dimanche 13 mai 2012

Auberge les Morainières, Jongieux


Il est toujours très agréable de découvrir une superbe table quand l’on s’y attend le moins. Souvent les attentes sont très élevées et la chute est souvent fréquente. Heureusement que parfois quelque chose d’inattendu se passe, presque un miracle. C’est après quelques dizaines de kilomètres au nord de Lyon en direction de Chambéry que j’ai découvert une magnifique région qui m’était jusqu'à présent inconnue. De belles vallées, des points vue très beau, surtout lorsque l’on arrive dans une région viticole qui m’était un peu inconnue, celle de la Savoie.

Après quelques kilomètres dans les vignes et quelques virages un peu étroits après le centre de Jongieux, vous voila en face d’une maison sur la gauche qui ressemblerait presque plus à une chapelle qu’une ferme auberge.


En réalité, ce n’est que le coté apparent car en dessous un peu dissimulé se trouve le restaurant prolongé avec une véranda. Quelques dizaines de mètres du parking et vous voila sur la terrasse de l’établissement. La vue est tout bonnement superbe ; la vallée, le vignoble à perte de vue, le soleil qui ne va pas tarder à se coucher. Ce soir il fait évidement trop frais pour dîner dehors mais l’endroit doit être jubilatoire une soirée d’été. Néanmoins nous prenons une flûte de pétillant de Savoie sur la terrasse du premier et profitons des quelques rayons de soleil.



Je ne me rappelle pas comment mon choix s’est fait sur une table qui à l’air un peu perdue, peut-être une rapide lecture sur un blog culinaire, mais dans tous les cas j’en suis encore tout admiratif alors que je suis en train d’écrire cette évaluation. Le chef Michael Arnoult après quelques enseignes en Bretagne a travaillé notamment au Flocon de Sel à Megève, ce qui n’est pas une mince référence. C’est dans ce cellier de pierre rénové qu’il a démarré sa nouvelle vie culinaire et rapidement est devenu une belle référence de la région, gagnant une étoile au Michelin, lui faisant plus peur qu’autre chose.. Au départ il était seul en cuisine avec son épouse Ingrid en salle. Aujourd’hui l’équipe de cuisine a probablement du se renforcer et le service en salle est rondement mené par trois personnes.

C’est dans une agréable salle-à-manger aux murs de pierres apparentes que vous dînerez. Comme je les préalablement écris, il semble possible de dîner dehors sur une terrasse vue plongeante sur la vallée du Rhône et le vignoble de Marestel.





Trois menus sont proposés sur la carte, dont un « découverte » mais c’est le menu « Les Moraines » que nous avons retenus à 65 Euros. A la lecture de ce menu je dois avouer que celui-ci me plaît mais les intitulés ne sont pas trop flatteurs et l’on pense arriver dans un établissement à la cuisine oscillant entre le bourgeois et le tape-à-l’œil. Quelle grossière erreur ! Il faut bien dire que nombre de tables pensent tout à d’abord aux intitulés des plats au lieu du contenu des assiettes….

Déjà avec un second apéritif pris à table, quelque chose est en train de se passer…On nous apporte un ensemble de petits amuse-bouches, les uns plus délicieux que les autres. Un cornet réalisé avec un bricelet sucré-salé dans lequel l’on trouve du fromage de chèvre, une purée de petits pois verts et quelques copeaux de jambon. C’est équilibré, téméraire cette alliance sel-sucre, vraiment une réussite.


Autre innovation, ces petites bouchées présentées comme soit des brochettes soit des sucettes. Un excellent foie gras où l’on sent encore les morceaux de lobes, une texture et cuisson parfaite, recouvert d’une fine lamelle de champignon.
 


Et quelques rouleaux de lamelles d'asperges avec un peu de cerfeuil et quelques gouttes de vinaigrette. Je suis déjà séduit par la maîtrise de la présentation.

Et pour compléter, quelques graissins-pain, sortant du four accompagné de beurre salé. Il faut relever que pendant tout ce repas le pain a été présenté sous une forme de boules étirées sur les cotés et sortis tout droit du four. Un pain délicieux comme il devient rare de trouver.


Premier réel amuse-bouche, une petite tartelette aux champignons et marrons dans un bouillon beurré. Une délicieuse pâte brisée farcie d’un mélange de bolets et de marron, dans un espuma très parfumé. En fait un bouillon monté avec du beurre et qui devient mousseux à la longue. C’est extrêmement gourmand et présage une suite hors du commun. Nous nous regardons tous autour de la table avec l’œil réjouis.


Vient la première entrée, le homard bleu, les pinces en salade, la queue en tempura et jus de têtes. A priori on s’attend a un plat plutôt classique et des saveurs conventionnelles, mais que nenni ! Imaginez-vous une assiette avec une crème mousseuse préparée avec les parties non utilisées du homard, puissante en goût sans être écœurante, sur laquelle se trouve un tartare réalisé avec les pinces mais froid, et pour finir en décoration un beignet orangé réalisé avec la queue. Trois textures, avec une alternance des températures. C’est beau, cela fonctionne, c’est vraiment très bon.


Seconde entrée, un poisson. Un St Pierre doré, fenouil, confit et sabayon orange et sarriette. Cela doit probablement être la première fois ou l’une des rares fois où j’ai l’impression de déguster une association sucre-sel qui arrive à une telle perfection. Le sabayon qui pourrait presque être considéré comme un dessert, se marie avec élégance avec le poisson snacké. Sur le dessus, une branche de céleri comme un fruit confit. Le tout est accompagné de quelques coques avec un sabayon au goût poissonneux. Audacieux et fantastique !



Avec ces deux plats nous avons pris un vin vraiment exceptionnel du lieu. La Roussette de Savoie Marestel Altesse Dupasquier. A priori j’aurais imaginé un vin de Savoie comme celui-ci plutôt semblable à un Chignin-Bergeron ou autre appellation mais définitivement pas ressemblant. Réalisé à partir du cépage Altesse, le Marestel est un vin minéral, une pointe de bergamote, une couleur jaune soutenue, un coté presque mielleux et vraiment gras. Un vin finalement pas éloigné d’un grand riesling et qui en plus est un vin de garde ! Magnifique.


Comme plat principal, un agneau fermier d’Aveyron, le carré et la selle rôtis aux herbes, légère purée de pommes de terre. Le dressage de l’assiette de couleur noire est tout bonnement somptueux, associant admirablement les couleurs, les textures et les saveurs. Une rouelle moelleuse au léger parfum d’estragon, Une côtelette reconstruite tout aussi savoureuse sur laquelle était déposé une pomme de terres entière frite mais creuse. En réalité s’il ne s’agissait que de la peau ! Une incroyable technique ! Quelques légumes poêlés, de l’ail des ours en fleur et un fond de sauce à se damner…Léger et suave. Pour compléter, une sucette reconstituée à partir des bas morceaux d’agneau et entourée de petites herbes ; une verrine de mousseline extrêmement onctueuse de pommes de terre. Un très grand plat !


Un autre convive pris le pigeon : la poitrine rôtie, cuisse fondante, gnocchi de pomme de terres, sarriettes et champignon. Également une magnifique assiette accompagnée de sa sauce mais servie sur le coté.


Pour suivre soit un très beau plateau de fromage affinés et à point.

Et arrive le pré-dessert ; une sucette de glace à la coco et fruits de la passion, chocolat blanc. Belle mise-en bouche pour ce qui allait suivre… Je dois avouer que je ne suis pas très dessert mais ce qui arriva sur table était quelque chose d’absolument féerique ! Les types de dessert que l’on pourrait s’imaginer provenir de chez Willy Wonka ! Il faut vraiment les voire pour y croire…



Mon dessert s’appelait ; La fraise ; premières gariguettes rafraîchis, crémeuse, vanille et céleri vivace. Imaginez-vous presque une boule de Noël, brillante, simplement déposée sur une légère gelée rosée. Cette boule à priori n’expose rien du dessert et l’on demande si c’est à manger ou non… En réalité il s’agit d’une sphère de sucre caramélisé rose que l’on casse et dans laquelle se trouve un mélange de fraises, de crème fouettée, de biscuit imbibé de sirop et le tout relevé avec un léger goût de céleri. Visuellement c’est magique, ludique, et féerique... Un petit coté barpapa, et enfantin…On goûte, cela croque, c’est parfumé, assez sucré, c’est d’une très grande gourmandise.



Autre dessert dans le même esprit ; la pomme du Tremblay : Rôtie, caramel, mascarpone et glace carambar. Même concept, à nouveau une boule de noël que l’on ouvre….Je reste figé devant une telle ingéniosité ! Troisième dessert ; le praliné : Boule d’ivoire, noisettes, amande, miel et citron. Encore un dressage absolument incroyable et selon le convive, quelque chose de très bon.


Pour achever ce repas, une série de sucettes aux formes incroyables, à base de sucre caramélisé au goût de banane, des macarons, des palettes de chocolat, et des guimauves. Tout est définitivement ingénieux !





A environ un peux plus d’une heure de toute de Genève, voici une des plus belles tables qu’il m’ait été donné de faire récemment. C’est inventif, les produits sont magnifiques, les dressages dignes de tables en vogue, les saveurs audacieuses, je sens que je vais en faire mon quartier général ! Vous en sortirez probablement comblés!

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