dimanche 28 décembre 2014

Disfrutar, Barcelone



C’est avec beaucoup de chance que j’eus appris que Barcelone allait s’enorgueillir d’avoir une nouvelle table qui pourrait devenir l’un de ces endroits où les réservations deviennent rapidement impossibles comme par exemple le « Tickets » de Albert Adria.

C’est donc ce 23 novembre que l’on a annoncé dans la presse l’ouverture de « Disfrutar » qui signifie « Jouir », la nouvelle table d’Eduard Xatruch, Oriol Castro et Mateu Casañas, anciens chefs de cuisine de chez El Bulli pendant 15 ans et qui ont ouverts au préalable une autre remarquable table, le « Compartir » à Cadaqués visité ce mois d’avril.

« Disfrutar » vient donc d’ouvrir le 1 er décembre dans la rue Villaroel non loin du marché « del Ninot »,  n’est pas censé être une réplique de « Compartir » mais un lieu où l’on trouve une cuisine moderne et audacieuse, probablement nettement plus ambitieuse, un endroit festif, de qualité qui ne sera pas élitiste et de plus avec des tarifs raisonnables. 

Selon le chef Castro, malgré que la cuisine soit innovante et personnelle, elle sera toujours influencée de loin par Ferran Adria et Juli Soler le manager de l’époque.

Un lieu accueillant aux inspirations locales avec des plâtres et  des carreaux de grès inspirés de "Miró", des fers forgés, des céramiques. C’est dans 320 m2 que se trouvent trois espaces bien définis : le hall d’entrée avec un bar et des tables pour une vingtaine de personnes, la cuisine et une autre salle pour une cinquantaine de personnes.

En cuisine, une équipe de  dix-huit chefs et en salle douze personnes qui sont en majeure partie passés chez « Compartir ». D’ailleurs le chef de cuisine fût le second de Cadaquès.

Un menu dégustation a 65 ou 95 Euros avec une multitude de plats autour des poissons, mollusques, viandes. 17 plats qui sont parfois à partager comme des « tapas » mais aussi des amuse-bouche ou cocktails. Une formule finalement assez proche du « Tickets » mentionné ci-dessus.

C’est donc aux alentours des 21 :45 que nous arrivons dans  ce quartier plutôt calme en face du marché actuellement en rénovation. Une entrée qui effectivement ressemble un peu à un "Miró" avec ces cubes de couleur rouge et jaune.



En entrée le bar derrière lequel cuisiniers finissent certains dressages et devant la rangée de tables qui mène aux cuisines.



La salle principale est vraiment étonnante avec ce jeux de briques, céramiques toutes avec des structures très différentes et de couleur blanche. Sur une partie de la salle des niches avec de la végétation et sur un autre côté une grande baie vitrée qui doit probablement donner sur une cour intérieure avec quelques tables pour l’été.





Un mobilier assez particulier qui ferait penser un peu a des meubles de jardin et des tables de céramique de couleur céladon.

Une cuisine où l’on peut observer la brigade finir les préparations, certains dressages et envoyer en salle.






Tout ceci sous le contrôle de Oriol Castro et d’Eduard Xatruch, deux des trois chefs de Cadaquès.


C’est donc le menu « Festival » que nous choisirons et qui démarre avec Caipirinha de melon. Une tasse avec un liquide mousseux qui est parfumé au citron vert avec probablement de cachaca et sur le côté deux morceaux de melon jaune que l’on peut tremper dans le breuvage.


On nous apporte ensuite « La betterave qui sort d’une terre ». Un bol rempli de graines noires que le serveur secoue et duquel apparaissent deux monticules violets. Deux meringues qui ont été parfumées à la betterave et qui fondent immédiatement en bouche.


Nous continuons avec des lacets croquants de poitrine ibérique affinée. Peut-être des boyaux de porc frits autour desquels un lard a été déposé.


Des noisettes pralinées au sureau qui me font plus penser à un bonbon de dessert qu’autre chose. Le goût de sureau n’est pas vraiment présent.


Un « Polvoron » de tomate et Caviaroli d’olive arbequine.  Le « Polvoron » est un des biscuits sablés espagnols très populaires dans tout le pays qui ici a été réalisé avec de la poudre de tomate et sur lequel se trouve ce Caviaroli qui sont des petites boules d’huile d’olive qui ressemblent à des graines de caviar. C’est farineux et colle au palais.


Nous continuons avec un ravioli transparent de pesto. Un sachet transparent qui contient du basilic et des pignons que l’on trempe dans un jus de parmesan. Je me demande bien comment l’on peut préparer un tel jus… Celle ou celui qui en connait la recette…n’hésitez pas à me laisser un message car j’ai vraiment l’impression d’être dans un laboratoire de chimie…



Le « Disfruta de la aceituna » sont deux olives reconstituées dans une sorte de coque mollasse dans laquelle l’on trouve dans une, un jus concentré d’olive et dans l’autre un autre jus d’orange sanguine.


Je n’ai pas encore émis aucun jugement jusqu’à ce moment mais le moment devient opportun. Ici on se fait plaisir avec une cuisine (si l’on peut appeler cela cuisine…) ludique ou l’on joue avec des saveurs qui sont la plupart du temps un peu trop sucrées et qui n’amène absolument aucun plaisir ou d’émotion. Cela la frise le laboratoire où l’on essaie de montrer combien l’on s’amuse bien avec tous ces petits jouets mis à disposition des cheffaillons moléculaires qui veulent jouer au « El Bulli » (pour autant que l’on admire ce type de cuisine). Je resterai agréable…mais cela frise la plaisanterie. Je vous encourage d’ailleurs de consulter le magnifique blog de Vincent Pousson « Idées liquides & solides » et spécifiquement l’un de ses billets « J’aurais voulu être un artiste… » 

Il suffit de se balader sur le site de cette société Sosa et vous comprendrez comment devenir un cheffaillon moléculaire en quelques leçons. Nous sommes très loin ici des Azurmendi, Quique Dacosta et autres frères Roca, même si surement certaines de ces poudres magiques sont aussi chez eux utilisées…

Continuons avec le biscuit d’Idiazabal fumé et pomme. Une sorte de fromage glacé en forme de biscuit accompagné d’un jus de pomme au céleri. Plutôt plaisant.



Le jaune d’œuf croustillant à la gelée de champignons restera probablement plat qui nous aura le plus séduit avec un jaune dans un tempura sur une gelée de champignons chaude.


Le Sandwich aérien de fruits de mer et avocat est à nouveau un « truc » pour faire « rigolo » avec un faux petit pain réalisé avec de la meringue. On a l’impression de manger un sandwich surimi-mayo…


Le met suivant est lui plus intéressant, Anchois et « mato » d’amande à la truffe, miel de sapin et pignons de pin. Une sorte de fromage crémeux sucré amené sur table que l’on recouvre des éléments susmentionnés. Sur le côté, un anchois très salé sur un crouton. 



Pas franchement emballé par le maquereau mariné au taboulé de chou-fleur et cèpes. Cela manque d’équilibre entre ce côté un peu douceâtre, vinaigré et ce soi-disant taboulé qui est un chou-fleur râpé avec un instrument magique.


Selon nous le pire de ce repas….Nos macaronis à la carbonara… Des macaronis en gelée qui ont l’air de tubes de plastique découpés en tronçons sur lequel on dépose une mousse au goût de crème-œuf..et finalement un peu de (vrais) parmesan râpé. Le pire plat de 2014…. Aucun intérêt et tout sauf attirant. Nous avons laissé cela sur table…




Le Sashimi végétal est une succession de légumes, certains vinaigrés, certains avec des poudres de Perlimpinpin… Accompagné d’une coupelle de légumes vinaigrés pour « faire japonais ».



Un plat plus intéressant appelé « Moelle » de coquille Saint-Jacques avec du caviar osciètre. La coquille en fine lamelle avec une sauce de moelle qui s’harmonise parfaitement.


Les moules aux petits pois en sauce verte. Jolie présentation mais cela reste une moule avec des petits pois et un jus de moule… On pourrait faire la remarque que ce n’est pas un légume de saison.


Les couteaux à la crème de truffe et ficoïde glaciale me laissent indifférents car la sauce à la truffe a quelque chose d’un peu compact qui ne me plait pas vraiment… Pourquoi ne pas simplement râper de la truffe ? 


Le Rouget de porc avec bajoue de porc et gnocchis d’aubergine sera probablement le second plat digne d’intérêt. L’association poisson et lard fonctionne, quoique la gelée qui entoure l’aubergine me rappelle la consistance d’autres plats ci-dessus. Un bonbon d’aubergine avec un peu de yoghourt.




Un coup de show-off avec le Shabu-shabu de homard. On vous apporte un bol d’eau chaude….on trempe quatre secondes les tranches de homard comme pour une fondue…puis on trempe le morceau qui reste encore cru dans un concentré de bisque de homard. Sur le côté une salade de diverses algues.




Les Feuilles de bœuf Wagyu… Difficile d’apprécier ce carpaccio avec cette sauce ou plutôt fond trop puissant qui pourrait rappeler le goût de la sauce soja et ces petits dôme de foie gras qui définitivement écrase toutes les saveurs.


La Mandarine…Une mandarine givrée…Un granité dans une mandarine évidée. J’ai dû manquer quelque chose…


Sympathique Cornet de tarte au fromage avec une glace à la griotte.


Le Pain de crème catalane au couscous d’orange sanguine… Une glace vanille avec un trait de caramel…et….  « Couscous »…. Pourquoi appeler cela de cette manière alors que ce n’est qu’un granité…



On se refait plaisir comme pour un anniversaire d’enfants…avec des Poivrons de chocolat, huile et sel. Deux faux poivrons toujours réalisés avec cette coque gélatineuse dans laquelle se trouve une mousse au chocolat quelconque. Une est sensée être parfumée à la menthe et l’autre au piment.



On terminera avec une Lyonnaise au café. Une sorte de macaron plutôt agréable en bouche.


Une très belle sélection de flacons construite avec le soutien de Ferran Centelles, sommelier pendant treize années chez « elBulli ». Nous choisirons un vin blanc appelé Quintaluna de chez Ossian qui accompagna très bien ce repas.



Le service fut inégal entre présent...et absent. Une longue attente à l’arrivée et personne pour nous recevoir. Souvent des plats en enfilade même si l’un des convives est absent de table.
 
Je ne sais pas ce que je peux encore dire de ce repas qui nous a déçus de bout en bout. On reste avec l’impression que l’on se fait plaisir en cuisine avec une panoplie de techniques pour impressionner le client mais le résultat est bien pauvre. N’y ai-je rien compris ? Pas sur…Une cuisine « gadget » bien loin de ce qui peut se faire ailleurs…

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