Quelle belle expérience et soirée que celle passée à la « Fonda España ». Situé dans un hôtel non loin de la Rambla et du quartier de El
Raval, cette table est absolument un des endroits a visiter à Barcelone. La
première particularité de cet endroit est que cela se trouve dans un hôtel
appelé tout simplement « España » qui est un chef-d’œuvre d’art nouveau que l’on appelle « modernismo »
en Espagne. Cet hôtel et son restaurant ont été décorés par un des grands
architectes du Modernisme Catalan, Lluís Domènech i Montaner qui est né à
Barcelone, le 21 décembre 1850 et décéda le 27 décembre 1923. C’est l’un des
plus importants protagonistes de ce modernisme – art nouveau et plusieurs de
ses œuvres ont été classées au Patrimoine
de l’Humanité de l’UNESCO.
Le
restaurant de l’hôtel est donc un joyau architectural mais ceci n’est qu’une
partie de l’histoire car le chef en cuisine qui de surplus possède une étoile
au Michelin est géré par Martin Berasategui, triplement étoilée de San
Sebastian. Cet hôtel est donc un chef-d’œuvre de cet art nouveau
catalan à proximité de la Rambla. Pour accéder au restaurant on passera tout
d’abord par la réception.
La salle principale rien que pour elle mérite que l’on y reste mais avec
grande chance ce que vous pourrez y manger dépassera surement toutes vos
attentes, car en cuisine German Espinosa y fera des merveilles. Haut plafond,
lustres art nouveau, miroirs, faïences murales avec des dessins des
représentations de fleurs, marbres roses, vous ne pourrez qu’être sous
l’émerveillement de ce patrimoine barcelonais.
Un plafond de toute beauté et
surement unique dans son genre. Prenez le temps d’admirer chaque détail avant
de vous concentrer sur la carte car peu d’endroits proposent autant de beauté.
Nous choisirons le menu intitulé « Voyage à travers le
modernisme » et qui est vraiment très sagement tarifé pour une telle
prestation dans un tel endroit puisqu’à 75 euros. Prix inférieur à d’autres
endroits bien moins de qualité que celui-ci. Un menu qui retravaille certains
plats classiques Catalans mais tous « validés » par Berasategui et somptueusement réalisés
par la brigade de German Espinosa qui compte en tout et pour
tout quatre personnes en cuisine.
Un repas qui racontera une histoire, des assiettes souvent très
esthétiques car reflétant l’esprit Art-Nouveau par l’utilisation de support
originaux. Un savoir-faire culinaire absolument étonnant qui rappellera
évidemment le « patron » mais qui sera magnifiquement réalisé par
German et son équipe.
Pour se plonger dans cet univers envoutant qu’est le modernisme, nous
démarrerons avec un Vermouth, fruits citronnés et œufs de saumon. Le vermouth
est un apéritif incontournable en Catalogne, versés sur des tranches de
pamplemousse rose et le côté marin sur le dessus. Le tout présenté sur un très
beau support vert pomme rappelant évidemment le modernisme. C’est d’une très
grande fraicheur, doux, acide, légèrement amer et avec une touche salée.
Autre référence catalane avec le pain à la tomate, anchois de l’escala
et basilic. Référence au « pan amb tomaquet », considéré comme la préparation la
plus typique de la Catalogne, mais ici retravaillé sous forme de petite tomate
pelée entourée d’une fine tranche de pain séchée et avec une petite anchoïade
sur le dessus. Tout le long de sa côte, de la Costa Brava aux Terres de l’Ebre, la Catalogne regorge de petits villages de pêcheurs, mais c’est à
celui de l'Escala que l’anchois s’avère être la
spécialité locale.
A nouveau un clin d’œil au modernisme mais cette fois-ci à Gaudi et le
parc Güell. Sur
un petit dragon, un « Mer et montagne » qui est donc
une association de produit de la terre et de la mer. Un excellent biscuit
croustillant dans lequel se trouve une préparation à base de langouste et pied
de porc.
Magnifique cannelloni de feuille de capucine, thon rouge et émulsion
ibérique. C’est une feuille apéritive d’un vert acide à vert bleuté, dans
laquelle se trouve un excellent tartare de thon et sur le dessus une crème au
goût de jambon ibérique. C’est original, frais et gourmand.
Très belle assiette très inspirée par Berasategui que la sardine fumée à
la Catalane. Une fantastique gelée de pomme verte et de jus d’épinard, des
tronçons de poissons fumés, des pignons grillés et des petites sphères de
fromage.
Une autre excellente assiette que celle avec l’huitre, pignons et crème
au citron vert. J’avais déjà remarqué qu’à San Sebastian, l’huitre y était
préparée de manière très originale, ce qui est aussi le cas ici. Provenant du
delta de l’Ebre, déposée sur une feuille d’huitre, quelques petits œufs au
wasabi, c’est absolument divin.
Un plat intitulé « les sirènes » en relation avec une peinture
murale de Ramon Casas dans une des salles de l’hôtel; un turbot dans une
sauce pil-pil qui est une spécialité du pays basque à base d’huile d’olive, d’ail
et un peu de piment. Ici entouré d’algues et d’un peu de fruit de la passion.
Suivi de champignons des arbres, bouillon Escudella et fleurs d’ail. Un champignon
plutôt inhabituel dans un bouillon de viande aux saveurs prononcées. L’Escudella
étant à la base une potée d’hiver de Catalogne à base de diverses viandes, pois
chiches et pomme de terre. Le tout est absolument parfaitement assaisonné et
gouteux.
Après cela un très bon petit pain à la « botifarra » saucisse
catalane à base
de gros intestin de porc farci aux épices, qui se consomme crue ou cuite. Ici en farce avec tomates et herbes.
Un très gourmand sandwich au porc ibérique, espinaler, concombre et
menthe. C’est absolument excellent avec cette sauce espinaler qui est élaborée
depuis les années 1950 par la société espinaler, à base de vinaigre, paprika et
des épices. Quelques oignons rouges aussi légèrement vinaigrés sur le dessus et
de la menthe ciselée pour un coup de fouet en bouche.
Autre très belle réalisation avec le poulet royale à la crevette. Comme
un mille-feuille réalisé avec la peau de poulet croustillante, un tartare de
crevettes assaisonné avec un bouillon réalisés avec les têtes et sur le dessus
le jus concentré de la volaille. Nous sommes vraiment dans de la très grande
précision gastronomique.
Impressionnant risotto « Cap i pota », pomme et anguille. Il s’agit
à la base de pied et tête de porc, dans un riz, un magnifique fond de sauce.
Encore une influence de Martin qui associe souvent anguille et pomme. Cela
amène une touche de fraicheur acidulée et un côté fumé. De beaux jeux de
textures, des saveurs complémentaires, c’est un très joli plat
A nouveau du pied de porc mais ici avec des navets. Normalement je n’apprécie
pas ce produit mais ici, il est parfaitement travaillé et ne ressemble en rien
à ce que l’on a eu dans les plats précédents.
Un vrai bonheur que ce pigeon, cœur de foie, salsifis et praliné de
noisette. Parfaitement cuit, accompagnée d’un cœur réalisé avec les abats du
pigeon amenant une touche un peu sauvage, un salsifis caramélisé avec des
brisures de noisette très parfumées qui amènent une touche croquante.
Les desserts seront eux aussi d’un très haut niveau avec cette meringue
au lait, framboises et liqueur de ratafia. Une sphère avec à l’intérieur une
composition liquide et en parfaite harmonie avec le coté doux de la meringue.
Et probablement un des moments les plus formidables avec un mémorable
dessert d’une très grande originalité qui pourrait figurer dans une table avec
plusieurs macarons, les asperges à la vanille, chocolat blanc, thé et yoghourt.
Un dessert d’une très grande recherche, très subtil en saveurs et textures,
point trop sucré et avec des goûts innovants.
Et pour conclure une série de sympathiques petits fours dont d’excellentes
pâtes de fruits.
Pour commencer une bouteille de Recaredo Terrers Brut Nature Gran Reserva
2010, cava à
fine bulle, qui monte tranquillement dans la coupe, une certaine minéralité du
terroir, une fraîcheur de fruit blanc mûr, enrobée de quelques très subtiles
notes fumées.
Pour suivre un vin rouge avec un Mas Ramoneda Finca de la Perdiu Costers Del Segre 2014, vin assez jeune et
simple avec une robe violacée, équilibré avec des notes épicées.
Discussion avec German après le repas pour échanger quelques idées sur
la prestation.
Puis passage en cuisine où le service touche à sa fin.
Une visite des salles art-déco de l’hôtel ouvert en 1859 nous est
proposée pour contempler les chefs d’œuvres que sont les salles annexes dont
celle des deux sirènes.
La cheminée en albâtre de Eusebi Arnau, attenante au bar
est une pure merveille.
Une soirée absolument magnifique dans un lieu enchanteur, une cuisine traitement
en harmonie avec le lieu, de qualité, cuisinée par un chef très talentueux et
de surcroît fort sympathique.
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