mercredi 29 décembre 2021

Virens, Barcelone

Ce n’était pas la première fois que j’allais dans l’hôtel Almanac sur la Gran Via de les Corts Catalanes puisqu’il y a trois années de cela, j’y avais particulièrement bien dîné dans leur restaurant « Línia ».  C’est avec un concept totalement nouveau que l’hôtel s’est lancé avec le restaurant maintenant appelé « Virens » (vert en latin) du chef Rodrigo de la Calle qui a déjà une étoile Michelin à Madrid, récompensé en tant que chef révélation à Madrid Fusion, en 2011. Beaucoup plus tôt, en 2000, il déménagea à Elche où il travailla dans les cuisines de l’Hôtel Huerto del Cura et a réussi à s’établir en tant que chef exécutif. Il y rencontra le botaniste Santiago Orts et sa cuisine pris un virage à 180 degrés.



Un établissement un peu particulier car vous pénétrerez dans un monde végétal ! Ouvert en février 2020 mais fermeture par la suite pour les raisons que l’on connait.



Il faut bien comprendre que malheureusement en Catalogne et ailleurs en Espagne, les légumes ne sont pas vraiment au centre de l’assiette. Déjà ce n’est pas simple que de trouver de bons légumes à Barcelone et cela m’a mis plus d’une année à trouver quelque chose de qualité, bio et c’est principalement dans un marché à ciel ouvert et peu connu. Les vendeurs de fruits et légumes de la plupart des marchés fixes, ne proposent que rarement de la qualité. Puis dans la restauration, le légume n’est que très rarement au centre de l’assiette, parfois même inexistant. Les seules références de qualité gastronomique fût a un moment le disparu et excellent « 4Amb5 » et aussi chez « Xavier Pellicer ». A part cela, rien à signaler sauf peut-être le nouveau « Savia » de Tomas Abellan.

Mais attention, cela ne signifie pas que cela soit un « restaurant vegan ou végétalien » mais un restaurant avec un focus principal sur le monde végétal en travaillant gastronomiquement le légume. Donc ne pensez-pas être dans un club pour antispéciste ou un repère ou tout sera « veggie », mais plutôt une mise en valeur extraordinaire du monde des légumes et de manière gastronomique, sans oublier la qualité du produit lui-même. A noter que vous trouverez aussi un ou deux plats de poissons ou viandes.

Si aujourd’hui certains cuisiniers regardent le garde-manger de légumes avec des yeux différents, le mouvement n’est pas encore grandement généralisé en encore moins à Barcelone. La cuisine du chef Rodrigo de la Calle est lumineuse, jamais triste ou ennuyeuse. Tout sera cuisiné de manière ingénieuse ; des plats savoureux, avec des légumes croquants, des cuissons pointues, des fonds de sauce exceptionnels, des textures magnifiques. Comme je l’ai entendu, c’est de la gastrobotanique ou de la haute cuisine verte ! Une utilisation souvent de variétés oubliées ou inconnues du règne végétal avec l’utilisation des racines, tiges, feuilles, fleurs, fruits, graines et une application en cuisine.

Le design intérieur porte la signature de Jaime Beriestain Studio, (prestigieux cabinet d’architecture d’intérieur, une entreprise primée d’architecture d’intérieur et d’aménagement paysager), la salle à manger est un espace ouvert et verdoyant grâce au grand nombre de plantes. Mais en réalité, rien n’a changé depuis l’ancien « Línia ».  

Rodrigo de la Calle, qui est actuellement partage entre Madrid et Barcelone, confie la cuisine à Sergio Ruiz, qui exécute parfaitement les instructions du chef gastrobotanique lorsqu’il n’est pas en ville, bien que sa présence soit constante et fréquente.

Comme c’est la période de fêtes, le nombre de menus proposés est plus large et cela sera celui proposé pour les soirées du 24 et 25 décembre, dans lequel certains plats auront été proposés dans les menus classiques. Ici le menu à 80 euros.

Nous commencerons avec de fraiches et délectables fines tranches de navet marinées avec du vinaigre aux épices et quelques lamelles d’algues.

Un autre fait intéressant est qu’ici vous pouvez découvrir le monde de la fermentation. En 2013, le chef a commencé à peaufiner son travail avec des légumes fermentés et, deux ans plus tard, il s’est lancé dans les boissons fermentées en réussissant à créer un menu avec ses propres élaborations. Cela sera donc des boissons non alcoolisées ou avec une quantité très basse, éminemment des kombuchas aromatisés aux fruits, mais aussi de l’hydromel au houblon. Ils sont entièrement fabriqués dans le restaurant et sont périodiquement vérifiés pour les proposer à leur moment idéal. 

Puis de fins empanadas de kimchi avec une émulsion probiotique, oseille et capucine, une bouchée qui marque la ligne de travail de cuisson : la puissance des saveurs, le côté végétal et fermenté.


Sublimes croquettes d’épinards et de chou frisé ou kale du Maresme. Il faut les manger avec précaution, leur intérieur est très liquide, d’une couleur verte soutenue. Il est préférable de les mettre directement dans la bouche, sans les couper.

J’ai adoré le pain de seigle et le thé vert, qu’ils servent avec de l’huile Picual de temprano précoce et que, bien sûr, qu’ils fabriquent sur place.

Nous poursuivons avec des salsifis marinés avec du caviar de truite, capres et feuilles épicées.

Ensuite une texture de chou-fleur au wok avec maïs et mole poblano. Le plat manque un peu de relief et le mole aurait dû être ajouté de manière plus importante pour que cela fasse un peu moins « purée bébé ».

Un des plats phares, la moelleuse tatin de poireaux caramélisés et demi-glace végétal. Au fond un millefeuille, puis de la pâte de crème tombée, caramélisée, qui a passé plusieurs jours en cuisine avec une saveur intense d’oignon et de demi-glace sucré, végétal et quelques fleurs telles que des œillets chinois et des fleur d’ail pour décorer et donner une touche différente. Un plat difficile à décrire pour toute son élaboration, mais délicieux en résultat.


Le riz crémeux aux huitres à la braise aïoli de codium et espuma de mer, grillés est remarquable. Ce plat continue dans la ligne d’exaltation de la cinquième saveur et surprend par ce côté léger fumé. La texture est soyeuse, avec un effet beurré très moelleux et la cuisson du grain de riz est parfaite. Un plat très intense en saveurs marines. Et nous n’en sommes pas encore aux protéines animales.

Plat central avec un dos de turbot avec sa sauce pil-pil et filaments de chou rouge. Toujours cette maitrise des cuissons, ces associations parfaites, avec un clin d’œil à la cuisine basque.

Les desserts ne sont pas en reste avec l’étonnant mais délicieux Timamisu de topinambour et poudre d’orge toasté.

Puis une série de mignardises dont de fins bricelets, le caroubier mis à l’honneur avec des « alfajores » de caroube au beurre de cacao et de noix de coco et quelques chocolats.


Vins compris dans ce menu avec un cava Pedregosa Petit Cuvée ou encore vin blanc et vin rouge.


A vrai dire, un repas comme celui-ci ne laisse pas l’impression que de n’avoir mangé « que des légumes », au contraire c’est une expérience gastronomique remarquable, plutôt unique en ville, voir même de manière plus générale. Le travail est considérable non seulement dans la création des plats, la recherche d’associations nouvelles, les jeux de textures et les techniques utilisées.





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