Une des tables étoilées les plus connues en ville, celle du chef Romain
Fornell qui a su étendre son empire en multipliant le nombre d’adresses avec
des styles de cuisines associant souvent les classiques catalans en y ajoutant
des touches ou techniques françaises. Bien entendu c’est dans cet hôtel OHLA que
se trouve son premier établissement avec son étoile Michelin. Une réservation
bien entendue un peu plus difficile qu’ailleurs puisque déjà nous sommes en
période de fêtes mais aussi parce que le tourisme de passage souvent ne fait
que de suivre le guide aux macarons, donc choisi d’emblée de venir ici.
D’ailleurs ce soir, le public est tout sauf local et la seule possibilité de
dîner reste au comptoir face aux cuisines. Pas forcément déplaisant car cela
donne la possibilité de bien entendu d’observer ce qui se passe derrière les
fourneaux.
Un intérieur élégant avec une cuisine ouverte, un cellier apparent, une
salle confortable, un style chic mais suffisamment détendu pour ne pas tomber
dans l’ostentatoire,
Donc cela sera devant la cuisine que nous passerons cette soirée, assis
sur des chaises hautes. Une impression d’être un peu déconnecté du reste de la
salle malgré tout, mais une opportunité rare de pouvoir observer les dressages
tout au long de la soirée, sans que le chef soit là ce soir. Cependant le tout
sera extrêmement structuré sans grande manœuvre pour de l’interprétation. Tout
est organisé, préparé, fait pour que les assiettes défilent et sans temps mort.
Pas d’interaction avec les clients comme on peut bien le comprendre, un côté
très robotique en cuisine. Un détail un peu déplaisant, la distance entre le
dressage des assiettes et la dépose devant qui est trop grande, ce qui donne
l’impression que l’on se penche sur le comptoir ou alors on fait le tours pour
vous déposer les plats.
Deux menus de dégustation, le premier appelé « Menu Terre et Mer »
que nous choisirons tarifé à 92 euros et le second 135, certains plats avec des
ingrédients prestigieux étant majorés de quelques euros. Et pour commencer une
série d’amuse bouches amenés souvent ensemble comme par exemple l’olive verte
et anchois. En réalité une reconstitution un peu dans le genre des
établissements qui apprécient ce côté presque moléculaire que l’on trouverait
par exemple chez « Disfrutar ». Associé à cette olive, une minuscule tartelette
de jaune d’œuf mariné et caviar, avec un peu de ciboulette.
Puis une coupelle avec une émulsion de béarnaise accompagnée de feuilles
de persil. En réalité une sorte d’espuma très légère à la saveur de la sauce
bien connue avec une structure biscuitée en forme de feuille que l’on brise et
utilise pour prendre cette mousse en bouche.
Il faut relever que la vaisselle est plutôt très originale, en tout cas
les assiettes de présentation.
Ensuite une interprétation moderne du classique pain à la tomate et
sardines. Une sorte de meringue avec sur le dessus une crème ou un beurre manié
avec de la sardine et quelques lamelles de radis.
Une bouchée un peu plus gourmande avec une gaufre de pomme de terre et
ventrèche de thon.
Dans un petit bouillon bien parfumé, des gnocchis de butternut et glace
à la truffe, amuse-bouche qui finale la première partie du menu.
Alors que dire à ce stade…Eh bien pas vraiment de surprise, c’est assez
conventionnel et un peu trop semblable à ce que l’on pourrait trouver ailleurs
dans cette catégorie d’établissement. On avale ces bouchées mais il n’y a rien
qui laisse pantois. Peut-être que l’on recherche de la sophistication, de la
technique qui n’est pas si nécessaire, d’ailleurs la gaufre reste la plus
plaisante.
Un service de pains artisanaux et jeu de beurres, ce qui signifie que ce
sont des préparations comme par exemple tomate et basilic. Ces pains sont tout
bonnement exceptionnels et accompagnés de ces beurres sont encore sublimés.
Les plats suivants seront au choix et nous prendrons le poireau
écologique rôti au charbon avec caviar des Pyrénées. L’idée est assez semblable
à celle de cuire des calçots et de les accompagner d’une sauce dans laquelle
nous trouverons ce Caviar des Pyrénées. Provenant d’une maison parie sur
l'élevage en montagne de l'esturgeon pour contribuer aux soins de l'espèce et
garantir le processus de production du caviar et sa qualité. C'est dans l'eau
pure et cristalline aux sources de la Garonne, à seulement 20 kilomètres de la
naissance du fleuve, que les esturgeons « acipenser baerii »
atteignent leur maturité, au terme de sept à huit années. Si l’idée de ce plat
est très bonne, le poireau nécessiterait d’être un peu moins épais avec de
mieux sentir les œufs.
Ensuite les petites seiches « a la bilbaína » et leur jus. Une
cuisson parfaite pour ce produit de grande fraicheur, même si je suis étonné par
le nom de la préparation qui me semble normalement être au Pays-Basque composée
de tomates dans la sauce, c’est probablement une interprétation avec de l’encre
de seiche. Sur le dessus une chips pour une touche croustillante bienvenue.
Pour suivre un tartare de bœuf au couteau et perles de moutarde. Le
tartare arrive simplement sur un plat et ensuite c’est un show de type
moléculaire avec moutarde et azote. Est-ce bien utile ? Le résultat est
une série de petites billes qui sont ensuite déposées sur la viande.
Ensuite un tronçon de vivaneau à la bouillabaisse et à l’estragon.
Superbe poisson parfaitement cuit, sauce bien parfumée et réduite, l’estragon
dans un une autre sauce qui est élégamment présentée autour de la première.
En plats principaux, un pigeon d’Araiz comme un civet. Pigeon de Navarre
de très bonne qualité entouré d’un demi-glacé bien concentré et d’haricots de
Santa Pau et d’une petite tartelette. Assiette délicieuse mais il faut tout de
même mentionner que la ration est chiche ce qui d’ailleurs est souvent le cas
ici…
Avec un supplément de 12 euros, l’impeccable lièvre à la royale avec
foie gras et truffle « melanosporum » râpée sur le dessus. Un plat
vraiment mémorable ici.
Moyennement emballé par les fromages affinés catalans car si l’on habite
Barcelone, il y a plein de fromageries de très haut niveau qui proposent une
gamme très variée et souvent avec des pâtes inattendues. Ici c’est un peu
« du standard », uniquement des pâtes dures, rien de
« coulant ». Deux noix, deux
biscottes, de la marmelade…on a vu mieux.
Un superbe entremet qui se trouve être un rafraichissante sorbet au
céleri.
Le dessert sera vraiment exceptionnel et presqu’un ton au-dessus des
autres assiettes. Etant souvent très déçu par les desserts surtout ici en
Catalogne, je ne peux que féliciter le ou le chef pâtissier avec ce très
équilibré millefeuilles de Campari et pamplemousse rose avec basilic. Beaucoup
d’équilibre en bouche, des jeux de textures, une amertume parfaitement contrôlée.
Quelques mignardises pour terminer ce menu amené avec le café.
Un vin unique avec ce repas l’Arketipo 2015 de chez Sorta Els Angels, un
vin rouge complexe, méditerranéenne et fruité, qui préserve son caractère
frais.
Alors comment conclure ce repas… Certes ce fût un repas qui fût réglé
comme du papier à musique. Tout est pensé, structuré, organisé avec peu ou pas de
place à de l’improvisation. Service robotique, cuisine précise et une
impression comme si on jouait le timing. Des plats souvent excellents et
d’autres un peu anecdotiques. On passe d’une cuisine « moderne
espagnole » avec des inspirations qui frôlent le moléculaire une fois ou
deux à des plats plus classiques ou conventionnels qui s’inspirent de la
cuisine Française. En réalité, il y en aura pour tous les goûts et c’est bien
entendu fait pour plaire à une majorité de clients. Maintenant c’est un style
et si l’on préfère une cuisine avec une ligne directrice un peu plus marquée,
on sera peut-être un peu déçu. Question
de goût et bien entendu cela dépend de ce que l’on recherche ici à Barcelone.
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