C’est chez le
Sévillan Rafa Zafra que notre nouvelle escapade barcelonaise démarre. Un chef
qui n’arrête pas de faire parler de lui, ancien de chez El Bulli et qui a
ouvert une table dans le quartier de la Ribera. Un personnage comme je les aime
avec son look de hipster, son côté artiste, un peu rebelle peut-être et définitivement
dans la mouvance actuelle. On n’arrive pas par hasard chez « Estimar »
car l’endroit est presqu’un peu caché dans l’une de ces petites ruelles et pas forcément
un lieu de passage. Ensuite le nombre de couverts ne doit pas dépasser une
vingtaine donc une réservation bien à l’avance s’impose.
Ce que j’ai tout
de suite beaucoup apprécié, c’est cette impression de ne pas être arrivé dans
un restaurant classique mais plutôt dans un atelier, voir une cuisine chez un
particulier. La salle en longueur avec sa presque longue table d’hôte amène un
énorme cachet à l’endroit. Le centre névralgique de cette salle est donc au
fond où se trouve cette cuisine ouverte où sont exposés les produits de la mer.
Au fond une autre
petite salle un peu contiguë, un peu comme une pièce cachée mais cela sera
vraiment la salle principale que nous préférerons.
Observer les
cuisiniers en train de préparer leurs assiettes, de dresser les préparations, d’observe
l’utilisation de ce fantastique four qui permet de cuire les aliments sur la
braise et amener une touche fumée est un vrai plaisir.
Les produits de
la pêche du jour sont à côté de nous, crevettes roses, petites lottes,
langoustines, coques, dorades, pouce-pied, pour n’en citer que quelques-uns.
« Estimar »
ne rentre vraiment dans aucune catégorie et surtout pas dans ce que certains
pourraient appeler banalement « restaurant de poissons ou de fruits de mer ».
Ici tout approche l’excellence avec beaucoup d’imagination, de créativité et
finalement aussi de la simplicité. Une cuisine basée sur
des produits de première fraicheur, des recettes parfois très surprenantes et d’un
équilibre prodigieux, mais aussi si on le souhaite des assiettes simplement
centrées sur le produit et sa parfaite cuisson.
La carte qui est
proposée ce soir est vraiment impressionnante avec un choix de plats naturels
donc de produits bruts, des salades et mets marinés, des assiettes utilisant
des ingrédients cuits à la vapeur ou bouillis, des plats cuits à la braise ou
avec de l’huile d’olive. Ici toutes les techniques de cuisson sont utilisées.
Aussi les poissons du jour qui sont vendus au poids et des accompagnements.
Vous observerez sur cette carte qu’en préambule, le chef rend hommage à
certains établissements qui ont marqué la gastronomie Catalane en se focalisant
sur l’excellence du produit. Cela explique également pourquoi vous trouverez un
ou deux plats de l’époque des frères Adria.
Le service est d’une
très grande gentillesse, l’atmosphère absolument délicieuse, le décor a quelque
chose de presqu’un peu magique, la décoration de table avec ses assiettes avec
des touches bleues véhiculent l’amour de la mer.
Tout démarre avec
quelques olives qui seront vraiment impressionnantes et taille, très charnues
et goûteuses.
Le premier plat restera
ancré un sacré bout de temps dans nos souvenirs car ce carpaccio d’écrevisses
aux oignons caramélisés, « hommage à El Bulli 1995 » sera quelque
chose de vraiment exceptionnel. Dégusté avec une sorte de petite truelle, les
tranches sont d’une extrême finesse, recouverte d’une impressionnante sauce un
peu douce à base donc d’oignons et d’huile d’olive. Les saveurs sont
envoutantes, un fabuleux plat.
On accompagnera
ce crustacé de fines lamelles de pain grillé.
Autre
impressionnante assiette avec les coques XXL bouillies, servies avec la sauce
de Albert Adrià « La Cala ». Ce qui surprend immédiatement c’est
cette sauce complètement inhabituelle à base de vinaigre et plutôt assez
pimentée. Ceci amène un vrai coup de fouet en bouche et surprendra plus d’un.
Une manière de préparer des coquillages de manière inventive et délicieuse.
Probablement une référence à l’épicerie fine de Adria qui propose des produits
à base de vinaigre de Jerez et d’épices, qui sont d’ailleurs exposés et
surement vendus dans le passage à l’autre petite salle.
Nouveau plat avec
les couteaux poêlés dans une marinade chaude. Une qualité exceptionnelle pour
le crustacé et une cuisson à la seconde. La sauce est une sorte d’escabèche qui
est une
marinade relevée à base d'huile et de vinaigre avec ail, laurier, purée de
tomate et ici de la carotte.
On peut penser que cela n’est pas encore de saison mais lorsque le
produit est remarquable, la salade de tomates natures
devient un miracle. Très joliment dressées, plusieurs sortes de tomates bien
sucrées et pelées, un filet d’huile d’olive, un peu de poivre et lamelles d’oignon.
On croirait presque voie une salade de fruit !
Délicieuse raie « diable »
style Sanluqueño et aïoli. Les morceaux ou plutôt lamelles semblent avoir
été frites. La sauce sera évidemment un accompagnement parfait.
Un hommage à
Miguel Palomo du restaurant « Alhucemas » près de Séville avec les
calamars panés style andalous avec une mayonnaise à l’encre de seiche.
Probablement un des plats « signature » ou en tout cas souvent cité
car présenté comme un « fish and chips » sur une feuille de papier
avec des petites « taches » de sauce. Les petits calamars sont
tellement tendres, pas huileux. La sauce à l’encre est fine et gourmande.
En dessert, selon
moi le meilleur « cheesecake » de ma vie et qui mérite rien que pour
lui le voyage… Accompagné d’une sauce fraise mais qui s’avère être presque
superflue tellement le goût et la texture du gâteau est sublime.
Et un excellent
riz au lait avec des zestes parfaitement exécuté avec un lait travaillé comme
un babeurre. Ici présenté dans une étonnante tête de vache.
Fin de repas et
de cuisine avec la brigade qui semble être bien affairée et qui ont l’air d’anticiper
les besoins du lendemain.
Pour commencer un
excellent et élégant Cava Raventos i Blanc Conca del Riu Anoia , de Nit, 2014.
Suivi d’un vin
galicien, l’Albarino Pazo Pondal 2015, Rias Baixas ; très souple en bouche
et idéal avec ce repas.
« Estimar »
n’est pas une table comme les autres car élève l’expérience de déguster des
produits de la mer comme dans peu d’endroits. Tout y est absolument parfait,
chaque plat fut une découverte en soit, soit par la qualité du produit soit par
la préparation. L’ambiance n’est pas non plus ordinaire car il y a beaucoup de
magie et de bonheur qui émanent de l’équipe en cuisine. Un gemme barcelonais de
plus.
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