On dira malgré
tout que l’un des bienfaits de la pandémie c’est le repositionnement de certains
chefs et tout ceux qui sont dans la restauration. Fermeture de tout ce qui tourne
autour de elBarri, donc de l’empire de Albert Adria et toute une série de
personnes qui ont dû se repositionner dans une offre gastronomique sensiblement
différente que par le passé. Non plus vraiment une cible du tourisme de masse
ou du tourisme argenté, mais un focus plus local puisque pour vivre il ne faut
pas oublier la clientèle qui finalement n’était pas si enclin à dépenser des
sommes faramineuses dans des endroits à la mode ou connus de tous les guides. La
Bodega Pasaje 1986 qui est une vraie réussite, ne s’est contenté d’ouvrir dans
un quartier déjà trop peuplé de tables qu’est l’Eixample mais ouvert dans un
quartier plutôt destiné à ce marché local et bien entendu à tous ceux qui sont
intéressés de découvrir un joyau encore un peu caché, mais pour combien de
temps encore ?
C’est donc Xavi Alba, à l’époque directeur des opérations du groupe elBarri, basé chez Tickets qui décida d’ouvrir cet établissement dans ce que l’on appelle la zone franche, non loin de la place d’Espagne, dans le bâtiment de La Campana en août 2020. Un espace non pas à la mode mais axé sur une proposition culinaire authentique un peu traditionnelle et surtout des prix abordables. Fini cette mode de cuisine « grand show » qui commençait sérieusement à tourner en rond. Il a donc monté une équipe avec un certain nombre d’ex-employés de ce groupe qui se connaissaient pour réaliser une offre de mets assez classiques mais réalisés de manière plus moderne, un peu a l’image de la Bodega Amposta que j’aime beaucoup ou encore Granja Elena, des tables d’ailleurs dans le même quartier.
Une adresse au milieu d’une galerie marchande avec une terrasse couverte à l’extérieur, ce qui n’est pas déplaisant tenant compte des contraintes sanitaires et un assez grand espace intérieur honnêtement sans grand charme particulier et plutôt très fonctionnel. Le genre de bar où tout le monde viendrait consommer debout des bières au comptoir avec quelques tables bien espacées ci et là. A l’époque cela devrai être selon les dire une taverne galicienne. Tables sans nappes, lumières rondes, ici c’est avant tout l’assiette qui attire soit les gens du quartier soit les amateurs des anciens établissements d’Adria.
Entre autres en cuisine, le chef Patrick Picarin qui a également travaillé chez Via Veneto qui propose une cuisine espagnole de qualité avec des petits tapas pour commencer, mais ensuite toute une série de petits plats très alléchants et également des grillades au four Josper.
Pour
démarrer une Esqueixada avec le salmorejo du Pasaje, une des recettes catalanes
les plus simples et les plus savoureuses. Un plat estival, servi froid et dans
lequel le protagoniste est la morue préalablement dessalée. La recette la plus basique
est celle qui ne contient que des tomates, des oignons, de la morue, des
olives noires et de l’huile d’olive extra vierge. Mais ici le plat a été
sublimé car la tomate est travaillée sous forme de salmorejo qui est l’une des
recettes les plus traditionnelles de la gastronomie cordobaise. Dans sa version
classique, Il se compose d’une épaisse crème servie froide, accompagnée d’œufs
et de jambon haché. Le succès de la
recette réside dans l’utilisation de tomates, d’ail et d’huile d’olive de
qualité. Un pain avec une bonne chapelure est un must pour un délicieux
salmorejo. Donc associer cette salade a cette crème est quelque chose de
vraiment idéal.
Pour continuer, du maquereau mariné en escabèche. Il y a bien entendu plein de manières de préparer l’escabèche. La marinade traditionnelle assez simple dont l’ingrédient principal est le vinaigre. Elle contient également de l’huile, du vin, des épices et quelques légumes pour donner encore plus de saveur. Mais ici la recette est très équilibrée, pas d’acidité flagrante et le poisson est gras, cru. Un vrai délice.
De classiques et gouteuses croquettes de jambon ibérique et une autre de crevette et lotte.
Le « Cazon en adobo », plat également typique de la région de Cadix. L'élaboration consiste en un majao (majado) d'ail, de paprika, de cumin, d'origan et éventuellement d'autres épices ou herbes aromatiques ; à quoi on ajoute du vinaigre blanc qui peut être du vinaigre de sherry et dans ce mélange on laisse généralement les morceaux de « chien de mer » pendant 4 à 8 heures et une fois cette fois on les passe à la farine ou on enduit les tranches, les faire frire dans l'huile d'olive et puis ils sont servis comme ici. Le « chien de mer » est un terme utilisé en français pour désigner, ou surnommer, plusieurs espèces distinctes de requins. Généralement ferme en bouche mais ici la texture est vraiment très tendre, presqu’inhabituelle, le serveur me dit que c’est parce que c’est du très jeune requin. Un peu de zeste de citron et une base de mayonnaise pimentée.
Ensuite des
calamars sautés aux pois mangetout et sauce à l’ancre et pomme verte. Vraiment
très tendre, la sauce est légèrement douce avec un goût fruité.
Une préparation assez originale pour ce poisson, l’aile de raie « all Cremat ». Pas comme dit l’intitulé « brulé ou au feux », mais dans une cocotte avec une sauce à base tomate et d’ail. Vraiment un plat suave et bien plus léger que l’aile au beurre.
Comme vin,
une bouteille de blanc de Terras Gauda Rias Baixas 2020, assemblage majoritaire
d’albarino avec un peu de caiño et de loureiro. Un millésime de bonne
maturation, avec un nez dominé par le parfum d’écorces d’agrumes et une bouche
volumineuse et soyeuse avec une finale légèrement saline.
Une
proposition bistronomique vraiment très attrayante, car tout d’abord gourmande
et qui repense aux classiques de manière intelligente en y ajoutant quelques
touches originales, en éliminant le coté parfois graisseux de ces préparations.
Tout est parfaitement cuisiné, équilibré et réalisé avec une très bonne maitrise
technique. Pour sûr, cela va séduire un grand nombre de personne que de trouver
ce genre de cuisine qui était presque devenue rare en ville !
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