Notre
petite balade en Bresse avait pour but de découvrir une table que j’avais
repéré depuis un certain temps à Ambronay, « l’Auberge de l’Abbaye ».
C’est justement dans ce village que se trouve la célèbre abbaye comme l’on peut
s’en douter. Une abbaye bénédictine fondée au 9ème siècle par Barnard,
officier de Charlemagne qui peut facilement se visiter avant de dîner chez cet
étoilé au Michelin depuis 2012.
Cette auberge
se trouve à quelques mètres de l’abbaye et face à une place sur laquelle il est
aisé de se parquer. Une maison de village en pierre tout à fait classique qui
ne laisse pas trop présager comment l’intérieur a été agencé mais l’on peut
facilement s’imaginer un côté plutôt traditionnel, ce qui ne sera pas du tout
le cas.
Ivan Lavaux
le chef en place est un peu la figure montante de la Bresse et l’un premier à
oser un concept que j’applaudis sans hésitation ; le menu unique et cela
depuis plusieurs années. Signe des temps, la restauration n’est pas facile et
cette approche est de plus en plus fréquente dans un certain nombre d’établissements.
Je me rappelle d’ailleurs de ce billet de l’Express qui publiait ce mois de
juin « Le client n'aura bientôt plus
l'embarras du choix car les restaurateurs sont de plus en plus nombreux à
proposer un menu unique, avec l'objectif de cuisiner les plus beaux produits du
jour. »
Fondamentalement, cela ne change pas grand-chose car le concept du menu
dégustation est souvent celui retenu par la clientèle. Mais Ivan Lavaux ne
propose pas un menu unique qui va s’éterniser car le changement est
hebdomadaire avec quelques variations dans la semaine en fonction des arrivages
sur les marchés.
Une cuisine
de produits frais réalisés avec les productions locales et dieu sait si la
Bresse ne manque pas de petits artisans qui savent travailler la terre ;
légumes, volailles et autres ingrédients.
Nous voici
donc face à la porte d’entrée et son énorme coq qui ne laisse aucun doute sur
la région dans laquelle nous sommes.
Une fois à
l’intérieur, c’est avec surprise que nous découvrons une structure très
contemporaine principalement dans les tons blanc et rouge. Tout est blanc sauf
les chaises qui sont dans un joli cuir rouge. Les tables sont parfois situées
dans des renfoncements conférant au lieu une certaine intimité. Il y aurait
presqu’un côté légèrement nordique ou alors un côté « East-coast »
américain avec ces murs réalisés avec de larges planches de bois. Ci et là,
quelques tableaux et objets modernes en
guise de décoration. L’endroit est sommes toute assez épuré mais sans donner l’impression
d’être dans un endroit sans âme.
Vous passerez
éventuellement par l’arrière salle qui elle aussi est joliment décorée avec une
belle collection des guides Michelin probablement depuis la première édition.
Deux menus
à 4 ou 5 plats, respectivement à 49 ou 65 euros vous seront proposés mais sans vous
énoncer les plats. Ivan Lavaux viendra en début de repas s’enquérir si vous
avez des allergies où n’appréciez pas certains
aliments. Jérome Busset sommelier et maitre de salle sera là pour vous
conseiller sur le choix du vin pour accompagner votre repas.
Avant de
démarrer ce repas vous sera apporté en amuse-bouche un délicieux cœur de saumon
et chutney d’orange. Le saumon cru est délicatement parfumé avec cet agrume et déposé sur un morceau de pain toasté.
Nous
démarrons avec un foie gras de canard des landes simplement déposé sur l’assiette
et si l’on pense à cette entrée, on peut à priori trouver ceci plutôt assez
classique mais celui-ci a été travaillé principalement à la chartreuse verte,
avec une pointe de citron yuzu et si j’ai bien compris même une tombée de
Schweppes ! Sur le dessus un peu de fleur de sel et de la poudre de cèpe.
Sur le côté une sucette de fruits secs corses. Ce foie gras est tout bonnement
parfait dans sa texture, cuisson et assaisonnement. La chartreuse amène un côté
évidement herbeux et très juste au foie qui lui n’a pas été trop salé. Comme
quoi l’on peut toujours innover avec un ingrédient qui est souvent servi trop classiquement.
Je dirais que cette adaptation fut simplement parfaite.
Le plat suivant
me fera une grande impression et qui selon moi peut facilement avoir place dans
une table deux macaron est l’œuf de poule cuit à basse température, émulsion à
l’Amaretto, lard de Colonnata, truffe uncinatum type Bourgogne. A priori il y a quelque chose de très transalpin dans cette
assiette qui fut absolument jubilatoire.
L’œuf est cuit 12 minutes à 63 degrés, autour un fond de volaille
travaillé avec de la crème et de l’Amaretto, au fond de l’assiette ce merveilleux
lard blanc de Toscane qui est affiné dans des coffres de marbre et sur le
dessus de la truffe du domaine Bramarel à Grignan Ce qui
m’impressionne c’est comme pour le foie gras, l’ajout d’une liqueur que l’on
aurait à priori pas considéré pour un tel met. Les associations sont justes ;
c’est un plat d’une très grande gourmandise.
Nous
continuerons avec un très beau poisson ; des filets de rouget, mousseline
de pommes de terre à la vanille bourbon de Madagascar, chips de pommes de terre
violine. Je ne suis pas toujours amateur de rouget mais ici sa cuisson est
précise, le poisson est délicieux. L’association de la mousseline est impressionnante
car le goût subtil vanillé amène un équilibre parfait avec le jus réalisé avec
des petits poissons de roche et de l’encre de seiche. On joue également dans ce
plat avec des textures différentes comme entre autre le croustillant et le
moelleux.
Le fromage
ici est servi de manière plutôt impressionnante car vous recevrez une palette
avec si je me rappelle bien au moins onze morceaux et l’on accompagne ceci d’un
très bon pain aux noisettes, amandes et zestes de citron. Les fromages tous
affinés proviennent de la « Fromagerie de Marion » à Ambérieu en Bugey qui
est en fait la femme de Jérome Busset. Nous trouverons entre autre sur cette
longue assiette, tamier, bleu de Gex, cervelle de canut maison, gouda aux
truffes, vacherin mont d’or, chèvre de corse, tome de chèvre du pays Basque, berrichon, tome des Aravis, picodon bio. Une très belle sélection de pâtes dures et
molles toutes à point.
Pour terminer
ce repas, un dessert tout à la pomme composé d’une compote parfumée au citron
yuzu, de fines tranches de pommes marinées dans de la cassonade, de tuiles brisées
au miel de Corse et un sorbet au coing. Un dessert vraiment gourmand, léger,
plein de saveurs car on trouve les trois fruits : pomme, coing et citron
en parfaite harmonie ; et à nouveau un joli jeu de textures.
Sur les
recommandations de Jérome, nous ferons tout le repas avec un excellent
chardonnay du Bugey appelé Manicle 2013 Cuvée de l’Amandier du Caveau Bugiste ;
un vin avec un nez et bouche sur le même registre boisé, grillé voir sésame.
Pour
accompagner le café, quelques mignardises avec des tuiles à la praline rose
montées en sucettes, un sorbet mangue dans une boule de chocolat blanc.
Ce qui nous
aura aussi vraiment impressionné… c’est que pour une salle pleine qui doit bien
compter plus d’une vingtaine de couverts… ils ne sont que deux (cuisine et service) ! A aucun
moment nous n’avons attendu ou ressenti un manque quel qu’il soit au niveau du
service ou de la cuisine. C’est presqu’un exploit qui démontre que l’on peut
faire des miracles avec des effectifs réduits et efficaces.
Nous sommes
ressortis ravis d’avoir découvert une très belle table a environ une heure de
Genève qui fait preuve d’une très belle maitrise culinaire avec des assiettes
originales et gourmandes.
Auberge de l'Abbaye
47 place des Anciens Combattants
01500 Ambronay
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