la lecture est tout bonnement époustouflante. Un repas qui a première vue
semblerait être un réel voyage. Une carte structurée en régions avec à chaque
fois entrées et plats principaux. Une première lecture et au vu de la richesse
des recettes et face à des énoncés plutôt inconnus, nous demanderons au serveur
de nous concocter un menu pour une demi-douzaine de personne. Un service
d’ailleurs exemplaire de bout en bout où même l’on nous demandera si des
personnes ont des allergies ou non, quels sont les ingrédients non appréciés
comme dans une table gastronomique.
Le choix
concocté par notre serveur démarre avec une soupe qui pourrait être considérée
comme une manière de se mettre en bouche appelée « rasam », évidement
originaire du sud de l’Inde, préparée avec du coulis de tamarin ou de tomate,
du poivre et d'autres épices comme de graines de moutarde et du cumin. C’est
plutôt relevé, délicieux et éveille tous les sens.
Pour
accompagner, quelques snacks frits au dernier moment à base de farine de pois
chiche.
Nous
démarrerons par un plat de Nellore une ville d’Andhra Pradesh, le « Royyala
Iguru », des crevettes marinées et poêlées dans une pâte de piment rouge,
gingembre, ail, feuilles de curry, oignons et jus de citron vert. L’oignon est
caramélisé, la crevette moelleuse et le garam masalam subtil. Ce plat de
crevettes servi sur une feuille de bananier comme l’ensemble des autres plats
est absolument unique.
Un plat de
Chettinad une région du district de Sivaganga, au Sud de l'État
du Tamil Nadu, un « Uppu Kari », des cubes d’agneau frits avec
du piment rouge, des noix de cajou, des feuilles de curry et des échalotes. La
particularité de ce plat este que l’on n’utilise pas de masala afin de pas
déguiser la saveur exquise de l’agneau.
Toujurs de
la même région, le Chettinad, un « Chutney Paniyaram », il s’agit
souvent de restes de Idli, un mélange de riz et lentilles qui auront mariné une
nuit entière, réduit en poudre au mortier puis confectionné sous forme de pâte,
assaisonné avec du gingembre, des piments verts, de la noix de coco fraichement
râpée, du poivre moulu, farci avec trois sortes de chutney et ensuite
rapidement frit dans une poêle de fonte adaptée. Cela se présente comme des
sortes de boules frittes que l’on trempera dans un chutney de noix de coco
fraiche. A nouveau magnifique.
Du
Kongunadu une région composée de plusieurs districts qui souhaiterait devenir
un nouvel état indien, le « Pallipalayam Kozhi », des morceaux de
poulet poêlés parfumés avec un masala fraichement confectionné, du curcuma et
finalisé avec de fins morceaux de noix de coco. Un met des rives de la rivière
Kaveri absolument délicat.
De Nasrani
une ancienne communauté chrétienne du Kerala, un « Mini Meen Pollichathu »,
de petits filets de poisson marinés dans un masala acidulé à base de tomates,
piments rouges, oignons et tamarin, enroulés dans des feuilles de bananier et
ensuite grillé au tawa, poêle indienne. Dans la feuille le poisson est enrobé d’une
excellente sauce bien acidulée qui contraste parfaitement avec les plats
précédents.
Egalement
de Kongunadu, le « Bun Parota », un pain comme un duvet, réalisé avec
de la farine de blé, des œufs, du beurre et cuit sur une grille. Absolument divin
et complètement inattendu en texture en bouche, ne ressemble à aucun autre pain
indien, que l’on débitera en morceau et trempera dans les sauces des plats
suivants.
Autre pain
de Mangalore ville de l'État du Karnataka, le « Neer Dosa », qui est une
délicieuse crêpe réalisée avec de la farine de riz et huile de coco, une délicatesse
de la région de Tulu.
De Nasrani
toujours, un « Meen Manga Curry », poisson avec de la mangue
crue dans une sauce au lait de coco, un plat du port de Beypore. La sauce est d’une
grande finesse, les saveurs enivrantes, un curry unique dans son genre.
Encore de
Nasrani, sans aucune hésitation le meilleur plat indien au lait de coco que j’ai
dû manger dans ma vie car le lait est frais et non de boite. Le « Erachi
Stew », de l’agneau cuit dans ce lait de coco, délicatement parfumé au
poivre noir et épices. Tout bonnement jubilatoire.
De
Konganadu, un « Yeral Vazhaipoo Kuzhambu », une rare association de
crevettes, de fleurs de plantain, cuit dans une sauce au lait de coco à base
d’épices ramassées à la main. C’est encore divin.
De Malabar,
un « Nei Choru » un riz au grain plutôt rond cuit lentement sur la
braise, parfumé à la cardamome, feuilles de betel et beurre clarifié, qui s’harmonisera
parfaitement avec ces plats en sauce car la saveur est plus neutre que celle d’un
riz basmatti.
Et pour
terminer, de Nellore d’Andhra Pradesh, le « Guntur Pandu Mirapakaya Kodi »,
un met populaire qui est un poulet Guntur aux piments mariné quatre heures avec
un masala épicé rouge réalisé avec du piment, gingembre et ail. Plat chois
expréssement pour son côté très pimenté mais tout à fait acceptable pour ceux
qui apprécient le piment. Un plat que l’on qualifie de « sec » car
sans réelle sauce mais vraiment parfait.
Un repas
absolument unique et que toute la table considérera comme l’un des meilleurs
repas que les convives auront eu. Une cuisine divine dans un cadre presque ayurvédique,
une ambiance absolument propice pour un tel repas visuellement parfait, des
saveurs d’une précision inégalée dans ce type de cuisine, un moment
inoubliable.
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