dimanche 29 septembre 2024

L'Horta, Tavertet

 

Voici probablement l’un des endroits les plus étranges que j’ai pu visiter ces dernières années et d’où je suis sorti sans trop savoir quoi penser de l’expérience vécue. Tout d’abord Tavertet c’est au bout du monde…dans les montagnes ou collines et on n’y va vraiment que pour probablement deux raisons principales. Tout d’abord faire des balades et être un amoureux de la nature, faune. Ou alors se rendre dans cet établissement qui va demander une sacrée ouverture de l’esprit. Mais commençons par le début…


Le chef Jordi Coromina est considéré comme étant l’un des plus talentueux de sa génération et a décidé d’ouvrir son restaurant dans ce village d’environ une centaine d’habitants. Plusieurs fois nominé comme par exemple « Révélation de l’année 2020, son restaurant est probablement l’un des paris les plus audacieux et les plus insolites de la scène culinaire rurale.


Un défi qui semble se moquer de la tradition du territoire pour ensuite rendre hommage à ses origines et servir l’identité de celles-ci dans sa cuisine.  Si l’on analyse son approche de la gastronomie, cela sera de préparer l’inattendu avec le produit attendu. Par la je veux dire que les ingrédients connus seront proposé de manière parfois insolite en proposant des combinaisons apparemment impossibles !


Jordi Coromina possède un remarquable parcours avec tout d’abord un séjour en Angleterre, puis chez Nandu Jubany pendant plusieurs années. Il nous raconte qu’ensuite il est parti en Scandinavie chez Frantzen et Relae, puis chez Kobe Desramaults du remarquable In De Wulf qui a fermé depuis. Donc des références de haut niveau qui laissent penser que quelques influences seront bien présentes de ce type de cuisine du Nord de l’Europe. Et c’est en 2016 qu’il s’installa dans ce village.


Ce qu’il faut aussi réaliser, c’est que Jordi a aussi probablement été grandement influencé par le Japon ayant travaillé chez Effervessence à Tokyo ; le symbole de L’Horta étant le cercle japonais appelé « enso ».


Clairement si l’objectif est de désorienter la clientèle cela sera fait naturellement et avec une déconcertante aisance. Une fierté sans aucun doute pour la région et une sorte de luxe pour ceux qui en profitent, soulignant le caractère unique de la proposition lorgnant quelque part vers les notions de pureté, de ce qui est zen, entre Scandinavie, Japon et Catalogne.


Ici les produits seront traités avec respect et pseudo simplicité, accordant beaucoup d’importance aux légumes. Ce chef dirige donc son établissement avec son propre jardin qui, bien que non végétarien, accorde une attention particulière à la cuisine verte. Une cuisine minimaliste qui est proposée de manière sporadique car l’établissement ne semble ouvrir que lorsqu’il y a des réservations. Par bonheur celles-ci sont réalisables avec un des sites de réservations en ligne, donc a priori vous saurez quand vous pourrez venir.


Réservation un dimanche soir…comme quoi tout est possible… Pas facile de trouver le lieu car ce n’est pas des mieux indiqué. Une ferme, une enseigne non éclairée, on peut se demander le soir si l’établissement est ouvert. L’Horta était à l’époque le bar de ce village et a conservé des photographies des habitants.

Une fois à l’intérieur on monte au premier niveau et arrivons dans une salle sombre au décor sans vraiment de décor… un incroyable silence car ce soir nous sommes la seule table et le chef n’est là que pour nous !

Cuisine au fond de la salle, bar sur un côté, et quelques tables le long des fenêtre avec des étagères de rangement pour bouteilles d’alcool au centre.

Jordi propose un menu de saison à 98 euros qui est une dégustation, mais vous ne trouverez pas de menu imprimé et n’aurez aucune idée de ce que vous mangerez. Probablement que les recettes s’imaginent en fonction de la disponibilité des produits et de ses humeurs. Parfois même on pourra se demander s’il ne s’agit pas d’une sorte d’improvisation de dernière minute comme si les ingrédients se mettaient à se parler entre eux.

Ses plats ne sont pas particulièrement dressés avec comme objectif d’être instagrammables si vous voyez ce que je veux dire. Cela n’a visiblement aucun intérêt pour le chef. La recherche c’est la simplicité et l’improbable association de certains éléments. Le chef propose des plats avec peu d’ingrédients, qui semblent pointer dans la direction du minimalisme nordique et de la tradition kaiseki. Il s’engage à mettre l’accent sur les textures, croquantes ou douces, et se déplace dans différentes gammes de saveurs, du sucré et acide au plus neutre.

Vous aurez donc un défilé de plats qui viendront seulement présentés au dernier instant, le chef faisant l’aller-retour entre s cuisine et votre table.

Pour commencer, quelques moules de bouchot servies dans une coupelle.


Une tranche de pain campagnard servie avec une excellente huile d’olive de la Cooperativa del Campo de Nalec, première pression à froid, non filtrée.


Une tomate prune dans une sauce à base d’huile d’olive et de vinaigre.


Un mélange de deux concombres, le premier frais et le second fermenté sur un peu de yaourt.


Des lamelles de calamar sur des champignons poêlés et du choux kale.


Je sais qu’il y avait sur ce plat une sauce aux pignons mais plus de souvenir de ce qu’il y avait en dessous.


Un plat qui ne m’aura pas laissé un souvenir maquant et une association pas franchement heureuse avec du choux rouge, de la betterave crue et un tartare de crevette, cela manquait singulièrement de saveur.


Une poêlée de chanterelles avec un voile de lard.


Un plat central des plus étrange car il s’agit de pintade juste saisie qui aurait mariné dans une préparation a base de koji. Ferment ou micro-organisme utilisé au Japon pour produire des aliments fermentés tel que le saké, le miso et la sauce soja, est utilisé au Japon depuis plus de 1 000 ans et a récemment suscité l'attention pour ses merveilleuses propriétés saines et embellissantes. La volaille est quasiment crue en son centre, la peau est croustillante. Difficile de se faire un avis car c’est plutôt bon mais dérangeant.


Accompagné d’une magnifique salade d’herbes du jardin.


A nouveau une tomate prune mais en dessert avec une extraction vanillée.


L’autre dessert est peut-être le plus déroutant qu’il m’ait été donne de donner de manger, un cœur de laitue farci avec une crème et un peu de caramel liquide. Pas sur de quoi penser.


Un choix de vin pas simple mais sur la recommandation du chef, un Masia Cal Salines Subirat Parent 2017, vin blanc du Penedes.


C’est clairement un style audacieux, personnel et inclassable. Loin d’être baroques, ses plats sont austères combinent peu d’ingrédients, mais les éléments principaux et secondaires se marient parfois avec succès. Je dis parfois car certains plats auront été plus lumineux que d’autres, certains me laisseront pensif.

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