Voici
probablement l’une de mes plus belles découvertes de 2017. Lorsque l’on sort
souvent au restaurant à Barcelone comme c’est mon cas, on s’aperçoit au fil des
mois que les nouveaux établissements qui proposent souvent une cuisine nouvelle
ou ce que certains appellent (encore...) bistronomique ou moderne, servent
souvent un peu trop la même chose. Utilisation souvent abusive d’ingrédients
asiatiques qui dénaturent les assiettes, références latino-américaines avec d’incontournables
variations autour du ceviche et autres plats « à la mode ». C’est
vraiment une aubaine que ce nouvel établissement sorte de ces schémas en
proposant quelque chose de vraiment très différent et de surcroit avec des
produits peu souvent servis en ville. Et ce n’est finalement que normal, dans
un certain sens car le chef Victor Garcia de cet établissement « Plata
Bistro » a aussi fait ses écoles ailleurs comme avoir travaillé par
exemple à Lausanne au « Palace », au « Chat Noir » et même
chez Arzak dans le pays basque.
Mais avant
d’aller plus loin dans ces détails, commençons par décrire le lieu. Ouvert depuis
quelques mois, le « Plata Bistro » se trouve situé non loin de la
place d’Espagne, dans la calle Sepulveda. Endroit presque devenu stratégique dans le
renouveau de la cuisine à Barcelone puisque nous ne sommes pas loin de l’ensemble
des établissements de Albert Adria et de Sant Antoni, autre quartier également
en pleine transformation gastronomique.
Deux frères,
Victor et Mario Garcia sont à l’origine de cet établissement. Le premier en cuisine,
le second en salle. Un fantastique concept
que ce bistrot qui change sa carte quotidiennement en fonction du marché et qui
d’ailleurs n’a pas de carte imprimée mais une projection vidéo des plats du
jour sur un mur de la cuisine ! Des intitulés absolument séduisants car
vous y trouverez beaucoup de plats que l’on ne trouve que rarement ailleurs.
Certains pourront en tout cas ce soir penser que certaines assiettes sont
légèrement d’inspiration française mais vous y trouverez aussi des plats dirons-nous
plus locaux. A noter que vous ne risquerez probablement pas de trouver les mêmes
assiettes d’une fois à l’autre car ici on ne se laisse pas endormir…
Il faut aussi
réaliser que ces deux frères ne sont pas à leur première tentative car le « Plata
Bistro » en première version se trouvait tout d’abord à Teruel en Aragon,
ce qui explique également pourquoi l’on trouvera d’autres assiettes et surtout
d’autres produits comme par exemple de la truffe, originaire de cette région.
Des plats aussi inspirés de leur grand-mère Lola, qui reste toujours une
influence majeure des plats concoctés par le chef Victor.
Un espace
pour une trentaine de personnes, environ une dizaine de tables et le bar à l’entrée.
Une décoration simple, moderne, des murs blancs, des bocaux sur une étagère en
hauteur, un parquet au sol et des tables en bois. Une affiche stylisée du
groupe Oasis, une lithographie de « Shadows and Knives » de Andy
Warhol et un graffiti de calamar géant sur un côté.
Et comme
précédemment dit, le menu du jour projeté sur l’un des murs, adapté aux
trouvailles de Victor. Une vingtaine de suggestions entre entrées, plats
principaux et desserts. Pas d’associations exotiques mais une impressionnante
sélection de plats aux intitulés plus gourmands que de coutume.
Victor dans
sa minuscule cuisine, Mario en salle qui vous conseillera de manière pointue
sur ce que sont les plats et à quoi vous pourrez vous attendre. Ce soir, je serai
ravi de trouver un certain nombre de volailles que je n’aurai jamais vues sur
aucunes autres cartes ; volailles qui proviennent de France selon les dires
de Mario.
Un petit
ravier avec de délicieuses olives qui elles aussi m’ont semblé être différentes
la plupart du temps dans les autres établissements.
Première
assiette que l’on se partagera d’ailleurs comme toutes les autres, de la perdrix
en escabèche. Une recette originaire de la Mancha comme Don Quijote, il s’agit
d’une marinade à base d’huile et de vinaigre utilisée en Espagne, en Provence,
au Portugal, en Amérique centrale et latine et même aux Philippines. Le mot
escabèche proviendrait du catalan « escabetx », emprunté au persan « sikbâg »,
« ragoût au vinaigre » en fait un ragoût de viande, vinaigre et autres
ingrédients qui en permettaient la conservation. Je n’en connaitrai pas la
précise recette ici mais toujours est-il qu’elle était vraiment délicieuse,
servie sur un lit de salade, découpée en petits morceaux, quelques lamelles de
radis et de la probable oxalis.
Autre
magnifique assiette avec les artichauts avec de la cansalada, sorte de lard ou
de bacon catalan qui provient de la région du ventre ou du cou, souvent préparé
et coupé en lanières qui sont ensuite conservés dans l'eau salée. Ici
assez proche d’un lard de Colonnata, fondant sur ces artichauts rapidement
poêlés, une petite sauce dans le bas de l’assiette.
Et là un
plat sans aucune hésitation du niveau d’une table étoilée. Le pigeon aux
trompettes de la mort. Tout d’abord la chaire est d’une incroyable tendreté, la
cuisson est d’une précision inespérée et ce qui va également faire la très
grande différence avec beaucoup d’autres établissements Barcelonais, c’est la
maitrise du fond de sauce. Certes un fond de sauce nécessite l’utilisation de
carcasses et légume, d’épices et surtout du savoir faire du chef. Celui-ci est
d’une étonnante délicatesse, des saveurs pleines de finesses, le tout accompagné
de cette intelligente poêlée de trompettes qui s’harmonisera magnifiquement
avec le pigeon.
Mais cela
ne sera pas la seule surprise car l’assiette suivante n’est pas en reste, avec
la poularde, blettes et truffes. Volaille prestigieuse qui a une chaire tendre
et fine, qui n’a pas encore pondu et qui a été mise à l’engrais ; une
jeune poule engraissée de manière intensive. Recomposée comme une chartreuse,
déposée sur un lit de blette en sauce crémeuse et entourée d’un autre fabuleux fond
de sauce qui sera différent du précédent.
Mario arrivera
et terminera le plat en recouvrant de fines lamelles de truffes d’Aragon. Un
plat absolument divin, qui avec justesse associera le côté crémeux, le côté
puissant du fond de sauce et de la truffe.
S’il y a un
effort à faire, cela sera pour les desserts un peu simpliste pour un tel
endroit, notre choix se fera avec une classique Torrija caramélisée, réalisée
avec une excellente brioche.
Un étonnant
vin recommandé par Mario, le Vino Hop hop hop de la de la bodega del Somontano
El Grillo y La Luna à Huesca, avec sa couleur cerise, des arômes intenses de
fruits rouges, des notes balsamic, des tannins de velour.
Une soirée
vraiment mémorable et très gourmande, une cuisine absolument délicate et
réalisée avec une parfaite maitrise, des produits d’exceptions, des recettes
certes dans le registre classique mais qui ravira tout ceux qui adorent ces
plats pleins de saveurs et qui veulent beaucoup d’émotion à chaque bouchée.
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