Un des importants
pôles de la nouvelle restauration en France est sans aucun doute la belle cité
de Lyon. Nouvelle restauration car l’on peut évidemment y trouver tout le classicisme culinaire au travers des bouchons et autres bistrots,
mais aussi des tables qui s’efforcent d’influer positivement sur le changement
dans les approches culinaires.
Un de ces concepts a été lancé par initialement par Christian
Têtedoie MOF en 1996 dont vous pourrez apprécier son parcours sur son site et
qui dirige à Lyon trois restaurants : son restaurant gastronomique du même
nom, le « Phosphore » et la « Terrasse d’Antiquaille ».
Un nom de table
plutôt étonnant car l’arsenic est un poison toxique utilisé par les meurtriers
et probablement sans relation directe avec le film de Frank Capra
« Arsenic et vieilles dentelles » ou les symptômes immédiats d’une
intoxication par ce poison mais plutôt probablement pour faire un parallèle
avec l’autre table « le Phosphore », car l’arsenic est
chimiquement très similaire.
Un concept nommé
« table à plusieurs mains », qui consiste à promouvoir de jeunes
chefs qui viennent du monde entier et qui se retrouvent dans cet établissement
132 rue Pierre Corneille appelé « Arsenic » pour une période de temps
limitée. Et si j’ai bien compris le séjour étant limité à deux années.
C’est donc
dans cette rue Pierre Corneille que vous trouverez cet établissement avec sa
devanture dans les tons anthracite.
Un lieu
avec un décor épuré, sobre et
dans la tendance actuelle. Entre bistrot et restaurant classique avec le
comptoir sur l’un des côtés de la salle où l’on peut identifier les jus de
fruits d’Alain Milliat et comme décoration, d’anciens récipients d’apothicaires en verre.
Un chef australien
appelé Ryan Dolan qui ensuite fut remplacé par un duo d’anciens de chez
Christian Têtedoie ; Frédéric Chastro et Adriana Zafiris, un très sympathique couple qui
proposent une cuisine ouverte et influencée par moultes origines. Frédéric
Chastro est Franco-colombien et Adriana Zafiris, flamande d’origine et si j’ai
bien compris aussi un peu grecque. Tous deux se sont vus décerner récemment par
le guide Gault & Millau le Grand Prix Espoir des jeunes chefs en
Rhône-Alpes.
L’accueil est
des plus chaleureux et le service organisé par deux jeunes filles sera des plus
efficace et charmant tout au long de ce repas. Un menu de midi en deux ou trois plats à choix. Le menu complet étant à
22 euros, une vraie aubaine !
A première
lecture, ici on y laisse
exploser sa créativité, on a carte blanche, on laisse les talents s’exprimer.
On y identifiera une cuisine bistronomique inventive, contemporaine et vraiment
riches en idées.
Deux délicieux
morceaux de focaccia parfumée aux herbes de Provence vous seront apportés dès
le début.
En entrée, un plat
qui m’impressionnera vraiment intitulé betterave, lard et crème aigre. Une
réinterprétation du bortsch, potage à l’origine ukrainien réalisé avec de la
betterave. Ici arrive une très belle assiette dans laquelle on retrouve des
petites crèmes de betterave, associées à des crèmes de basilic et ensuite une troisième préparation
de crème d’Isigny. Tout autour de la
ventrèche de porc de Bigorre et de fines lamelles de radis.
Puis est versé le
potage sur le dessus conférant au tout un très joli visuel. Le goût est
absolument parfait avec une pointe d’acidité provenant de vinaigre, le jeu des
textures entre liquide et croustillant du lard et le moelleux des diverses
crèmes est parfait. On peut ou pas mélanger ces crèmes
pour donner encore plus d’onctuosité ou séparément en savourer les saveurs. Selon
moi une magnifique entrée.
Autre seconde très
belle entrée, le cabillaud, oignon et dashi. Un carpaccio de poisson agrémenté
de petits flans d’oignons blancs, un filet d’huile d’olive, du radis noir et un
subtil dashi, bouillon japonais pour apporter une pointée encore plus marine. C’est
à nouveau une entrée soignée et pleine d’imagination et qui joue avec les
saveurs.
En plat principal
un canard, cacahouète et choux vert. L’idée étant de transformer avec créativité
ou plutôt de s’inspirer d’un classique de la cuisine indonésienne. La cacahouète
est souvent présente dans cette cuisine avec comme grand classique le gado-gado
qui est une salade de légumes blanchis sur lesquels on verse une sauce à base
de pâte de cacahouètes. Ici on a utilisé un magret cuit sous vide et à basse
température que l’on a tranché en cubes entre lesquelles on trouvera un tartare
bien assaisonné à la moutarde si mes souvenirs sont bons, des rouleaux de chou
frisées farcis avec de la cacahouète broyée, des brisures de cette cacahouète
pour apporter un côté croustillant à l’ensemble.
Ensuite est versé
sur le côté cette sauce typique inspiré de l’Indonésie et ici appelée sauce
gado-gado dans laquelle l’on retrouve un mélange de lait de coco, cacahouètes
généralement en pâte, citron et piment. Connaissant bien la cuisine
indonésienne nous avons trouvé ce plat gourmand et fidèle aux saveurs de ce
pays asiatique et ici sans tomber dans une plate cuisine fusion mais comme précédemment
écrit, une inspiration éclairée d’une cuisine peu connue.
Un premier dessert
intitulé Earl Grey, Streusel et lait. Une combinaison de glacé et tempéré
autour du thé avec une sorte de biscuit crémeux réalisé avec le Streusel mélange de beurre, chapelure, sucre et quelques morceaux de pâtes de ce dernier à l’intérieur pour apporter de la texture en
bouche. Un granité de thé pour amener un peu de fraicheur et ajouter un goût
subtil dans l’ensemble. Aussi quelques touches de crème au lait légèrement citronnée.
Autre dessert qui
jouera dans une palette de saveurs plus habituelles, Panais, fruit de la
passion et chocolat noir. Original car les petits monticules de panais
apportent une touche douce et subtilement pâteuse un peu comme du marron, un
crumble de chocolat en fond, une crème de fruits de la passion qui apporte de l’acidité
et qui est un complément parfait de ce biscuit chocolaté cassé en morceaux et
de sa crème. Sur le dessus, quelques chips de panais sucrée pour donne au tout
un côté croustillant. A nouveau une association de saveurs maitrisées et
gourmandes.
Une belle
découverte avec un Grignan les Adhémar de chez Laurent Bes appelé Alyssas,
tissu de Syrah. Vin auparavant qui s’appelait Coteau du Tricastin. Un mono
cépage, une syrah fougueuse qui sera parfaite avec ce repas.
Cette table mérite
d’être immédiatement découverte car l’on
y trouve une originalité des saveurs, une cuisine résolument moderne et prometteuse, des textures variées, des assemblages
téméraires et réussis et même des présentations audacieuses.
Accourez avant que
ces deux chefs disparaissent….
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