jeudi 21 septembre 2023

Agreste, Barcelone

 

Retour chez Fabio et Rous d’Agreste je ne sais pour la combientième fois car c’est toujours une de mes tables favorites à Barcelone. On n’en sort jamais déçu même si parfois il y a des plats qui sont moins aboutis, mais cela reste très rare. C’est toujours cette ingéniosité à gommer les frontières entre d’un côté l’Italie et de l’autre l’Espagne. On ne vient pas ici pour apprécier des assiettes d’un des deux pays mais à chaque fois découvrir les nouvelles inventions du chef qui utilise principalement les produits locaux d’une manière exemplaire.

Récemment ce charmant couple est parti faire si j’ai bien compris des rencontres culinaires en Turquie et peut-être verrons nous un jour quelques influences dans les assiettes de Fabio puisque l’on reste dans le pourtour méditerranéen. Ensuite il y a quelques projets d’extension à l’arrière dans la falaise et même la création d’un jardin en permaculture, affaire à suivre.

Comme d’accoutumée, c’est le choix à la carte que l’on préfère avec des plats que l’on se partage, ce qui nous permet de mieux découvrir les nouvelles créations lorsqu’il y en a.

Avec un tartare de tomates « Paolo Petrilli », anchois, câpres et petits toasts. Et pas avec n’importe quelles tomates, celles de Paolo Petrilli ! Ce ne sont donc pas des tomates fraiches mais des tomates de bocaux. Il a réussi à trouver la formule pour obtenir une tomate avec une saveur de tomate, un produit savoureux, une texture douce et fibreuse. Sa technique de renouvellement des pousses ou semences de tomates fait la différence. Ses tomates reposent au soleil jusqu’à ce qu’elles atteignent le niveau idéal de maturité : lisses et brillantes à l’extérieur, tendres et appétissantes à l’intérieur. Les éplucher est la clé. Les tomates sont cueillies à la main et demandent une extraction délicate de la peau. Je sais aussi que Fabio fait venir d’un petit pécheur de Cantabrie ses anchois. Bien sur on peut se demander pourquoi on n’arrive pas à avoir en Catalogne/Espagne des tomates de cette qualité..mais c’est une autre histoire..

Magnifiques navajas ou couteau de Galicia, sauce café de paris aux algues. En règle générale je préfère les canyuts qui sont les couteaux du delta de l’Ebre qui sont plus petits et plus fins, donc moins caoutchouteux mais ceux-ci sont particulièrement moelleux. La sauce est assez originale car cela oscille entre sauce au curry et autres épices, la saveur des algues et le café de paris, donc beurre, ail et persil.

Un plat très impressionnant qui probablement sera le plus équilibré de la soirée et le plus gourmand, les figues, avec un voile de bacon ibérique, une crème de parmesan fondu et un fond de viande. On jongle entre les saveurs douces, en raison des figues et du fromage, la fine lamelle de gras du cochon et un jus de viande plutôt maigre, ce qui est parfait.

Les délicieux oignons au four, poulpe grillé, mayonnaise de poulpe et paprika fumé de la vera, menthe.

Les pâtes qui sont toujours exceptionnelles qui sont des tagliarini artisanaux aux œufs et aux coques. Les Taglierini sont originaires du nord de l’Italie : d’Émilie-Romagne, de Ligurie, de Toscane et de Lombardie, mais surtout du Piémont et de la région des Langhe Alba, dont la tradition culinaire transmet la recette du « tajarin », l’ancien taglierini fait à la main. Selon la tradition paysanne, ce format est né de la récupération des morceaux des pâtes farcies. Que les Taglierini soient nés dans le contexte « pauvre » de la cuisine rurale, comme un plat simple, est attesté par un extrait tiré du livre de cuisine « La science dans la cuisine et l’art de bien manger » de Pellegrino Artusi, imprimé pour la première fois en 1891 à Florence.

Autres pâtes avec des Raviolis artisanaux au parmesan, au beurre et à la sauge. Une pâte fine, une farce fine et ce parmesan de 24 mois absolument délicieux. Certes deux plats cette fois-ci vraiment italiens mais totalement délicieux.

Le poisson du jour sauvage grillé du jour avec une sauce citron et girolles, qui est du turbot mais un poil surcuit. Un très bon beurre blanc et des girolles assez particulières car petites mais gouteuses.

On ne quitte pas ce soir les pâtes mais cette fois-ci avec des Fregola sarde au homard. C’est un type de pâtes très particulières. La fregula ou fregola a en effet la forme de d’énormes graines de couscous et se distingue par son goût aux légers accents de noix. Cette pâte sarde est produite artisanalement à base de semoule de blé dur et d'eau. La semoule est disposée dans un plat en terre cuite. On y ajoute de l’eau, puis on frotte le tout à la main de façon circulaire. Les billes obtenues sont ensuite séchées à basse température, puis toastées au four pour leur donner une jolie couleur dorée et un délicat goût torréfié. Ici avec le crustacé et une sauce à base de tomates, un peu de zeste de citron vert sur le dessus.

Puis un pigeon en espagnol, Pichón de sangre reposado, grillé à la sauce au café de Paris. Ce qui signifie qu’il est important de toujours laisser la viande reposer la même durée que le temps de cuisson pour laisser le sang diffuser dans la chair et apporter du moelleux. La sauce est sans que j’aie remarqué identique à celle des couteaux, ce qui aurait pu être signalé.

Un peu moins séduit cette fois par les desserts, avec un sorbet mousse de pêche, basilic et pignon de pin. En fait une pêche en dessous avec le sorbet sur le dessus.

Une glace bien crémeuse avec diverses herbes qui nous a été offerte.

Une Tarte Tatin parait-il excellente, servie à d’autres convives de la table.

Un choix de vins avec pour certains un Très Miradas Sierra de Montilla Cerro Franco 2020. Vin fait avec le raisin Pedro Ximénez, de la parcelle la plus élevée de la Sierra de Montilla, à la fin de la place de Riofrío Alto, orientation sud-est et à une hauteur de plus de 600m. Ce sont de vieilles vignes de l’agriculteur José Antonio Rosa Bobi, cultivées en verre et taillées très bas « à l’aveuglette ». Après une récolte manuelle sélectionnée, un égrappage et un pressurage direct, la fermentation a été réalisée dans de vieux fûts, préalablement vinés avec le Fino CB. Après avoir terminé spontanément la fermentation malolactique, le vin repose dans les mêmes fûts, sous un voile de fleurs, pendant 22 mois. 

Dans un tout autre style, un de mes vins blancs favoris, un Belondrade y Lurton  2021. Au nez, il combine des notes de fruits comme l’abricot ou la pêche avec les souvenirs verts élégants du buis et de l’herbe fraîchement coupée. Un peu de bois très bien perçu, et qui contribue à apporter de l’espace, de l’onctuosité, de la complexité (épices, pain grillé et fumée) et de l’onctuosité (pâtisserie) à une bouche de fraîcheur d’agrumes.

Dans l’ensemble c’est toujours une magnifique prestation même s’il y a des choses perfectibles. Les pâtes sont probablement les meilleures de la ville, les crustacés toujours magnifiquement préparés, les viandes et volailles cuites à la perfection. Agreste restera toujours l’une des meilleures tables en ville.

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