samedi 8 février 2020

Caelis, Barcelone


Une des tables étoilées les plus connues en ville, celle du chef Romain Fornell qui a su étendre son empire en multipliant le nombre d’adresses avec des styles de cuisines associant souvent les classiques catalans en y ajoutant des touches ou techniques françaises. Bien entendu c’est dans cet hôtel OHLA que se trouve son premier établissement avec son étoile Michelin. Une réservation bien entendue un peu plus difficile qu’ailleurs puisque déjà nous sommes en période de fêtes mais aussi parce que le tourisme de passage souvent ne fait que de suivre le guide aux macarons, donc choisi d’emblée de venir ici. D’ailleurs ce soir, le public est tout sauf local et la seule possibilité de dîner reste au comptoir face aux cuisines. Pas forcément déplaisant car cela donne la possibilité de bien entendu d’observer ce qui se passe derrière les fourneaux.


Un intérieur élégant avec une cuisine ouverte, un cellier apparent, une salle confortable, un style chic mais suffisamment détendu pour ne pas tomber dans l’ostentatoire,




Donc cela sera devant la cuisine que nous passerons cette soirée, assis sur des chaises hautes. Une impression d’être un peu déconnecté du reste de la salle malgré tout, mais une opportunité rare de pouvoir observer les dressages tout au long de la soirée, sans que le chef soit là ce soir. Cependant le tout sera extrêmement structuré sans grande manœuvre pour de l’interprétation. Tout est organisé, préparé, fait pour que les assiettes défilent et sans temps mort. Pas d’interaction avec les clients comme on peut bien le comprendre, un côté très robotique en cuisine. Un détail un peu déplaisant, la distance entre le dressage des assiettes et la dépose devant qui est trop grande, ce qui donne l’impression que l’on se penche sur le comptoir ou alors on fait le tours pour vous déposer les plats.





Deux menus de dégustation, le premier appelé « Menu Terre et Mer » que nous choisirons tarifé à 92 euros et le second 135, certains plats avec des ingrédients prestigieux étant majorés de quelques euros. Et pour commencer une série d’amuse bouches amenés souvent ensemble comme par exemple l’olive verte et anchois. En réalité une reconstitution un peu dans le genre des établissements qui apprécient ce côté presque moléculaire que l’on trouverait par exemple chez « Disfrutar ». Associé à cette olive, une minuscule tartelette de jaune d’œuf mariné et caviar, avec un peu de ciboulette.


Puis une coupelle avec une émulsion de béarnaise accompagnée de feuilles de persil. En réalité une sorte d’espuma très légère à la saveur de la sauce bien connue avec une structure biscuitée en forme de feuille que l’on brise et utilise pour prendre cette mousse en bouche.


Il faut relever que la vaisselle est plutôt très originale, en tout cas les assiettes de présentation.


Ensuite une interprétation moderne du classique pain à la tomate et sardines. Une sorte de meringue avec sur le dessus une crème ou un beurre manié avec de la sardine et quelques lamelles de radis.


Une bouchée un peu plus gourmande avec une gaufre de pomme de terre et ventrèche de thon.


Dans un petit bouillon bien parfumé, des gnocchis de butternut et glace à la truffe, amuse-bouche qui finale la première partie du menu.


Alors que dire à ce stade…Eh bien pas vraiment de surprise, c’est assez conventionnel et un peu trop semblable à ce que l’on pourrait trouver ailleurs dans cette catégorie d’établissement. On avale ces bouchées mais il n’y a rien qui laisse pantois. Peut-être que l’on recherche de la sophistication, de la technique qui n’est pas si nécessaire, d’ailleurs la gaufre reste la plus plaisante.



Un service de pains artisanaux et jeu de beurres, ce qui signifie que ce sont des préparations comme par exemple tomate et basilic. Ces pains sont tout bonnement exceptionnels et accompagnés de ces beurres sont encore sublimés.



Les plats suivants seront au choix et nous prendrons le poireau écologique rôti au charbon avec caviar des Pyrénées. L’idée est assez semblable à celle de cuire des calçots et de les accompagner d’une sauce dans laquelle nous trouverons ce Caviar des Pyrénées. Provenant d’une maison parie sur l'élevage en montagne de l'esturgeon pour contribuer aux soins de l'espèce et garantir le processus de production du caviar et sa qualité. C'est dans l'eau pure et cristalline aux sources de la Garonne, à seulement 20 kilomètres de la naissance du fleuve, que les esturgeons « acipenser baerii » atteignent leur maturité, au terme de sept à huit années. Si l’idée de ce plat est très bonne, le poireau nécessiterait d’être un peu moins épais avec de mieux sentir les œufs.


Ensuite les petites seiches « a la bilbaína » et leur jus. Une cuisson parfaite pour ce produit de grande fraicheur, même si je suis étonné par le nom de la préparation qui me semble normalement être au Pays-Basque composée de tomates dans la sauce, c’est probablement une interprétation avec de l’encre de seiche. Sur le dessus une chips pour une touche croustillante bienvenue.


Pour suivre un tartare de bœuf au couteau et perles de moutarde. Le tartare arrive simplement sur un plat et ensuite c’est un show de type moléculaire avec moutarde et azote. Est-ce bien utile ? Le résultat est une série de petites billes qui sont ensuite déposées sur la viande.






Ensuite un tronçon de vivaneau à la bouillabaisse et à l’estragon. Superbe poisson parfaitement cuit, sauce bien parfumée et réduite, l’estragon dans un une autre sauce qui est élégamment présentée autour de la première.


En plats principaux, un pigeon d’Araiz comme un civet. Pigeon de Navarre de très bonne qualité entouré d’un demi-glacé bien concentré et d’haricots de Santa Pau et d’une petite tartelette. Assiette délicieuse mais il faut tout de même mentionner que la ration est chiche ce qui d’ailleurs est souvent le cas ici…


Avec un supplément de 12 euros, l’impeccable lièvre à la royale avec foie gras et truffle « melanosporum » râpée sur le dessus. Un plat vraiment mémorable ici.


Moyennement emballé par les fromages affinés catalans car si l’on habite Barcelone, il y a plein de fromageries de très haut niveau qui proposent une gamme très variée et souvent avec des pâtes inattendues. Ici c’est un peu « du standard », uniquement des pâtes dures, rien de « coulant ».  Deux noix, deux biscottes, de la marmelade…on a vu mieux.


Un superbe entremet qui se trouve être un rafraichissante sorbet au céleri.


Le dessert sera vraiment exceptionnel et presqu’un ton au-dessus des autres assiettes. Etant souvent très déçu par les desserts surtout ici en Catalogne, je ne peux que féliciter le ou le chef pâtissier avec ce très équilibré millefeuilles de Campari et pamplemousse rose avec basilic. Beaucoup d’équilibre en bouche, des jeux de textures, une amertume parfaitement contrôlée.


Quelques mignardises pour terminer ce menu amené avec le café.


Un vin unique avec ce repas l’Arketipo 2015 de chez Sorta Els Angels, un vin rouge complexe, méditerranéenne et fruité, qui préserve son caractère frais.


Alors comment conclure ce repas… Certes ce fût un repas qui fût réglé comme du papier à musique. Tout est pensé, structuré, organisé avec peu ou pas de place à de l’improvisation. Service robotique, cuisine précise et une impression comme si on jouait le timing. Des plats souvent excellents et d’autres un peu anecdotiques. On passe d’une cuisine « moderne espagnole » avec des inspirations qui frôlent le moléculaire une fois ou deux à des plats plus classiques ou conventionnels qui s’inspirent de la cuisine Française. En réalité, il y en aura pour tous les goûts et c’est bien entendu fait pour plaire à une majorité de clients. Maintenant c’est un style et si l’on préfère une cuisine avec une ligne directrice un peu plus marquée, on sera peut-être un peu déçu.  Question de goût et bien entendu cela dépend de ce que l’on recherche ici à Barcelone.

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