Effarant le
nombre de tables qui ont disparues en 2018 comme par exemple le « Big
Kokka » situé sur le passage Mercantil et qui vient d’être remplacé par ce
nouvel établissement nommé « Zero Patatero ». Même groupe de
restauration, le « Grupo San Telmo » mais concept totalement
différent qui n’a rien avoir avec le précédent établissement. Le phénomène du « Slow
Food » et l’associé logo « KM 0 » devient de plus en plus à la
mode, ce qui n’est pas pour déplaire, le local a complètement été transformé et
maintenant propose donc une restauration sur ces deux concepts. « Zero
Patatero », une expression un peu familière qui signifierait quelque
chose comme « rien du tout ou zéro » pour symboliser le fait que tout
ce que vous trouverez ici est naturel et sans adjonction de quelque produit
chimique ou autre.
Donc à la
même adresse, une terrasse, de grande baie vitrées qui donnent sur le Centre
Culturel du Born, rien ne semble avoir changé depuis l’extérieur mais cela ne
sera vraiment pas le cas !
L’intérieur
a complètement été réaménagé même si l’on a conservé bien entendu les
structures précédentes et la disposition du bar, de la cuisine et de la salle à
manger. Si auparavant il y avait un petit coté un peu baroque et « boudoir »,
le style actuel est bien plus contemporain.
Style qui
lorgne plus vers le genre « loft Brooklyn » avec principalement des graffitis
assez design sur les murs, des slogans, des tags et surtout une série de tables
plus rustiques justement comme l’on trouverait dans un atelier d’artistes. Une
ambiance peut-être moins précieuse que par le passé et plus dans le style que
la clientèle recherche en ce moment à Barcelone. Ce côté un peu naturel et « shabby
chic ». Pas de sofas mais une série
de tables en bois avec une très belle vaisselle lorgnant vers le côté poterie
artisanale.
Dans certaines
sections, des étagères avec vaisselle ancienne, bocaux, conserves, des antiquités
ou plutôt de la brocante et d’anciennes gravures. On a essayé avec beaucoup de
goût de rendre le lieu plus proche du côté familial, rural et en même temps urbain
malgré tout.
On
appréciera cette grande table de ferme qui longe la cuisine avec son comptoir
où son exposés divers bocaux de fruits et légumes étiquetés. Sur les pourtours
de l’ouverture de cette cuisine, des ardoises comme dans un bistrot avec les
plats du jour.
« Zero
Patatero » applique le concept alimentaire du « KM 0 » en
associant tous les plats à des vins naturels et biologiques. Sa
philosophie basée sur les produits locaux de petits producteurs, donne de
l'importance aux légumes de saison, sans tourner le dos à la viande biologique
et au poisson péché de manière « durable ». Même le pain est
confectionné au levain et avec une fermentation lente, l’huile d’olive
vient d’un petit propriétaire. La carte propose
une série de plats fort intéressants un peu dans le style de cuisine d’un « Hetta »
ou même un « Xavier Pellicer », une cuisine avec des produits de
saison, passablement de légumes et des associations originales. En cuisine ce soir
c’est le chef italien Luca Marongiu qui n’est pas un inconnu puisqu’il vient de
la fameuse table « Els Garofers » d’Alella.
Cela sera une
série de petits plats que l’on peut se partager qui sont à noter sagement
tarifés.
Pour commencer
un tartare de thon, topinambours et mandarine. Déjà l’intitulé est alléchant
car l’association est plutôt assez originale, peu conforme à d’autres
établissements, ce que j’apprécie. La présentation est soignée, la découpe du
poisson est idéale, l’assaisonnement particulièrement bien équilibré. Le
topinambour amène une touche croquante et noisette en bouche.
Quel beau
plat que cette « Tarte Tatin » d’oignons rôtis accompagnée d’une
crème glacée au fromage de brebis et vin de jerez. Le chaud-froid fonctionne à
merveille, on appréciera le côté caramélisé de l’oignon avec le côté frais de
cette glace au fromage et ce fond parfumé au jerez.
Autre
superbe idée que tartare dans lequel l’on retrouve de l’avocat, des
champignons. Du pamplemousse, de la pomme et de l’anguille fumée. Sur le dessus
un sorbet au citron vert et basilic. Ce n’est pas la première fois que l’on
trouve à Barcelone cette association de plat avec une glace ou sorbet sucré et
cela fonctionne à chaque fois parfaitement. Ce tartare est à nouveau très bien
réalisé, on appréciera le goût fumé de l’anguille et le couplage avec pomme et
citron vert. A nouveau le dressage est particulièrement réussi.
Un très
étonnant plat que les patates douces glacées ou lustrées. Elles sont accompagnées
de fruits secs, de piment, de châtaignes et d’oignons rôtis bien caramélisés.
Des saveurs douces bien automnales, une façon originale que de préparer ce légume.
Un plat
plus local mais très gourmand avec un parfait riz crémeux aux crevettes rouges.
Cuisson du riz parfaite, fond de sauce parfumé et un carpaccio de crevettes
crues sur le dessus qui est tellement plus agréable que des crevettes
surcuites. Une touche de ciboulette pour enjoliver le tout.
Dans le
genre plat très gourmand et jubilatoire, l’Œuf bio poché, crème de pommes de
terre et ail, champignons et fond de sauce. Des saveurs classiques mais de la
technique. C’est vraiment un plat très réconfortant.
Autre riz
mais préparé de manière plus conventionnelle. La paella à la poitrine de porc
et seiche. Le type de plat de riz préparé au four et qui est sec car nous aurons
une « soccarat ». Un beau mot pour quelque chose qui semble banal, le
riz qui devient croquant et forme une croûte au fond de la poêle. « Socarrat »,
du verbe espagnol socarrar (signifiant singe), fait partie intégrante de la
paella, la cerise sur le gâteau (même si c'est à l'envers). Pour
obtenir du socorrat à la paëlla, il faut augmenter la chaleur en fin de cuisson
et faire appel aux sens : le riz devrait sentir grillé, faire un craquement, et
il devrait être un peu dur lorsque l’on enfonce une cuillère dans le fond de la poêle.
La seiche est sur le dessus en nouille, la poitrine bien grillée en dessous.
Un autre
plat d’une belle fraicheur et harmonie, le maquereau en escabèche, rovellons,
ail et persil. Poisson découpé en tronçon et placé en arc de cercle avec une
alternance des légumes vinaigrés, des lamelles de champignons en dessous et cette
texture légère type éponge parfumée avec l’ail et le persil.
Puis une
assiette très « comfort food » avec une délicieuse côtelette de veau
bio, laitue rôtie, sauce béarnaise plutôt traitée comme un espuma.
Un plat qui
me rappelle la cuisine de Pellicer avec des gnocchis de pommes de terre bio,
chou-fleur, morue et noisettes. C’est vraiment très gourmand, à nouveau très
bien pensé au niveau des textures et de la présentation. On notera que pour
chaque assiette la vaisselle est toujours en parfaite harmonie avec la couleur
des aliments, ce qui est assez remarquable.
Les
desserts sont ici aussi très alléchants, avec cette association de meringue,
pomme, citron, crème fouettée et glace au yoghourt. La présentation est encore
particulièrement soignée, les saveurs point trop sucrée avec un bel équilibre
dans l’acidité.
Une très
gourmande crème brulée en mousse avec des fruits de saison et un sorbet. Les
saveurs de la crème Catalane reconstitué de manière très légère sur un sable recouvert
de fruits.
Plusieurs
vins pour accompagner ce repas avec tout d’abord en apéritif du blanc un peu entrée
de gamme, un Lo Cometa Garnatxa Blanca. Même un simple vin peut être agréable à
boire, de provenance de la Terra Alta, élégant et frais, avec des notes
florales et d'agrumes blancs.
Puis La Dolores
de Toni Osorio et Desiderio Herrero, vieilles vignes a 950m d’altitude, un vin
rouge de couleur cerise noire, avec des arômes remarquables, au nez des arômes
de fruits rouges variés tels que la prune et de groseille.
Puis un vin
de dessert, un Dolc Mataro Alta Alella 2013. Un vin rouge doux absolument
délicieux qui est parfait en tant qu'accord avec le chocolat. Produit
biologiquement, également connu sous le nom de Monastrell, il regorge de fruits
confiturés, de bleuets, de cerises, de figues et d'un soupçon d'écorce d'orange.
Nouvelle
table qui a parfaitement compris de quoi l’on a besoin en restauration à
Barcelone. Des produits locaux de qualité, des assiettes équilibrées sans ajout
d’éléments superflus asiatiques ou latino-américains, des associations
pertinentes et de saison, des dressages qui mettent les produits en avant avec
de l’esthétique, un cadre agréable et urbain, des prix sages. Un établissement
qui a su trouver l’équilibre et qui risque d’avoir un franc succès.
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