dimanche 29 décembre 2024

Mina, Barcelone

 

Une des plus belles surprises de cette année, cette table appelée Mina dans l’Eixample. En me demandant à quoi correspond le nom de l’établissement, j’apprends qu’il s’agit un peu de l’Édith Piaf italienne, une voix inimitable, plus de 150 millions de disques vendus dans le monde, une inspiration en or pour Madonna ou Lady Gaga, un statut d’icône absolue… et qui de plus est entre autres l’interprète de « Parole, parole » que lui composa Gianni Ferrio en 1972, un tube repris en 1973 par Dalida et Alain Delon.


Une adresse dans les mains d’un trio ou plutôt trois partenaires ; Oliviero, Riccardo ou Ricky, et Jacopo, avec comme objectif d’amener à Barcelone un morceau de leur Italie natale, principalement celle du nord. Mais pas qu’un restaurant Italien de plus comme on pourrait se l’imaginer avec les incontournables pizzas et pâtes, mais plutôt un concept nouveau. Associer à un décor soigné, une expérience aussi bien gustative qu’atmosphérique, avec une ambiance différente, plus moderne que c’est souvent le cas dans d’autres établissements italiens.


Ce lieu n’est pas seulement un hommage aux racines des propriétaires, mais aussi une fusion qui reflète les villes qui ont marqué leur trajectoire gastronomique, comme Paris et Londres, et c’est une approche bien pensée que l’on trouvera ici.


Le design intérieur surprend immédiatement avec ce côté très contemporain mais aussi peut-être le concept semblable tout de même à une taverne, puis que l’on descend quelques marches avant d’arriver dans une salle en longueur. Un espace charmant aux murs vieillis, au comptoir en acier inoxydable et à une abondance de bougies et de bouteilles de vin.



Le restaurant n’est pas si grand, mais il est composé de plusieurs recoins intimes comme par exemple cette agréable table non loin de la porte d’entrée mais en contrebas, quelques tabourets dans la première section si vous préférez le côté informel et un repas plus type lunch, ou encore le bar qui est parfait pour ceux qui veulent voir l’action de près, mais il y a aussi des sièges à l’arrière où vous pouvez jeter un coup d’œil dans la cuisine.


En cuisine, c’est le chef Federico Tiseyra d’origine argentine, qui débuta à Buenos Aires à l'âge de 20 ans. Après avoir travaillé dans plusieurs restaurants, il a commencé sa carrière internationale en travaillant au Brésil chez le fameux DOM, restaurant Michelin 2*. Ensuite un travail dans les Caraïbes (Grand Cayman), aux États-Unis et en Chine, pour aller en Europe en Italie (Magorabin et Contraste) et en Suède chez Ekstedt, finalement en Espagne. A son cursus, on trouvera aussi El Celler de Can Roca. Si j’ai bien compris, ce chef a passé beaucoup de temps dans étoilés Michelin mais aussi possède sa propre société de conseil appelée Carta Blanca. Cela explique bien entendu la formidable expérience culinaire de cette soirée.


En salle, Riccardo, gère la carte des vins et a précédemment travaillé à la Mecque du vin Monvinic, se fera un plaisir de vous aider à trouver l’accord parfait pour votre repas et vos préférences gustatives, parle aussi le français.


La cuisine est inventive, fraiche, lorgne bien entendu sur l’Italie mais d’une manière passionnante, sans tomber dans de clichés et vous serez surement impressionnés par certains plats qui resteront pour moi mémorables. Dans toutes les assiettes, il y a des détails qui ne trompent pas sur le travail accompli, les dressages, l’ingéniosité des associations.



Certains plats sont dirons-nous plus conventionnels ou rassurant mais il faut trouver les assiettes qui détonnent dans la carte. Par exemple ce Tonnato de langue et poivrons rôti. Normalement on parle de vitello tonnato ou veau au thon, mais le veau…cela n’existe pas vraiment en Catalogne et ce plat est souvent servi avec une sorte de roastbeef…Donc chapeau de proposer de la langue probablement de bœuf qui n’a pas réellement de saveur puissante avec une sauce absolument parfaite car pas trop écœurante ou épaisse, sur laquelle on trouvera des petites pointes d’une autre sauce un peu plus douce et parfumée à base de poivron rouge. Et ensuite les capres de rigueur et quelques pousses. Meilleur tonnato de la ville à ce jour !


Grandement impressionné par la seconde assiette avec des Saint Jacques, courge et bouillon terre et mer. Saint Jacques juste snackées à la presque minute, une purée de courge en base, des boules de courge marinées dans du jus de mandarine et ensuite au dernier instant, on verse un superbe bouillon de poisson associé a de la citronnelle. Ce plat est parfait.


Souvent on ne trouve pas de plats de légumes dans les restaurants, pas toujours dans l’agenda des consommateurs locaux et c’est bien dommage car ces poireaux confits, pistache, scamorza fumée, roquette, reste une des meilleures recettes de ce légume que j’aie mangé récemment. Les poireaux sont effectivement confits, on trouvera sur le dessus deux sauces ; la première est un pesto de roquette, la seconde réalisée avec du poireau brulé. Sur le dessus un peu de pistache broyée. Comme on l’observe, des clins d’œil méditerranéens mais pas une cuisine stéréotypée !


Encore une autre « claque » avec ce ris de veau aux radis et hibiscus. Produits (heureusement) souvent proposé en ville mais traité ici de manière quasi révolutionnaire ! Moelleux, grillé à l’extérieur, il a un peu de yaourt en dessous et le fond de sauce est un demi-glacé monté avec du jus d’hibiscus. Les grandes fleurs rouges de l’hibiscus sont appelées « calice ». Il existe de nombreuses façons de les utiliser en cuisine pour agrémenter les recettes. Leur couleur rose flamboyante et leur goût fruité et acidulé donnent du relief aux préparations. L’hibiscus Sabdariffa est aussi connu sous le nom d’oseille de Guinée. Elle est aujourd’hui cultivée aujourd’hui dans plus de 50 pays, notamment au Mexique, en Afrique du Sud ou encore à Madagascar. On trouvera dans l’assiette en accompagnement, le calice réhydraté. Quelques lamelles de radis japonais sur le dessus. Ce plat est exceptionnel ! Mais cela ne s’arrête pas là…


Probablement les meilleures pâtes en ville…et de loin. Des raviolis aux champignons et café. Texture de pâte et cuisson parfaite, farce aux champignons gouteuse, quelques chanterelles sur le dessus, puis une mousse très légère au parmesane et du café versé de manière subtile à l’intérieur de chaque pâte…A en manger jusque « saturation » tellement c’est gourmand…


On peut rester un peu sur une frustration sur les deux desserts, dont l’un s’appelle Automne, qui est une association de diverses choses dans lesquelles l’on se perd et où il manque singulièrement d’acidité, d’agrumes en l’occurrence. Jeux de texture, du visuel, mais cela demande un peu plus de tonus.


Ici le choix des vins est contemporain, donc des vins naturels. Sur les recommandations de Riccardo, cela sera un A Torna Dos Pasas Ribeiro 2022 Luis Anxo Rodriguez Vazquez, un vin frais, délicat et suggestif. Très complexe en bouche. Il est apprécié pour son équilibre entre les fruits rouges frais, balsamique et son fond minéral.


Une soirée sur un fond musical choisi avec plutôt une musique des années 80-90, qui apporte un côté décontracté à l’atmosphère et tranche avec le côté gastronomique d’un restaurant qui parfois est un peu solennel.

Une cuisine vraiment nouvelle, légère, créative avec des inspirations méditerranées et d’une grande précision. Ne pensez surtout pas venir dans un établissement Italien…en tout cas pas réellement dans les assiettes ou alors des clins d’œil…Chapeau !

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