dimanche 15 février 2015

Arsenic, Lyon




Un des importants pôles de la nouvelle restauration en France est sans aucun doute la belle cité de Lyon. Nouvelle restauration car l’on peut évidemment  y trouver tout le classicisme culinaire  au travers des bouchons et autres bistrots, mais aussi des tables qui s’efforcent d’influer positivement sur le changement dans les approches culinaires.

Depuis quelque temps  Lyon propose une série de nouveaux concepts dans la restauration avec entre autre cette nouvelle vague de jeunes chefs japonais qui cuisinent français mais aussi d’autres concepts plutôt téméraires.


Un  de ces concepts a  été lancé par initialement par Christian Têtedoie MOF en 1996 dont vous pourrez apprécier son parcours sur son site et qui dirige à Lyon trois restaurants : son restaurant gastronomique du même nom, le « Phosphore » et la « Terrasse d’Antiquaille ».

Un nom de table plutôt étonnant car l’arsenic est un poison toxique utilisé par les meurtriers et probablement sans relation directe avec le film de Frank Capra « Arsenic et vieilles dentelles » ou les symptômes immédiats d’une intoxication par ce poison mais plutôt probablement pour faire un parallèle avec l’autre table « le Phosphore », car l’arsenic est chimiquement très similaire.

Un concept nommé « table à plusieurs mains », qui consiste à promouvoir de jeunes chefs qui viennent du monde entier et qui se retrouvent dans cet établissement 132 rue Pierre Corneille appelé « Arsenic » pour une période de temps limitée. Et si j’ai bien compris le séjour étant limité à deux années.

C’est donc dans cette rue Pierre Corneille que vous trouverez cet établissement avec sa devanture dans les tons anthracite.


Un lieu avec un décor épuré, sobre et dans la tendance actuelle. Entre bistrot et restaurant classique avec le comptoir sur l’un des côtés de la salle où l’on peut identifier les jus de fruits d’Alain Milliat et comme décoration, d’anciens récipients d’apothicaires  en verre.






Un chef australien appelé Ryan Dolan qui ensuite fut remplacé par un duo d’anciens de chez Christian Têtedoie ; Frédéric Chastro et Adriana Zafiris, un très sympathique couple qui proposent une cuisine ouverte et influencée par moultes origines. Frédéric Chastro est Franco-colombien et Adriana Zafiris, flamande d’origine et si j’ai bien compris aussi un peu grecque. Tous deux se sont vus décerner récemment par le guide Gault & Millau le Grand Prix Espoir des jeunes chefs en Rhône-Alpes.


L’accueil est des plus chaleureux et le service organisé par deux jeunes filles sera des plus efficace et charmant tout au long de ce repas. Un menu de midi en deux ou trois plats à choix. Le menu complet étant à 22 euros, une vraie aubaine !

A première lecture, ici on y laisse exploser sa créativité, on a carte blanche, on laisse les talents s’exprimer. On y identifiera une cuisine bistronomique inventive, contemporaine et vraiment riches en idées.

Deux délicieux morceaux de focaccia parfumée aux herbes de Provence vous seront apportés dès le début.


En entrée, un plat qui m’impressionnera vraiment intitulé betterave, lard et crème aigre. Une réinterprétation du bortsch, potage à l’origine ukrainien réalisé avec de la betterave. Ici arrive une très belle assiette dans laquelle on retrouve des petites crèmes de betterave, associées à des crèmes de  basilic et ensuite une troisième préparation de crème d’Isigny.  Tout autour de la ventrèche de porc de Bigorre et de fines lamelles de radis.


Puis est versé le potage sur le dessus conférant au tout un très joli visuel. Le goût est absolument parfait avec une pointe d’acidité provenant de vinaigre, le jeu des textures entre liquide et croustillant du lard et le moelleux des diverses crèmes est parfait. On peut ou pas mélanger  ces  crèmes pour donner encore plus d’onctuosité ou séparément en savourer les saveurs. Selon moi une magnifique entrée.


Autre seconde très belle entrée, le cabillaud, oignon et dashi. Un carpaccio de poisson agrémenté de petits flans d’oignons blancs, un filet d’huile d’olive, du radis noir et un subtil dashi, bouillon japonais pour apporter une pointée encore plus marine. C’est à nouveau une entrée soignée et pleine d’imagination et qui joue avec les saveurs.


En plat principal un canard, cacahouète et choux vert. L’idée étant de transformer avec créativité ou plutôt de s’inspirer d’un classique de la cuisine indonésienne. La cacahouète est souvent présente dans cette cuisine avec comme grand classique le gado-gado qui est une salade de légumes blanchis sur lesquels on verse une sauce à base de pâte de cacahouètes. Ici on a utilisé un magret cuit sous vide et à basse température que l’on a tranché en cubes entre lesquelles on trouvera un tartare bien assaisonné à la moutarde si mes souvenirs sont bons, des rouleaux de chou frisées farcis avec de la cacahouète broyée, des brisures de cette cacahouète pour apporter un côté croustillant à l’ensemble.


Ensuite est versé sur le côté cette sauce typique inspiré de l’Indonésie et ici appelée sauce gado-gado dans laquelle l’on retrouve un mélange de lait de coco, cacahouètes généralement en pâte, citron et piment. Connaissant bien la cuisine indonésienne nous avons trouvé ce plat gourmand et fidèle aux saveurs de ce pays asiatique et ici sans tomber dans une plate cuisine fusion mais comme précédemment écrit, une inspiration éclairée d’une cuisine peu connue.   


Un premier dessert intitulé Earl Grey, Streusel et lait. Une combinaison de glacé et tempéré autour du thé avec une sorte de biscuit crémeux réalisé avec le Streusel mélange de beurre, chapelure, sucre et quelques morceaux de pâtes de ce dernier  à l’intérieur pour apporter de la texture en bouche. Un granité de thé pour amener un peu de fraicheur et ajouter un goût subtil dans l’ensemble. Aussi quelques touches de crème au lait légèrement citronnée.


Autre dessert qui jouera dans une palette de saveurs plus habituelles, Panais, fruit de la passion et chocolat noir. Original car les petits monticules de panais apportent une touche douce et subtilement pâteuse un peu comme du marron, un crumble de chocolat en fond, une crème de fruits de la passion qui apporte de l’acidité et qui est un complément parfait de ce biscuit chocolaté cassé en morceaux et de sa crème. Sur le dessus, quelques chips de panais sucrée pour donne au tout un côté croustillant. A nouveau une association de saveurs maitrisées et gourmandes.



Une belle découverte avec un Grignan les Adhémar de chez Laurent Bes appelé Alyssas, tissu de Syrah. Vin auparavant qui s’appelait Coteau du Tricastin. Un mono cépage, une syrah fougueuse qui sera parfaite avec ce repas.


Cette table mérite d’être immédiatement découverte  car l’on y trouve une originalité des saveurs, une cuisine résolument moderne et prometteuse, des textures variées, des assemblages téméraires et réussis et même des présentations audacieuses.

Accourez avant que ces deux chefs disparaissent….

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