C’est avec
beaucoup de chance que j’eus appris que Barcelone allait s’enorgueillir d’avoir
une nouvelle table qui pourrait devenir l’un de ces endroits où les
réservations deviennent rapidement impossibles comme par exemple le « Tickets »
de Albert Adria.
C’est donc
ce 23 novembre que l’on a annoncé dans la presse l’ouverture de
« Disfrutar » qui signifie « Jouir », la nouvelle table d’Eduard
Xatruch, Oriol Castro et Mateu Casañas, anciens chefs de cuisine de chez El
Bulli pendant 15 ans et qui ont ouverts au préalable une autre remarquable
table, le « Compartir » à Cadaqués visité ce mois d’avril.
« Disfrutar »
vient donc d’ouvrir le 1 er décembre dans la rue Villaroel non loin du marché
« del Ninot »,
n’est pas censé être une réplique de « Compartir » mais un
lieu où l’on trouve une cuisine moderne et audacieuse, probablement nettement
plus ambitieuse, un endroit festif, de qualité qui ne sera pas élitiste et de
plus avec des tarifs raisonnables.
Selon le chef Castro, malgré que la cuisine soit innovante et
personnelle, elle sera toujours influencée de loin par Ferran Adria et Juli
Soler le manager de l’époque.
Un lieu accueillant aux inspirations locales avec des plâtres et des carreaux de grès inspirés de "Miró", des fers forgés, des
céramiques. C’est dans 320 m2 que se trouvent trois espaces bien définis :
le hall d’entrée avec un bar et des tables pour une vingtaine de personnes, la
cuisine et une autre salle pour une cinquantaine de personnes.
En cuisine, une
équipe de dix-huit chefs et en salle
douze personnes qui sont en majeure partie passés chez « Compartir ».
D’ailleurs le chef de cuisine fût le second de Cadaquès.
Un menu dégustation a 65 ou 95 Euros avec une multitude de plats autour
des poissons, mollusques, viandes. 17 plats qui sont parfois à partager comme
des « tapas » mais aussi des amuse-bouche ou cocktails. Une formule
finalement assez proche du « Tickets » mentionné ci-dessus.
C’est donc aux alentours des 21 :45 que nous arrivons dans ce quartier plutôt calme en face du marché
actuellement en rénovation. Une entrée qui effectivement ressemble un peu à un "Miró" avec ces cubes de couleur rouge
et jaune.
En entrée le bar
derrière lequel cuisiniers finissent certains dressages et devant la rangée de
tables qui mène aux cuisines.
La salle
principale est vraiment étonnante avec ce jeux de briques, céramiques toutes
avec des structures très différentes et de couleur blanche. Sur une partie de
la salle des niches avec de la végétation et sur un autre côté une grande baie
vitrée qui doit probablement donner sur une cour intérieure avec quelques
tables pour l’été.
Un mobilier assez
particulier qui ferait penser un peu a des meubles de jardin et des tables de
céramique de couleur céladon.
Une cuisine où l’on
peut observer la brigade finir les préparations, certains dressages et envoyer
en salle.
Tout ceci sous le
contrôle de Oriol Castro et d’Eduard Xatruch, deux
des trois chefs de Cadaquès.
C’est donc le
menu « Festival » que nous choisirons et qui démarre avec Caipirinha de
melon. Une tasse avec un liquide mousseux qui est parfumé au citron vert avec probablement
de cachaca et sur le côté deux morceaux de melon jaune que l’on peut tremper
dans le breuvage.
On nous apporte
ensuite « La betterave qui sort d’une terre ». Un bol rempli de
graines noires que le serveur secoue et duquel apparaissent deux monticules violets.
Deux meringues qui ont été parfumées à la betterave et qui fondent
immédiatement en bouche.
Nous continuons avec des lacets croquants de poitrine ibérique affinée.
Peut-être des boyaux de porc frits autour desquels un lard a été déposé.
Des noisettes pralinées au sureau qui me font plus penser à un bonbon de
dessert qu’autre chose. Le goût de sureau n’est pas vraiment présent.
Un « Polvoron » de tomate et Caviaroli d’olive arbequine. Le « Polvoron » est un des biscuits sablés espagnols très
populaires dans tout le pays qui ici a été réalisé avec de la poudre de tomate
et sur lequel se trouve ce Caviaroli qui sont des petites boules d’huile d’olive
qui ressemblent à des graines de caviar. C’est farineux et colle au palais.
Nous continuons avec un ravioli transparent de pesto. Un sachet
transparent qui contient du basilic et des pignons que l’on trempe dans un jus
de parmesan. Je me demande bien comment l’on peut préparer un tel jus… Celle ou
celui qui en connait la recette…n’hésitez pas à me laisser un message car j’ai
vraiment l’impression d’être dans un laboratoire de chimie…
Le « Disfruta de la aceituna » sont deux olives reconstituées
dans une sorte de coque mollasse dans laquelle l’on trouve dans une, un jus
concentré d’olive et dans l’autre un autre jus d’orange sanguine.
Je n’ai pas encore émis aucun jugement jusqu’à ce moment mais le moment
devient opportun. Ici on se fait plaisir avec une cuisine (si l’on peut appeler
cela cuisine…) ludique ou l’on joue avec des saveurs qui sont la plupart du
temps un peu trop sucrées et qui n’amène absolument aucun plaisir ou d’émotion.
Cela la frise le laboratoire où l’on essaie de montrer combien l’on s’amuse
bien avec tous ces petits jouets mis à disposition des cheffaillons
moléculaires qui veulent jouer au « El Bulli » (pour autant que l’on
admire ce type de cuisine). Je resterai agréable…mais cela frise la
plaisanterie. Je vous encourage d’ailleurs de consulter le magnifique blog de
Vincent Pousson « Idées liquides & solides » et spécifiquement l’un
de ses billets « J’aurais voulu être un artiste… »
Il suffit de se balader sur le site de cette société Sosa
et vous comprendrez comment devenir un cheffaillon moléculaire en quelques
leçons. Nous sommes très loin ici des Azurmendi, Quique Dacosta et autres
frères Roca, même si surement certaines de ces poudres magiques sont aussi
chez eux utilisées…
Continuons avec le biscuit d’Idiazabal fumé et pomme. Une sorte de
fromage glacé en forme de biscuit accompagné d’un jus de pomme au céleri.
Plutôt plaisant.
Le jaune d’œuf croustillant à la gelée de champignons restera
probablement plat qui nous aura le plus séduit avec un jaune dans un tempura
sur une gelée de champignons chaude.
Le Sandwich aérien de fruits de mer et avocat est à nouveau un « truc »
pour faire « rigolo » avec un faux petit pain réalisé avec de la
meringue. On a l’impression de manger un sandwich surimi-mayo…
Le met suivant est lui plus intéressant, Anchois et « mato » d’amande
à la truffe, miel de sapin et pignons de pin. Une sorte de fromage crémeux
sucré amené sur table que l’on recouvre des éléments susmentionnés. Sur le
côté, un anchois très salé sur un crouton.
Pas franchement emballé par le maquereau mariné au taboulé de chou-fleur
et cèpes. Cela manque d’équilibre entre ce côté un peu douceâtre, vinaigré et
ce soi-disant taboulé qui est un chou-fleur râpé avec un instrument magique.
Selon nous le pire de ce repas….Nos macaronis à la carbonara… Des
macaronis en gelée qui ont l’air de tubes de plastique découpés en tronçons sur
lequel on dépose une mousse au goût de crème-œuf..et finalement un peu de
(vrais) parmesan râpé. Le pire plat de 2014…. Aucun intérêt et tout sauf
attirant. Nous avons laissé cela sur table…
Le Sashimi végétal est une succession de légumes, certains vinaigrés, certains
avec des poudres de Perlimpinpin… Accompagné d’une coupelle de légumes vinaigrés pour « faire
japonais ».
Un plat plus intéressant appelé « Moelle » de coquille
Saint-Jacques avec du caviar osciètre. La coquille en fine lamelle avec une
sauce de moelle qui s’harmonise parfaitement.
Les moules aux petits pois en sauce verte. Jolie présentation mais cela
reste une moule avec des petits pois et un jus de moule… On pourrait faire la
remarque que ce n’est pas un légume de saison.
Les couteaux à la crème de truffe et ficoïde glaciale me laissent
indifférents car la sauce à la truffe a quelque chose d’un peu compact qui ne
me plait pas vraiment… Pourquoi ne pas simplement râper de la truffe ?
Le Rouget de porc avec bajoue de porc et gnocchis d’aubergine sera
probablement le second plat digne d’intérêt. L’association poisson et lard fonctionne,
quoique la gelée qui entoure l’aubergine me rappelle la consistance d’autres
plats ci-dessus. Un bonbon d’aubergine avec un peu de yoghourt.
Un coup de show-off avec le Shabu-shabu de homard. On vous apporte un
bol d’eau chaude….on trempe quatre secondes les tranches de homard comme pour
une fondue…puis on trempe le morceau qui reste encore cru dans un concentré de
bisque de homard. Sur le côté une salade de diverses algues.
Les Feuilles de bœuf Wagyu… Difficile d’apprécier ce carpaccio avec cette
sauce ou plutôt fond trop puissant qui pourrait rappeler le goût de la sauce
soja et ces petits dôme de foie gras qui définitivement écrase toutes les
saveurs.
La Mandarine…Une mandarine givrée…Un granité dans une mandarine évidée.
J’ai dû manquer quelque chose…
Sympathique Cornet de tarte au fromage avec une glace à la griotte.
Le Pain de crème catalane au couscous d’orange sanguine… Une glace
vanille avec un trait de caramel…et…. « Couscous »…. Pourquoi appeler
cela de cette manière alors que ce n’est qu’un granité…
On se refait plaisir comme pour un anniversaire d’enfants…avec des Poivrons
de chocolat, huile et sel. Deux faux poivrons toujours réalisés avec cette coque
gélatineuse dans laquelle se trouve une mousse au chocolat quelconque. Une est
sensée être parfumée à la menthe et l’autre au piment.
On terminera avec une Lyonnaise au café. Une sorte de macaron plutôt
agréable en bouche.
Une très belle sélection de flacons construite avec le soutien de Ferran Centelles, sommelier pendant
treize années chez « elBulli ». Nous choisirons un vin blanc appelé Quintaluna
de chez Ossian qui accompagna très bien ce repas.
Le
service fut inégal entre présent...et absent. Une longue attente à l’arrivée et
personne pour nous recevoir. Souvent des plats en enfilade même si l’un des
convives est absent de table.
Je ne sais pas ce que je peux encore dire de ce repas qui nous a déçus de bout en bout. On reste avec l’impression que l’on se fait plaisir en cuisine avec une panoplie de techniques pour impressionner le client mais le résultat est bien pauvre. N’y ai-je rien compris ? Pas sur…Une cuisine « gadget » bien loin de ce qui peut se faire ailleurs…
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