samedi 7 avril 2012

Alexandre, Nîmes


Relais & Château est toujours synonyme d’un lieu choisi et luxueux. Le restaurant Alexandre ne déroge pas à la règle. Situé en peu en dehors de Nîmes, c’est dans une magnifique demeure que vous arriverez et qui se trouve de plus dans un très beau parc. Alors que je m’imaginais arriver dans un lieu tout à fait inconnu, je réalise que je suis déjà venu diner dans cet établissement mais il y a bien une quinzaine d’années. Aucune importance car de toute façon, je ne me rappelais de rien…Sauf peut-être les magnifique séquoias et la somptueuse terrasse ou j’avais dîné à l’époque, et détail amusant…avec des nappes à fleurs…ce qui ne se fait plus vraiment aujourd’hui.


Le décor intérieur semble être tout à fait récent et d’une très grande beauté. On sent ici la grande maison, car rien n’est laissé au hasard…Réception, salons pour la causerie, et une extraordinaire salle à manger. Des meubles assez originaux un peu partout, des compositions florales magnifiques, ce soir avec des tulipes blanches, des structures architecturales très bien pensées pour cette salle de restaurant très luxueuse mais en même temps très accueillante. Les tables sont judicieusement organisées donnant une impression d’indépendance à chaque convive. Des tables magnifiquement parées avec de très bons goûts. Le tout oscillant dans les tons gris avec plusieurs déclinaisons. Une vraie réussite !









Tout semble organisé et orchestré comme sur du papier à musique…Serviettes, carte, tenues du personnel, tout est également dans les tons noirs et gris avec le logo de la maison.

Ne me demandez pas qui est Alexandre car le chef ici s’appelle Michel Kayser et officie dans cet établissement depuis une trentaine d’année. D’après ce que j’ai pu comprendre, il s’agissait du tout premier propriétaire et le nom de famille de l’actuel ne « sonnait » pas trop bien dans le coin…Passons.

La carte est magnifique et propose deux menus. Quand nous avons vu que l’un des deux était un menu truffe, nous y avons pensé à deux fois… Quand il s’agit d’une série de plats avec simplement de la truffe râpée, cela ne me dit généralement pas grand-chose.. Mais en voyant l’alléchante suite de plats construits sur ce produit, il n’y avait pas à hésiter un seul instant, sachant que c’était également la dernière semaine où ce menu était proposé.

Quelques mises-embouches élégamment dressées sur un emporte pièce un peu japonisant, sur lequel se trouvait un macaron d’amande aux anchois, un chausson frit avec une farce à base de maquereau, une sphère remplie d’une eau à la morue. Tout très original et délicat. Etant dans la région de Nîmes, notre choix s’est fait sur des Costières de Nîmes ; comme blanc un Château Beaubois Confidence 2010, frais, fruité et fort agréable en bouche ; comme rouge un magnifique Château de Campuget Sommelière 2007 avec un coté long en bouche et saveurs de torréfaction.


Arrive ensuite une simple tranche de brioche aux tomates et sardines accompagnée de quelques éprouvettes d’une magnifique huile d’olive vierge de la région du domaine du Paradis. Terrien, rassurant, l’association de cette huile avec le pain est parfaite.


Premier plat, spaghetti de pomme « Charlotte » soutenus à la truffe. Déjà le dressage est magnifique et laisse penser que nous avons un cuisinier qui a une sacrée expérience dans l’esthétique des assiettes. Des pommes de terre râpées, rapidement blanchies et qui donc restent croquantes, assemblée avec une crème réduite parfumée à la truffe. Ceci monté comme une bouchée au centre d’une assiette ardoise. C’est très beau et magnifique en bouche. La truffe se marie parfaitement avec le coté simpliste du féculent.

 

Pour suivre, une poitrine de caille « Albufera » sur un bavarois au mais, légumes du moment rafraichis de son consommé. A la base, la volaille « Albufera » est un grand classique qui doit bien compter un certain nombre d’années puisque celle-ci je crois fut crée par Escoffier, à base de la sauce suprême et qui donne un coté laqué à la volaille. Évidement sublimée ici par la truffe, sur cette caille moelleuse et sur laquelle se trouvait un rouleau également à base de truffes. En dessous, un bavarois très rafraîchissant à base de légumes pris dans une gelés de bouillon très parfumée. Un classique revisité qui tient toutes ses promesses.




Troisième plat, un croustillant de jaune de poulette et pomme purée truffée, bouillon Henry IV. Probablement un des plats phares ; une sorte de cromesqui dans lequel se trouvait le jaune parfumé à la truffe et d’une sauce crémeuse aussi truffée. C’est très bon, gouteux et avec quelque chose de très rassurant. A ce stade on s’aperçoit de la grande maitrise des associations par le chef.


Pour suivre, un filet de rouget au sel de pistaches, miroir de Châteauneuf du pape aux notes truffées. Je pensais au préalable que la combinaison rouget aux senteurs fortes ne se marierait pas vraiment avec le champignon, mais à nouveau il y a une énorme recherche car le poisson, avec ce fond de sauce absolument parfait et le cube de moelle à la truffe ont fonctionné à merveille.


Autre moment divin, le sorbet betterave et shampoing de truffe. Je ne peux pas m’empêcher de saluer le génie du chef car il fallait oser une telle association. Le sorbet un peu terreux mais sucré avec le coté mousseux salé et truffé. Cela explose en bouche et m’a fait jubiler….


Le plat qui suit est l’un des plus plébiscités ici ; l’ile flottante aux truffes de Provence sur un velouté de cèpes des Cévennes (création Michel Kayser). A vrais dire, cela reste pour moi un des plats qui m’a le moins séduit. Une quenelle truffée dans une crème aux cèpes, surmontée d’une tuile salée aux truffes. Je comprends pourquoi cela plaît…mais je ne suis pas un amateur de l’association cèpes et truffes. J’ai trouvé que le goût des cèpes écrasait complètement celui des truffes et globalement un plat trop riche. Pour moi un plat un peu trop eighties…question de goût.


En plat principal, un pot au feu de queue de joue de bœuf parfumé à la livèche, cannelloni farci d’un blanc-manger au gout de truffes. Une reconstitution (ou déstructuration..) du pot-au-feu en créant une saucisse avec le bœuf, un premier cannelloni farci de légumes, un second avec ce blanc-manger. Tout est sublimé par le parfum de la truffe, le dressage est remarquable, un grand plat.


Et comme fromage...quelque chose de bien de chez nous…un Gruyère de « l’Etivaz » poêlé, jeunes salades en transparence, réduction de vinaigre de Modène a l’huile de truffe. La encore une très grande réussite qui associe le fromage un peu sucré à la truffe (belle idée que celle-là ; gruyère et truffe..) et une surprenante gelée de salade hachée ! Vraiment gourmand.


Il fallait vraiment être très inspiré que pour pouvoir proposer également des desserts avec la tubercule ; tout d’abord un fantastique marbré au pralin à la crème glacée truffée suivi d’un sabayon froid à la truffe du Ventoux, mousseux d’amandes. Deux magnifiques desserts qui terminent avec grandeur ce magnifique repas. Mignardises et confiseries pour le café.



Au risque de me répéter, voici un menu parfait en tout point pour ce merveilleux produit, des plats ingénieux, certains lorgnant vers un classicisme remanié et d’autres vraiment inventifs. A aucun instant il n’y a eu de réalisation au goût linéaire ou de sensation de vouloir en mettre plein la vue.

La question qui reste, que pourrait-être le menu découverte à un autre moment de l’année ! Serait-il aussi parfait et aussi créatif sachant que l’autre menu gourmand me semblait moins attirant.

Alexandre est une grande table ou la cuisine est vraiment exceptionnelle et tout ceci dans un cadre vraiment somptueux. Ce n’est vraiment pas pour rien qu’il a deux étoiles au Michelin et quatre toques au GM.

vendredi 6 avril 2012

L'Atelier de Jean Luc Rabanel, Arles


C’est toujours une émotion que de se dire que l’on va manger chez Jean-Luc Rabanel. Déjà c’est un personnage incroyable, un peu rocker ou biker, un peu acteur, et évidement l’un des plus grands cuisiniers de notre univers, et même l’on prend en compte l’espace intersidéral, et je pèse mes mots ! Depuis mes précédentes visite « son empire » s’est agrandi ; le bistrot, l’a coté, l’iode et maintenant le Bar-a-nel, si je n’ai rien oublié…

Toujours ce coté tellement sympathique, presque informel. Un concept ou tout le monde se sent bien, pas de grandiloquence ni de coté ostentatoire comme dans beaucoup d’établissements de ce niveau. Et même si le parking vous semble compliqué, son nouveau taxi Londonien vous cherchera où bon il vous semble…

Rabanel, c’est simplement de la magie…Il n’y a que consulter son dernier ouvrage de cuisine pour comprendre combien le génie est omniprésent dans sa cuisine. Non pas une cuisine végétarienne ou végétalienne, mais la cuisine d’un passionné des légumes. Non seulement des aliments « qui poussent », mais des assemblages, des mariages tout bonnement incroyables. Pour compléter cette image idyllique, c’est délicieux et c’est beau…très beau. Une assiette n’est pas que l’association d’aliments « pour faire joli », mais chez lui c’est une œuvre d’art… Tout est pensé, tout est analysé avec justesse et le fruit d’une recherche de nombreuses années de travail et d’une réflexion profonde… Mais le « suivant » aussi sur Facebook, c’est continuellement qu’il recrée sa cuisine, qu’il se réinvente. Il n’y a qu’à admirer les photos de ses nouvelles créations!

C’est après une balade dans Arles que vous comprendrez pourquoi il s’est agrandit au centre de cette ville. Pas de déménagement dans un manoir luxueux, mais une maison du vieil Arles qui jamais ne vous laisserait penser qu’ici vous passeriez un des instants gastronomiques les plus improbables. C’est un lieu humain où le coté presque simple de la décoration passe avant un coté guindé ; un bâtiment de la vieille ville remis-à-niveau. Depuis ma dernière visite, plusieurs choses ont changés qui améliorent considérablement l’établissement. Nous avons droit à une vraie entrée de restaurant avec un vestiaire, une « anti-chambre » dans une véranda servant de « départ » à ce repas et où les amuses-bouches vous seront servis. Une salle assez zen avec donc un coté presque asiatique ; mur d’eau, spots lumineux, cheminée murale très design et des fauteuils très modernes, qui font de cette pièce une belle entrée en matière. Vous aurez aussi peut-être la chance de passer par le Bar-a-nel, bar à champagne qui vous amènera dans une partie des cuisines où l’on fabrique les pains et pâtisseries. Jouxtant cette pièce, une autre salle à manger réservée à des repas de groupes et sur réservation. D’ici quelques semaines, il y aura même quelques chambres.

 




Adria, Redzepi, Bras, Rabanel et surement plein d’autres…Chacun dans leur style et leurs nuances ont hissés au firmament cette cuisine aussi délicate, créative et souvent basée sur l’utilisation d’ingrédients simples. Rabanel, ce n’est pas du foie gras poêlé, ni des Saint-Jacques ou autres homards…mais des produits de saison sublimés. Et quand l’on vous parlera de ce menu à treize plats sans en connaître sa composition, pensez au voyage gustatif et visuel que vous allez vivre….Oui, c’est sûrement cela aussi le bonheur ! Il faut soulever que chaque plat décrit ci-dessous n’est peut-être pas tout à fait fidèle à sa description, puisque aucun menu n’est imprimé.





Après vous être rafraîchis les mains avec des serviettes humides et être informé sur l’approche de cet atelier gastronomique, vous commencerez par quelques amuse-bouches en choisissant vos vins.




Chips de betterave, tempura de carottes accompagnée de deux sauces, l’une à base de cacahuètes, l’autre aux tomates et poivron. Simple et ludique. Tout de suite vous serez séduit par la perfection visuelle de chaque met.



Un second amuse-bouche, une petite pomme de terre grenaille rôtie dans laquelle se trouvait un tartare de taureau accompagnée d’une sauce tartare. Voici l’exemple même de l’approche Rabanel. « Je prends des ingrédients simples, je les retravaille, je les enrichis à ma façon, et je les sublime dans leur cuisson, leur apparence et je rends cela gourmand ». Une petite pomme de terre bien rôtie remplie de ce tartare. C’est simple, évident, mais absolument parfait en bouche.




Et pour finir le « premier mouvement », un soufflé de riz de Camargue rouge et glace aux fleurs de ciboulettes. Une référence aux petits déjeuner de la jeunesse de Jean-Luc, un met semblable « aux céréales » que l’on prend le matin, mais ici avec le produit local qu’est le riz, croustillant comme il se doit accompagné d’un sorbet laiteux légèrement aillé par le goût des fleurs et salé. Il fallait y penser…


Vous passerez ensuite dans la salle de restaurant traditionnelle qui existe depuis les débuts, une salle qui ressemble plus à un atelier comme le nom du restaurant qu’à vraiment une table classique. Pas de nappes, simplement des tables modernes, rouges, pas vraiment luxueuses, mais tout s’harmonise à merveille ; service, ambiance et cuisine. Pas de service ostentatoire mais un très grand professionnalisme en salle. Ici, vous êtes presque en famille ! Tout est très humain. Une mention presque spéciale pour « un copain », le fantastique Christophe Boudier qui est revenu au bercail, « monsieur moustache » ou « le Salvador Dali de la restauration ». Un puis de science dans l’œnologie et quelqu’un qui orchestre à merveille le service de la salle. Vous aurez également le loisir d’observer à un bout de celle-ci la cuisine ou s’affairent une bonne demi-douzaine de cuisiniers. De l’autre coté de la salle, même un petit écran près de l’ancienne entrée où l’on peut contempler le spectacle en cuisine. Habillés de noir, tous toqués, tout le monde s’active au dressage des assiettes. Un vrai ballet !


Pour commencer une soupe de roquette glacée avec un sorbet à la ricotta. Déjà la présentation vous surprend par le contraste vert intense avec l’assiette noire. C’est très beau, très engageant et délicieux. Une crème très onctueuse aux saveurs très printanières.


Ensuite, une très belle réussite que le mille-feuille de foie-gras aux champignons de paris crus, compote d’oignons sucrés et caramel au vinaigre et à l’orange. Des strates aux différences consistances ; moelleuses par le foie, croquante avec les champignons crus. L’association avec les oignons caramélisés comme d’ailleurs la sauce crée une harmonie dans la bouche.


Le troisième plat restera probablement l’une des plus belle réussite de cette soirée ; un sabayon aux pistaches et citrons verts, jaune d’œuf mariné dans la sauce soja, asperges cuites à cru. Déjà l’aspect visuel doit être l’une de plus belles réalisations que j’ai pu voir, une composition entre couleurs jaunes et vertes avec un coté végétal et floral. En bouche la déclinaison des saveurs est tout bonnement extraordinaire. La pistache soit en sabayon soit croquante, vite rejointe par le jaune d‘œuf légèrement salé par le soja et les asperges amenant un coté croquant dans l’ensemble. Prodigieux !


Pour continuer un ravioli de mozzarella de burrata, déclinaison de jeunes artichauts et émulsion au lait fumé. Bel équilibre entre le coulant du fromage et le coté agréablement fumé de la sauce.


Ensuite, un tronçon de cabillaud trempé deux heures dans le sel, polenta, piment d’Espelette, jus de coque au gingembre et citronnelle adoucis au lait de coco. Un très léger clin d’œil à l’Asie en utilisant des composants de là bas mais en y associant des techniques culinaires européennes. Très savoureux, un poisson cuit dans le sel et rehaussé par le très léger goût du piment.


Et voici la première viande, ou peut-être ce que l’on pourrait qualifier de plat principal. La pièce de taureau fumée au foin et marinée au thym, avec une béarnaise montée avec une chantilly d’estragon, betterave zébrée, pac-choy, tomate et pomme de terre. On vient vous monter cette béarnaise sous vos yeux et qui accompagnera une pièce de viande absolument délicieuse, fondante en bouche. Voici encore ce que je considère la touche Rabanel, ce génie à reconstruire des plats traditionnels en y ajoutant ce coté créatif. Croyez-moi, du taureau fumé...est quelque chose d’extraordinaire.




Et voici le premier des quatre desserts : la betterave zébrée sur son crumble, confiture poire et betterave, huile d’olive au gingembre, glace au lait. Ingénieux, magnifique et surprenant que de déguster ce légume dans une préparation douce.


Mais voici que l’on nous apporte probablement l’un des meilleurs desserts que j’ai mangé depuis des années ; un calisson reconstitué, mousse de chocolat blanc, glace aux noisettes, olives noires, fenouil et réglisse. Je ne sais pas si j’ai pu réellement retranscrire correctement la composition de cette incroyable assiette, mais c’est une vraie explosion en bouche. Des saveurs qui se succèdent comme un feu d’artifice…L’association de composants plutôt utilisés dans des mets salés se fondent avec magie avec les éléments glacés et sucrés.


Pour suivre, un dessert peut-être moins irréel que le précédent ; un beignet d’asperge, glace à l’estragon, madeleine au citron vert. L’asperge traitée comme un churros manquait peut-être d’un peu de légèreté pour la fin d’un repas mais l’équilibre fut atteint avec cette somptueuse glace.


Et en conclusion, un tiramisu remonté par le chef, vinaigrette à l’huile d’olive gingembre et vanille, brunoise de fenouil. Encore un dessert remarquable qui associe de magnifiques saveurs autour de fraises extrêmement parfumées.



Je ne peux pas vraiment vous indiquer totalement ce que j’ai pu boire, ayant laissé carte blanche à Christophe qui connaissant mes goûts m’avais choisi un fabuleux mâcon blanc au goût de pommes granny smith, suivi d’un Château Noël Saint-Laurent Côtes du Rhône Matador, avec des notes de cuir et animales.

Jean-Luc Rabanel est pour moi l’un des plus grands cuisiniers au monde qui continuellement se réinvente. Son Atelier est une expérience unique et rarement je crois que l’on peut vivre autant d’émotion autour d’une table. A ne pas manquer!

jeudi 5 avril 2012

Domaine du Colombier, Malataverne


Voici un magnifique endroit que le Domaine du Colombier, en même temps un hôtel mais surtout une table réputée pour sa qualité. Une ancienne bâtisse ou plutôt bastide datant du quatorzième et quinzième dans un parc de 4 hectares qui servait de relais pour les pèlerins se rendant à Compostelle. A quelques kilomètres de Montélimar, sur la fameuse route qui nous amène vers le sud, une halte absolument idéale à quelques heures de la Suisse.


En arrivant vous admirerez tout d’abord le jardin avec sa piscine et penserez que de pouvoir manger en été sur la terrasse doit être un moment très privilégié.
 


Évidement en ce moment nous sommes encore loin de pouvoir dîner dehors et vous serez installé dans une salle voûtée après avoir été accueillit. Une décoration plutôt bourgeoise, des tables dressées de manière plutôt classique, finalement rien d’étonnant par rapport à la splendeur extérieure. Je me serais attendu à un peu plus de folie dans cette belle structure avec un peu plus de touches artistiques. Murs blancs, crépis beiges, et lumières banales.




Ici deux chefs: Julien Gleize et Cyril Fressac qui marchent main dans la main et qui travaillèrent dans le passé chez les frères Pourcel et ensuite à la Villa Augusta à quelques kilomètres qui m’avait laissé un sentiment mitigé. L’un est premier de cuisine et le second officie en tant que second en pâtisserie. L’association semble être des plus judicieuses sachant que la plupart du temps, la double responsabilité est plutôt foireuse. Comme dans la plupart des établissements de haut niveau, on ne cumule pas ce type de tâches…

La carte propose trois menus dont le classique servit pour l’ensemble de la table qui nous a semblé moins intéressant que celui intitulé du nom du restaurant et qui était moins ronflant, c'est-à-dire contenant moins de ces produits types, homard et foie gras que l’on trouve dorénavant sur toutes les cartes. La commande passée, nous commençons déjà à être un peu agacé…Plus d’une quinzaine de minutes pour que le sommelier vienne prendre la commande des vins.. Très bien d’avoir un sommelier pour une salle avec une contenance probable de 60 couverts mais si c’est pour attendre autant de temps…pas la peine. De plus l’eau ne nous est même pas proposée, et je passe finalement la commande à la serveuse… Il faut préciser que la carte des vins est somptueuse et évidement remplie de très belles références de la vallée du Rhône, mais que les tarifs sont très élevés. Difficile de trouver des flacons a moins de soixante euros même pour des cotes du Rhône. A première vue le coefficient multiplicateur semble être de cinq alors que la coutume voudrait que cela soit entre trois et quatre. J’ai aussi remarqué que les références les moins chères étaient toutes tracées… Un peu étrange…

Une petite assiette de feuilletés divers nous est apportée comme premier amuse-bouche ; un chou remplis d’une sauce au thon, un sablé avec une préparation à base de poivron et un une petite tranche de saucisson chaud sur un cube de pain moelleux. Agréable mais rien de bien surprenant.


Un second amuse-bouche, de la queue de bœuf avec un espuma d’asperge. Tendance l’espuma ces derniers temps...goûteux, bon. J’ai un peu regretté le montage….une sorte de verre à café ne tenant pas vraiment bien sur l’assiette apportée. Même s’il ne s’agit que d’une mise-en-bouche, on se doit de soigner la présentation dans un tel endroit.


En entrée, un prometteur ris de veau braisé en feuille de chou, crème de céleri, jus de veau au cidre. Une présentation assez simple, un montage en étages avec le chou posé sur plutôt une purée qu’une crème de céleri. Ce plat avait un certain nombre de problèmes ; les associations chou, céleri et fond de sauce écrasaient complètement la farce de ce chou et le ris de veau semblait avoir presque disparu. Trop salé, manque d’équilibre en bouche et une désagréable sensation de « bouillie » lorsque le tout est dégusté ensemble. Décevant.


En second plat, un turbot poché dans un bouillon à la badiane, petit épeautre. J’aime le turbot cuit à l’arrête mais pas avec servi avec sa peau qui n’est pas toujours simple à enlever. Le jus me semblait être un peu trop fade et ne sentait pas réellement la badiane.


Autre poisson, un tronçon de lotte en croûte de noix, chicon braisé au verjus. Peut-être plus intéressant, mais une partie du chicon était brûlé et le goût trop amer et il y avait une sorte d’impression de « ces poissons servis en panure à la maison »… A noter, la seconde utilisation d’une « Ostie » pour le dressage, déjà apparue avec le chou.


Comme plats principaux, un pigeon de Monsieur Durand, le filet rôti, la cuisse en crosmesqui, purée de carotte à l’orange et jus de pigeon ; un agneau croûte d’herbes, galette de polenta aux olives et marmelade d’échalotes confites, jus d’agneau. Je ne rentrerai pas dans trop de détails, mais il faut vraiment souligner que les produits étaient absolument fantastiques. Je ne me rappelle pas avoir mangé de pigeon aussi tendre et de l’agneau aussi savoureux depuis longtemps. Deux plats très (trop..) classiques, dans les saveurs et la présentation. Une forte dominance du goût des fonds de sauce et des accompagnements assez banals.



Même si les fromages ne sont pas réellement de la cuisine…le plateau affiné par Monsieur Bordier était vraiment exceptionnel. Il est rare de trouver de l’époisse, du langres, du maroille, et du munster coulants! Un bon point !

Quelques pré-desserts un peu insignifiants pour suivre…Et la presque comme une cassure dans le repas, car les desserts sont vraiment construits, esthétiques et surtout très bons. Comme précédemment indiqué on observe un changement dans l’approche culinaire. Tout est basé sur les consistances, les goûts, et le dressage.


Un magnifique savarin au parfait d’agrume, palet glacé au citron confit. Le coté sucré est parfaitement balancé par les cotés acides.


En autre dessert, une barre de chocolat alpaco, sorbet au thé blanc. A nouveau une très belle assiette où l’équilibre chocolat et sorbet vont à merveille, le goût du thé blanc complétant magnifiquement le coté amer du chocolat.


Que dire maintenant…Je m’attendais plutôt à une cuisine inventive alliant produits du terroir, de saisons et des saveurs un peu nouvelles ; je trouve une cuisine un peu trop bourgeoise, parfois écœurante, voir trop salée, avec des saveurs pas assez distinctes au palais. Les cuissons sont justes mais le tout reste à mon goût un peu trop scolaire. Un vrais manque d’originalité et d’ambition, mais néanmoins des desserts tout à fait maîtrisés.


GM considère cette table comme «grand de demain », il y a encore du travail selon moi.